Karine Fortin, Autour de l’Île, L’île d’Orléans
Parcourons un peu notre imaginaire, vous voulez bien? Et si, un matin, en marchant sur la berge, vous trouviez un squelette de méduse… Impossible ? Bon… D’accord. Et si juste là, dans votre boisé, poussaient des arbres cachant sous leur écorce un trésor inattendu… Des os de pierre… Un fil de métal… Une valve… De la kryptonite…? Hmmm…Vous vous demanderiez sans doute: «Mais depuis quand ça existe, ça ? Qui les a faits ? Pourquoi ces arbres ont-ils été modifiés?»
Drôle d’hypothèse? Pourtant, c’est bel et bien cet univers que Bernard Hamel est parvenu à libérer à la pointe de son ciseau pour sa dernière exposition Intériorité − Montre-moi ce que tu as en dedans. Ses nouveaux OTM (ou Organismes Techniquement Modifiés, comme les appelle leur créateur) ont été exposés du 9 novembre au 3 décembre 2017 à la Galerie Ni Vu Ni Cornu, de Sainte-Anne-de-Beaupré. Découvrons-en l’origine.
Le sculpteur
Bernard Hamel réside à l’île d’Orléans depuis maintenant 12 ans. Diplômé en 1992 de l’Université du Québec à Montréal en Arts plastiques, il s’est illustré depuis dans de nombreux symposiums et expositions tant sur la sphère locale qu’internationale. Il a entre autres orchestré un symposium de sculpture à l’Espace Félix-Leclerc en 2013 puis en 2015 en partenariat de la Maison des métiers d’art de Québec. Maintes fois récompensées, beaucoup de ses oeuvres furent primées, notamment au Symposium de sculpture Camille-Claudel, à La Bresse, en France. Outre le soin apporté à la gestation de ses oeuvres, M. Hamel enseigne également à l’École des métiers d’art de Québec, transmettant ainsi son savoir aux artistes des prochaines générations.
Ses racines
Alors que certaines formes d’art s’appliquent à reproduire avec sensibilité la beauté d’un modèle, l’art abstrait, incomparable, peut être interprété à l’infini. Ainsi, l’artiste qui s’y ose tend à saisir l’invisible pour en proposer une traduction tangible pleine de sens. Une émotion… Un souvenir… Un sentiment… Une résonance intérieure… Le sujet de l’oeuvre, jamais représenté, est livré à l’imagination et à la liberté sans filtre de celui qui la regarde. On aime. On n’aime pas. Pas de problème, car forme d’expression imprévisible entraîne justement, très souvent, une réponse imprévue. Oser s’y intéresser, c’est courir le beau risque d’être dérangé, surpris, dégoûté, ému ou séduit. Souvent, on se demandera «Pourquoi ça me fait ça?» Voilà! C’est là, dans son mystère, que réside toute la beauté de l’art abstrait. Et c’est dans ces eaux-là que Bernard Hamel a plongé certaines des racines de sa démarche artistique.
Son bois
À l’encontre des courants actuels qui privilégient le métal en sculpture, le sculpteur insulaire demeure fidèle au bois, trop souvent abaissé au rôle de simple support. En effet, pour lui, cette matière vivante et noble propose une riche diversité d’essences que le sculpteur prend plaisir à marier avec les matériaux les plus surprenants. Tuyauterie, plexiglas, acier, filage… formes et matières se mêlent en symbiose dans ses troncs ouverts. On devine alors que l’auteur de ces oeuvres aura voulu gratter sous l’écorce, comme on s’intéresse à l’âme humaine, pour forcer les arbres dont elles sont issues à révéler leur personnalité, à raconter leur passé, à divulguer leurs secrets.
Ses arbres
L’exposition Intériorité-Montre-moi ce que tu as en dedans est l’aboutissement d’une démarche artistique de plusieurs années. Ses troncs d’arbres éventrés, ouverts ou percés de petits interstices exposent littéralement leur coeur aux curieux. Qu’est-ce que c’est? À quoi ça sert? Comment ça se fait que ce soit là? Qui l’y a mis? Est-ce que l’arbre l’a fait grandir en lui-même? L’exposition éveille une multitude d’interrogations par lesquelles l’esprit se laisse porter. C’est comme si tous ces arbres, nés naturellement dans nos forêts, auraient pu, lentement, fomenter une part de mensonge entre les fibres de leur âme végétale. Parmi les huit nouvelles oeuvres exposées aux noms métaphoriques (tels Chauffage au bois, Jumelles, Filon et Écharpe, qu’une petite visiteuse de huit ans aura décrite comme un «escalier en froufrou sortant d’un étui magique»), celle appelée Structure, la préférée de leur artiste-père, propose un assemblage complexe de petites demi-lunes de métal désaxées, exposé telles les vertèbres fossilisées d’une baleine qui auraient été mystérieusement encastrées dans le ventre d’un arbre. Est-ce la vérité? Peut-être… Peut-être pas… Quelle est la vôtre? C’est à cette découverte de sens que la nouvelle exposition de Bernard Hamel conviait justement ses visiteurs, une intériorité d’arbre à la fois. Comme l’exprima une autre petite visiteuse de 10 ans, fascinée par l’oeuvre, une exposition tout simplement «Magnifique d’extraordinaire!!!»