La soie, les épices, le whisky, l’arak, le sable et la neige

Sylvie Prévost, Le Journal des Citoyens, Prévost

Diffusions Amal’Gamme commence l’année avec un concert prometteur en exotisme… pour un bel après-midi calme.

En effet, le programme suggéré par l’Ensemble Mozaïka est un habile assemblage de pièces classiques, traditionnelles et originales, parcourant la planète d’Est en Ouest. Il témoigne d’une très vaste culture et d’une volonté affirmée de rapprocher diverses traditions musicales. Le résultat me fait penser à un intéressant travail d’étymologie qu’on aurait fait sur un axe géographique plutôt que temporel. Les instruments que nous avons entendus sont à l’avenant, du luth à la guitare, du oud au pipa.

Si tous ces instruments sont apparentés, ils n’en possèdent pas moins des timbres fort différents et les pièces proposées nous ont opportunément permis d’entendre en solo les instruments moins connus. Les arrangements à plusieurs sont aussi très habilement composés pour entremêler ces diverses voix. La chose n’est pas si aisée. Le pipa, par exemple, est très intime et développe peu de volume; les guitares, beaucoup plus résonnantes, doivent donc se faire toutes petites. La connivence des musiciens est manifeste dans le soin qu’ils mettent à s’écouter les uns les autres. Là où je suis moins convaincue, toutefois, c’est dans la subtilité de ces arrangements, qui m’a en quelque sorte parue excessive. Tresser ensemble les voix est bien, mais faire passer la balle si rapidement d’un instrument à l’autre- après une mesure ou deux, semble-t-il, ne laisse pas le temps au spectateur d’apprécier le timbre unique de chacun, de goûter la variation. À plusieurs moments, j’ai même souhaité ne plus avoir d’yeux pour ne pouvoir me concentrer que sur mes oreilles. Voilà peut-être une illustration de l’adage « le mieux est l’ennemi du bien » ? Ou bien sont-ce des arrangements un peu trop cérébraux et pas suffisamment organiques ? Je ne saurais le dire… et d’ailleurs ce n’est toujours que mon avis.

Cela dit, je ne remets pas en cause la grande qualité des musiciens, tous parfaitement accomplis, et c’est peu dire. La présentation des instruments et des pièces ont également visé juste. Caravanes : L’Odyssée de Marco Polo est vraiment un beau voyage, plein de couleurs. Les airs traditionnels chinois, sous les doigts magiques de Mme Guan, et Gürki Kizi, au oud solo, nous ont transportés aussi loin dans l’espace que dans le temps. Seule la Danse rituelle du feu ne m’a pas paru le meilleur choix, non que les musiciens ne s’y soient pas totalement engagés, ni que l’arrangement pêche, mais plutôt parce que le volume sonore de l’ensemble n’arrive pas à évoquer la puissante sauvagerie de la pièce originale.

C’est d’ailleurs la caractéristique de cet ensemble que j’ai préférée : un son intime, qui prête au calme et à l’ouverture sur d’autres cultures. Un bel après-midi qui nous sort de notre quotidien.