Boys’ Farm a 110 ans

Benoît Guérin,  Journal Des Citoyens, Prevost

Qui se douterait qu’un organisme présent à Prévost fête cette année son 110e anniversaire en même temps que le vieux Prévost qui fête ses 90 ans de fondation. Installée à la limite nord de Prévost, cette vénérable institution se remarque à peine de la route 117, mais a une histoire clairement liée à celle de notre ville.

Le centre de la jeunesse et de la famille Batshaw, mieux connu chez nos concitoyens plus âgés comme le Boys’ farm, a été conçu dès 1899 par James R. Dick. L’objectif était semble-t-il à l’époque de sortir les jeunes délinquants de la ville et de leur permettre de participer à des activités de formation pour préparer leur avenir loin des milieux criminels.

Né en 1907, d’abord opéré par le Boys’ home of Montreal, puis en 1919 sous le nom de Boys’ farm and training school, le centre avait été créé pour « acquérir et tenir une ou plusieurs fermes et organiser une ou plusieurs écoles d’apprentissages connexes pour soulager et corriger les jeunes délinquants de sexe masculin, et de fonder des écoles d’industrie et de réforme pour faire l’éducation des jeunes délinquants »

En 1908, on achète une ferme de 250 acres à Shawbridge (Prévost) pour 8 500 $. On cons-truit un premier « cottage » pour y installer les jeunes et le personnel requis. Le 8 mars 1909, la Gazette officielle du Québec indique que « l’école de réforme… The Boys’ farm and training school à Shawbridge… est en état de recevoir ceux des jeunes délinquants protestants qui peuvent être condamnés à la détention dans une prison de réforme jusqu’au nombre de 30 inclusivement et venant de n’importe quelle localité de la province ».

Le 31 mars 1909, un premier groupe de 15 jeunes arrive de la prison de Sherbrooke. Ce premier groupe est bientôt suivi en avril d’un groupe de 15 jeunes de l’école de réforme catholique de Montréal qui recevait à l’époque plusieurs jeunes protestants. Le premier « cottage » sera utilisé jusqu’en 1939 alors qu’il fut détruit par un incendie.

La politique innovatrice de l’institution, à cette époque sans barreaux ni serrures, aurait fait des miracles pour ces jeunes qui sortaient d’une prison où ils étaient détenus avec des criminels de tout ordre. On dit que peu de jeunes s’évadaient du Boys’ farm puisqu’ils sentaient qu’on leur faisait confiance et étaient bien traités.

Ferme exploitée de 1908 à 1968

Au Boys’ farm, selon les époques, les jeunes, en plus de fréquenter l’école, entretenaient une ferme de 85 vaches laitières, des cochons, des poules et autres. La ferme dont 400 acres ont été cultivés était un modèle avec ses vaches Jersey de pure race qui ont gagné de nombreux prix dans les foires agricoles. Le lait de ces vaches était à l’époque transporté et vendu tous les jours à Montréal. La ferme permettait aussi aux jeunes de s’initier à l’élevage des porcs et de la volaille ainsi qu’à la culture des champs et des petits fruits. La ferme fut exploitée de 1908 à 1968. On retrouve aussi, vers les années ‘50, une école de métiers (menuiserie et usinage). Un corps de clairon et de cadets est formé. Le mouvement scout est aussi de la partie.

En 1921 le Club Kiwanis de Montréal fait construire et équiper un petit hôpital, avec salle d’opération et salle de soins dentaires, où pendant plusieurs années une infirmière est présente à demeure. Cet édifice abrite maintenant les bureaux de l’administration du centre.

Une piscine (don des Kiwanis en 1954), un gymnase, une chapelle, une patinoire extérieure et d’autres équipements complètent les services fournis aux jeunes pour leur développement. En 1957, on comptait déjà 18 bâtiments sur le site, dont six « cottages » hébergeant des jeunes.

Au début, les jeunes avaient l’habitude de fréquenter la petite église Méthodiste de la rue Principale à Shawbridge. Devenus de plus en plus nombreux dans cette église, en 1922 on construit donc une chapelle sur le site du centre, la chapelle Molson en mémoire de Percival Molson, un jeune athlète décédé en France près de Vimy lors de la Première Guerre mondiale. La chapelle fut construite avec des pierres et du bois provenant de la propriété du Centre. Elle fut fermée en 1976 et transformée en centre de détention.

Au fil du temps, l’institution a reçu la visite de nombreuses personnalités de l’époque. Elmer Lach, joueur de hockey de la célèbre « Punch Line » avec Maurice Richard et Toe Blake visitent le centre et participent à une partie de baseball avec les jeunes. Les gouverneurs généraux du Canada General Byng (1923), Lord Bessbourough (1933) et le Viscount Alexander of Tunis (1949) visitent et inspectent l’établissement. Lord Bessbourough sera amené à Shawbridge dans un train spécial du Canadien Pacifique affrété par Sir Edward Beatty alors président du chemin de fer du Canadien Pacifique. L’honorable Paul Sauvé, ministre du gouvernement du Québec participera au

50e anniversaire de l’institution à l’été 1957.

De nos jours, après avoir accueilli plusieurs milliers de jeunes, le centre accueille toujours des jeunes à son établissement de Shawbridge et poursuit sa mission sur ce site exceptionnel au pied des falaises.

On pourrait écrire encore de nombreuses pages sur cette institution centenaire et les événements marquants de son histoire que nous n’avons pu que résumer ici. Un grand merci pour l’accueil, les documents et les photographies fournis par Batshaw Alumni Association, dont la collaboration toute spéciale de Ronald Zinn. Merci pour les autorisations au CIUSSS de l’Ouest de l’île de Montréal pour la publication de photographies.