Daniel Pezat, Le Reflet du Canton de Lingwick, Lingwick
Cette année, le pont couvert McVetty-McKenzie, notre pont couvert, fête ses 125 ans. Un beau vieux en santé! Quand nous pensons aux ponts de Montréal qui, en pleine jeunesse, tombent en ruine, il faut bien reconnaître que les artisans de 1893 savaient bien faire les choses.
Fermé à la circulation en 1979, il est peu à peu tombé dans l’oubli. Vers la fin des années quatre-vingt, l’Association des ponts couverts du Québec, avec sa revue Le Pont’Âge, nous le remet en mémoire. En 1993, le centième anniversaire approche : « Faudrait bien faire quelque chose! ».
Tranquillement l’idée fait son chemin. Le Reflet du canton de Lingwick toujours en quête de ressources financières (à cette époque il n’y avait pas de subventions pour les journaux communautaires) réfléchit à une activité originale de financement qui rassemblerait les gens de Lingwick. L’occasion est belle, le pont couvert a 100 ans; c’est le temps du blé d’Inde, c’est l’été et il fait beau!
Beaucoup de discussions, de pourquoi et de comment : « Oui, mais s’il pleut? ». « Pi, il n’y a pas d’électricité! ». « C’est loin, c’est qui qui va venir voir un vieux pont en bois? ». Le projet prend forme. Le Reflet organise une épluchette de blé d’Inde au pont couvert. « Il y aura de la musique, des hot-dogs, de la bière, des pâtisseries maison, des liqueurs et du fort. »
Rencontres après rencontres, la journée s’organise; il faut penser aux jeunes : pourquoi pas une course de boîtes à savon? Demande de permis et de permissions, recherche de commanditaires, organisation du transport du matériel… Le journal fait normalement relâche en été; cette année-là, les bénévoles n’ont pas eu beaucoup de vacances, au diable; l’énergie et le temps qui passent, la détermination et l’excitation nous tiennent lieu de carburant. Au fil des semaines, tout se met en place : l’invitation pour la course est faite et des inscriptions se font. « Ah! Où! Il faudrait construire des rampes pour partir les voitures! » Lingwick est généreux et les commanditaires ne se font pas prier.
L’éclairage et la musique posent un réel problème; c’est sans compter sur l’imagination des gens du Reflet. Pour l’électricité, il nous faut une ou deux génératrices et pour l’éclairage nous apporterons nos décorations de Noël. Pour le transport, un tracteur et une voiture à foin seront bien utiles.
Nous sommes le 21 août 1993, il y a eu un peu de gel dans la nuit, un beau soleil se lève, il est 7 heures, tous les bénévoles sont au rendez-vous. Un solide petit déjeuner en plein air nous met le cœur à l’ouvrage. À 11 heures, tout est en place. Les premiers participants arrivent. Ils seront 250 à nous rejoindre, tous surpris de retrouver les lieux et de se reconnaître : « Je me souviens dans les années… » l’évocation de souvenirs et les histoires n’en finissent plus. La course de boîtes à savon est un succès.
À la nuit tombante, le pont s’illumine, on rit, on danse. Il fait frette, on prend un p’tit coup, c’est chaleureux, convivial; c’est la joie de vivre à Lingwick. Aux petites heures, les derniers convives partis, les lumières s’éteignent. Le pont retrouve sa quiétude, le bruit de l’eau qui court et celui du vent dans la charpente, tout est paix et sérénité.
Dès 1994, d’autres activités se déroulent au pont : épluchettes de blé d’Inde, Bosco Bicycle, de Sherbrooke, faisait une halte souvent annuelle, pour une nuit; messes, mariage, dispersion de cendres funéraires, Fête nationale du Québec, fête de la pêche, fêtes familiales, etc. En 1999 et en 2000, le Festival des Traditions Écossaises attire des milliers de festivaliers.
Les touristes y font une halte le temps d’une visite guidée. À nouveau, le pont McVetty-McKenzie fait partie de la vie du canton.
En 2005, la municipalité décide d’entreprendre des réparations importantes sur les piliers et la charpente. Il en avait grand besoin. Maçons et charpentiers y travailleront durant six mois. Les résultats sont évidents, les blocs de granit des piliers sont replacés et la structure est redressée. Une nouvelle vie commence pour le pont au toit rouge.
La boutique des Artisans de Lingwick s’est implantée sur le site du pont en 2007. À partir de 2015, La nuit du pont couvert est un événement incontournable. Des gens viennent de loin pour fêter l’été et admirer ce monument.
Aujourd’hui, le pont a 125 ans, il symbolise le canton de Lingwick. Présent dans les armoiries de la municipalité, il nous dit d’avoir confiance dans l’avenir, que rien n’est jamais écrit d’avance et que nous tenons notre destinée entre nos mains. R