Trois-Rivières ville de poésie?

Jacques Paquin, La Gazette de la Mauricie, Trois-Rivières, septembre – octobre 2018

Trois-Rivières ville de poésie? La réponse parait simple. En cette période qui précède la tenue du Festival international de la poésie de Trois-Rivières (FIPTR), les lieux publics sont habités par la fièvre qui s’empare de la ville, pour le plus grand plaisir des adeptes de poésie.

Le FIPTR est devenu l’une des marques de prestige de Trois-Rivières, mais si on remonte un peu dans le temps, on constate que la poésie a toujours fait partie de la culture en Mauricie. Cet intérêt pour cette forme d’écriture, souvent perçue comme peu accessible, a débuté avec l’embauche à l’UQTR du poète Gatien Lapointe à titre d’animateur d’ateliers d’écriture.  Il a formé de jeunes écrivains et leur a permis de publier leurs œuvres en fondant avec eux, en 1971, la maison d’édition Les Écrits des Forges.  Cette appellation qui l’inscrit dans le patrimoine de la Maurice, renvoie aux Forges-du-Saint-Maurice, première entreprise sidérurgique en Amérique.

La poésie était donc liée dès le départ à une forte appartenance régionale. Au fil des années, le catalogue des Forges va multiplier les coéditons internationales pour s’ouvrir à la poésie du monde entier. Mais pour Gaston Bellemare, l’un des étudiants de Lapointe, ce n’était pas suffisant. Devenu administrateur des Écrits des Forges à la mort du fondateur, Gaston Bellemare s’est efforcé à donner une plus grande visibilité médiatique à la poésie. Il conçoit donc un événement qui invite journalistes et libraires à accorder plus de place à la poésie.

En 1985 naît donc la première édition du Festival de la poésie avec, à titre d’invité d’honneur,  le poète et auteur-compositeur-interprète Félix Leclerc, un fils de la région (La Tuque). C’est d’ailleurs Félix Leclerc qui aurait sacré Trois-Rivières « capitale de la poésie ». Peut-être par association avec le titre de capitale mondiale du papier journal que détenait Trois-Rivières à l’époque.

Depuis, le Festival a pris une envergure internationale, faisant de celle-ci une destination touristique pour les poètes et un public toujours fidèle au rendez-vous. La lecture de poèmes est au cœur de l’événement puisqu’à chaque automne, les poètes se prêtent à une performance minimaliste, installés sobrement devant un micro dans les bars et les restos où se presse un fervent public.

En marge du FIPTR la population peut assister, depuis 2006,  au Off festival, un événement qui survient en réaction à l’institutionnalisation du FIPTR et qui met en valeur les jeunes poètes. Une initiative qui démontre que la poésie continue à susciter un engouement au-delà du fossé des générations.

Ce type d’événement amène-t-il plus de lecteurs à lire de la poésie et contribue-t-il à accroître la vente de recueils de poésie? Sans doute les concours de poésie suscitent-ils suffisamment de curiosité pour mousser la vente des recueils primés. Mais un fait demeure, pour la majorité des festivaliers et des festivalières, c’est le contact direct avec la parole poétique qui donne toute sa valeur à une expérience qui se passe dans la sphère publique, hors du livre. Comme aime le rappeler Gaston Bellemare, «Trois-Rivières n’est pas une ville de poètes, c’est une ville de poésie».