Il était une fois un passionné de bois…

Delphine Caubet, Reflet de Société, Montréal, été 2018

À l’image de célèbre conteur Charles Perrault, Gilles Perreault est un créateur de rêve. Lui n’a pas couché des histoires fantastiques par écrit, mais il a bâti de ses mains le Tamböa: une percussion 100% québécoise née de l’imaginaire de cet ancien ébéniste.

Entre une vie de bohème et un goût prononcé pour la musique, Gilles a mis plusieurs années avant de créer son œuvre, la grande, qu’il espère, lui survivra. Le Tamböa, une percussion à fentes d’une cinquantaine de centimètres utilisant deux baguettes surmontées d’une boule en caoutchouc. Le son qui s’en dégage est velouté, doux et profond.

 

Conception

En tant qu’ébéniste, Gilles concevait à l’occasion des placards, et lorsqu’il les posait vides dans les cuisines, ils se transformaient en caisse de résonance. Quelque chose le picote durant ces moments. Il dit que le bois l’a toujours passionné, alors pendant 5 années, il va faire des recherches sur les percussions et les différents bois.

«Mon idée de départ était de faire un genre de xylophone, alors j’ai commencé mes petites recherches. Un tambour à fentes aztèques, le Teponaztli, m’a inspiré également. Mais je voulais utiliser des bois indigènes du Québec. Le Canada est fier de sa nature, mais il utilise peu son bois. Le plus souvent, il vient de forêts équatoriennes ou d’Afrique et ce sont des conflits qui permettent de les sortir.» Lui ne voulait pas participer à cela.

Après maints essais, Gilles arrive à un produit fini en 1998 et, comme il le raconte avec théâtralité, il a crié son «Euréka!». Il a eu la vision qu’il venait d’arriver là où son destin l’attendait, où il pourrait vivre au travers de ses deux passions: la musique et le bois.

 

Thérapeutique

Dès lors, Gilles Perreault l’ébéniste est devenu un facteur d’instrument qui peut vivre de sa passion. Aujourd’hui, son atelier se situe dans la Vallée-du-haut-Saint-Laurent et entre ses semaines de fabrication, il court les salons pour promouvoir le Tamböa.

«Depuis 15 ans, je vais dans des salons de musicothérapie. Les intervenants travaillent dans des hôpitaux, en gériatrie ou auprès de personnes autistes. Le Tamböa leur plait, car il est très simple d’utilisation et mélodieux.» Chaque année, Gilles revoit les mêmes visages et a un suivi par les intervenants.

Il raconte: «À Toronto, une intervenante travaillait avec un jeune autiste, il était vraiment déconnecté du monde. Mais l’enfant s’est avéré doué et passionné pour le Tamböa. Comme l’intervenante ne pouvait pas être proche de lui, elle a décidé d’acheter un deuxième instrument pour attirer l’attention de l’enfant. Quand elle a commencé, elle devait jouer à l’autre bout de la salle et au bout de 3 ans, ils ont pu être côte à côte et jouer ensemble.»

«La qualité du Tamböa est sa facilité d’utilisation; il peut redonner confiance à des joueurs. C’est une expérience positive, c’est pour ça que les éducateurs et musicothérapeutes l’aiment. C’est un plaisir.»

 

Musiciens

Dans le milieu professionnel de la musique, Gilles dit être de plus en plus reconnu et pendant 5 années, il a exposé dans un salon à Paris. «J’étais à côté de pianos à 100 000$, raconte-t-il. Mais les vieux musiciens et facteurs me saluaient, car j’étais de la relève. C’était une reconnaissance, ça faisait du bien.» Et avec amusement, il raconte comment Ubisoft a déjà intégré une musique jouée au Tamböa dans l’un de leurs jeux vidéo.

La percussionniste Marise Demers joue du Tamböa depuis plus de 10 ans maintenant, et après avoir adopté l’instrument, la jeune femme a contacté Gilles pour qu’elle puisse l’intégrer dans ses ateliers. «Et au final, j’ai acheté toute la gamme», plaisante-t-elle. «J’aime son côté velouté, explique Marise. C’est une percussion mélodique

(qui n’a qu’une seule note). Il a une résonance particulière et est intuitif et original. C’est le fun de jouer à deux avec un enfant. Ça aide à développer leur rythme par l’observation.» Loin d’être destiné uniquement aux enfants, le Tamböa est pour tous les âges et niveaux, preuve à l’appui avec l’album de Marise Demers consacré à cet instrument.

 

Remis en question?

Des histoires comme celle de l’enfant de Toronto, Gilles dit en regorger et elles font sa fierté. Et lors de moments d’incertitude où la vie de facteur d’instruments devient trop lourde, elles le stimulent. Pour l’instant, Gilles n’a personne pour reprendre son atelier, alors il continue en pensant aux percussionnistes qui jouent du Tamböa.

Il est fier du produit qu’il offre au public. Pour 200$, un parent peut offrir un instrument québécois de qualité à son enfant, et non un produit Walmart qui se brisera d’ici quelques semaines. «C’est vrai que je pourrais faire les instruments en Asie et les vendre avec une équipe marketing. Mais non, j’aime ce que je fais», conclut-il.

Pour découvrir et entendre le Tamböa, rendez-vous sur: goo.gl/9ZN6XP