MOSTAPHA LOFTI, L’Itinéraire, Montréal
Les immigrants qui débarquent à Montréal ont tendance à s’installer là où les logements sont meilleur marché. Dans le passé, c’était dans les quartiers centraux, de nos jours, plutôt en périphérie, explique Xavier Leloup, professeur-chercheur au Centre Urbanisation Culture et Société de l’INRS.
M. Leloup est lui-même un immigrant. Originaire de Belgique, il a développé un intérêt pour le logement, l’immigration et la vie de quartier. À Bruxelles aussi, les immigrants se sont installés dans les vieilles maisons du centre pour être ensuite poussés vers la banlieue par la gentrification et la hausse des prix.
En général, explique-t-il, les immigrants au Québec choisissent leur logement en fonction de leurs ressources. « C’est la question des revenus qui est déterminante et non l’origine ethnique dans le choix de logement. Je ne pense pas que ce soit une question de culture. C’est plutôt une question d’insertion sur le marché du travail. »
Même s’ils arrivent avec peu de moyens, les immigrants épargnent patiemment pour s’acheter une maison. D’ailleurs, à Montréal, ils sont plus souvent propriétaires que les Québécois de souche. Mais comme le prix de l’immobilier a beaucoup augmenté, il est devenu de plus en plus difficile d’acquérir une maison, que l’on soit immigrant ou non. Il faut donc plus de temps pour accumuler le capital pour la mise initiale.
Auparavant, on estimait que cela prenait environ cinq ans pour qu’un nouvel arrivant retrouve un niveau de vie équivalent à celui qu’il avait dans son pays d’origine. Aujourd’hui, il faut souvent une dizaine d’années.
La quête du logement, en outre, n’est pas toujours une démarche plaisante. Des histoires de discrimination et de stigmatisation entachent l’image d’un Québec accueillant. « On le sait, il y a plein d’anecdotes, mais c’est très difficile à étudier. En 2000, la Commission des droits de la personne et de la jeunesse s’est penchée sur la question. On a fait des tests qui ont montré qu’il y avait de la discrimination de la part des propriétaires », et particulièrement à l’égard de certains groupes comme les Noirs, les Latinos et les gens originaires d’Afrique du Nord.
Concernant les politiques fédérales et provinciales en matière d’habitation, Xavier Leloup affirme qu’on est dans un système plutôt libéral : « Le Canada adopte des politiques relevant de la social-démocratie en éducation et en santé, mais l’investissement dans le logement social est faible ». D’autre part, « les politiques d’immigration n’intègrent que peu le logement ».
L’expert précise que certains pays ont des modèles plus progressifs et généreux. Par exemple, à Amsterdam, au Pays-Bas, près de 60 % du parc immobilier est constitué de logements sociaux. Par contre, en Belgique, c’est le marché privé qui domine largement. À propos de l’avenir, M. Leloup est optimiste. Il croit que l’adoption d’une nouvelle stratégie fédérale du logement est une bonne nouvelle, quoique le Québec n’y ait pas encore adhéré. Il estime aussi que le financement demeure le plus grand obstacle au logement social.