Jean-Pierre Robichaud, Le Pont de Palmarolle, février 2019
Après les curés de l’alcool qui sont venus nous dire il n’y a pas longtemps comment boire dans notre salle à manger, puis ces nouveaux curés de la censure à propos des pièces de théâtre Kanata et Slav, voici maintenant un autre retour de soutanes : les « antipétrole» de l’Alberta montent en chaire pour nous sermonner.
Dominic Champagne, en sauveur du peuple, s’est auto-ordonné curé du pétrole « sale». Et le voilà parti en croisade avec nos « veudettes » qui sont les nouveaux enfants de choeur. Des commentateurs ont souligné le fait que pour plusieurs d’entre eux, concernant l’économie de pétrole, les bottines ne suivent pas toujours les babines. Double résidence et véhicule énergivore font une tache d’huile sur la griffe de certains qui ont signé le Pacte pour la transition.
Et quand ces gens de la scène (je n’ai rien contre leur métier) sillonnent la province pour leurs spectacles, ils ne transportent pas leur matériel à vélo à ce que je sache. Et quand ils traversent l’Atlantique, ce n’est sûrement pas en pédalo ou en tapis volant. Dès lors, leur empreinte carbone est autrement plus élevée que le pauvre automobiliste coincé dans le trafic du Montréal métropolitain.
Sachez que moi aussi je suis sensibilisé autant que vous aux problèmes environnementaux. Moi aussi je veux léguer à mes petits-enfants une planète en santé et je tente de faire ma modeste part. Je suis (heureusement) loin des embouteillages monstres des grandes villes, je plante des arbres et je fais mon compost.
Je rappelle à M. Champagne et ses ouailles que mon Abitibi couvre une superficie de 7680 km2 contre 483 km2 pour l’Île de Montréal. Et chez nous relier deux villes prend au minimum une heure en auto. Ilfaut à l’évidence oublier la marche ou le vélo. C’est dire que nous aurons encore besoin de pétrole pour un bon bout de temps.
Faut-il également rappeler à M. Champagne que le Québec est le plus gros consommateur de pétrole per capita au monde après les États-Unis? Eh oui, devant la Chine et l’Inde! Pour la simple et bonne raison que nous conduisons en grande majorité de gros véhicules énergivores.
Le Québec compte 185 000 kilomètres de routes, de rues et de chemins locaux couvrant un territoire immense. À l’évidence, à moins de s’encabaner, ce n’est pas demain la veille que nous allons cesser de consommer du pétrole. Et savez-vous d’où il provient ce pétrole? En 2017, selon le plus récent rapport, 53 % de notre consommation
était issue de… l’Alberta. Rien de moins que 70 millions de barils! Les USA comblaient la différence avec 43 % de leur pétrole de schiste, supposément « sale » lui aussi selon nos curés. Et ça ne cesse d’augmenter. Parce que ce pétrole est le moins cher sur la planète, ce qui maintient le prix à la pompe relativement bas. Dès lors ce ne sont sûrement pas les consommateurs qui vont s’en plaindre. Alors je dis ceci à ces nouveaux ensoutanés : c’est une chose de vouloir éliminer le pétrole, mais vous me proposez quoi à la place pour franchir les quelque 700 kilomètres séparant mon Abitibi et votre Plateau? Et vous, comment vous déplacez-vous messieurs, dames?
La sauvegarde de la planète sera moins affaire de boycott du pétrole ou de contraintes de toute part que de plusieurs petits gestes individuels. Voilà pourquoi je dis au curé Champagne et ses enfants de chœur : « Regardez d’abord dans votre propre cour et arrêtez de mettre du gaz dans votre char! »