Cordâme sur scène. Photo : Lyne Boulet

Des cordes qui ont du caractère

Lyne Boulet, Le Sentier, Saint-Hippolyte, novembre 2018

 

« Cordâme explore les textures, le timbre et la sonorité propres aux cordes. Nos interprétations sont inspirées d’un univers à la croisée des chemins du jazz et de la musique de chambre. »

L’ensemble Cordâme – ne serait-ce pas une contraction de Cordes et âme ? – était en spectacle le 13 octobre à la salle Saint-François-Xavier à Prévost, dans le cadre de la série Azimuths & Jazz/Pop d’Amal’Gamme. Un contrebassiste, une violoncelliste, une violoniste, une harpiste et un pianiste accompagnés d’un percussionniste : un sextuor au caractère bien trempé.

 

Le compositeur et le contrebassiste

Le spectacle Debussy Impressions du compositeur Jean Félix Mailloux présentait six pièces de sa création et neuf pièces remaniées de Debussy. Il y a également glissé deux pièces remodelées de Satie, extraites d’une production antérieure, Satie Variations. Impressions, variations, les termes choisis pour les titres des concerts sont évocateurs. Car les « variations » de Jean Félix injectent à ces œuvres connues une signature toute personnelle, celle de l’inventivité musicale de l’arrangeur-compositeur.

Quand il s’exécute, Jean Félix Mailloux, le contrebassiste, livre une interprétation très pizz (pizzicato, pizz Bartók, etc.) : il utilise rarement son archet, préférant pincer les cordes avec les doigts. Il marque le rythme. On peut même dire qu’il joue avec l’énergie d’un joueur de guitare électrique, malgré la taille de son instrument.

 

La violoniste

La violoniste Marie Neige Lavigne est membre fondatrice de l’ensemble Cordâme. Elle enchaîne les phrases et les motifs mélodiques des pièces interprétées en libérant, avec une apparente facilité, des notes glissantes et tremblantes (glissando, trémolo). Son violon s’impose distinctement comme « la vraie voix féminine de l’orchestre », pour reprendre les mots de Berlioz.

 

Les autres cordes

Durant tout le spectacle, les musiciens dialoguent. Ils s’expriment d’une même voix ou se répondent. Ils s’élancent dans des combinaisons quelquefois improbables pour nous offrir des moments musicaux surprenants. Écrits ou improvisés, les dialogues à deux ou trois instruments se succèdent. On a l’impression que les protagonistes sont projetés dans une relation instinctive dans laquelle chacun, à tour de rôle, a la possibilité de donner sa pleine mesure. Par exemple, on entendra la harpiste jouer des cordes les plus courtes de son instrument, révélant ainsi un registre aigu mordant, inhabituel pour la harpe qu’on associe plus volontiers à un univers de douceur cristalline.

Les techniques de jeu des musiciens se relaient elles aussi. Qu’elles soient frottées ou pincées, les cordes s’opposent un instant, puis se complètent l’instant suivant. Dès lors, approchées et touchées de différentes façons, elles s’épanchent sans retenue.

 

Et Debussy ?

Oui, Debussy était bien invité à cette soirée. C’est à ses sonates pour piano que Jean Félix Mailloux s’est frotté, car, nous a-t-il avoué, ce sont celles qu’il connaissait le mieux. C’est ainsi qu’il s’est inspiré de mouvements tirés des Préludes, de la Suite bergamasque et des Six épigraphes antiques pour nous proposer ses trouvailles enrobées d’une nouvelle verve musicale. Mais il a eu le doigté de sauvegarder l’empreinte impressionniste et orientaliste qu’on prête à Debussy.

 

Conclusion

« Ce sont de bons musiciens, mais ce n’est pas ce à quoi je m’attendais », murmure une spectatrice. Et, de fait, si d’autres mélomanes ont assisté au spectacle pour entendre la musique de Debussy, ils ont dû avoir la même réaction. Car Cordâme nous a offert du Mailloux. Sans oublier, bien sûr, l’apport de ses complices sur scène qui ont brièvement improvisé à plusieurs moments de la soirée, jazz oblige! Et, de commenter un autre spectateur, « nous nous accordâmes (!) une bien belle soirée ».