À gauche: la colonne Morris destinée à l’Alliance française de Toronto. À droite, un détail du chapeau et les deux artistes dans l’atelier de la Forge à Pique-Assaut.

DEUX ARTISTES S’ALLIENT POUR L’ALLIANCE

Normand Gagnon, Autour de l’île, Juillet 2017 Reconnaissant ne pas avoir l’expérience et les outils nécessaires à la production d’une colonne Morris qui lui fut commandée par l’Alliance française de Totonto, le sculpteur Philippe Pallafray, de Sainte-Pétronille, fait appel au ferronnier Guy Bel pour réaliser avec lui cette oeuvre qui, au moment d’écrire ses lignes, trônait fièrement près de la Forge à Pique-Assaut, le lieu de travail de M. Bel et de sa compagne. L’oeuvre, impressionnante autant par sa taille, plus de quatre mètres de hauteur, que par sa forte présence, doit être érigée devant le Théâtre de l’Alliance française, un organisme qui fait la promotion de la culture française en plus d’offrir des cours de langue à des milliers d’étudiants de tous âges, chaque année. Ce type de meuble urbain, en général utilisé pour l’affichage d’activités artistiques, a été inventé en Allemagne puis repris en France autour de 1868 par un promoteur de spectacles, Gabriel Morris, qui lui a laissé son nom. L’usage de ce type de mobilier s’est ensuite répandu dans plusieurs grandes villes de France et partout dans le monde. L’oeuvre La colonne, dont toutes les parties sont hexagonales, est constituée d’un socle à la facture classique (caisson mouluré) surmonté d’une structure vitrée à l’intérieur de laquelle on trouve un système d’éclairage à Del et un cylindre de métal poli qui peut tourner sur son axe. Le dernier dispositif est ingénieux, car il ne requiert qu’un seul ouvrant, ce qui permet de procéder à l’affichage sur l’ensemble du cylindre par la même ouverture. Cette pièce de mobilier urbain est coiffée d’un chapeau entièrement réalisé à la feuille de cuivre. Une fois les pièces du chapeau assemblées par rivetage, ce dernier a été oxydé, histoire d’éviter, comme le dit Guy Bel, ce brun sale du début de l’oxydation du cuivre en plein air. C’est pour ainsi dire la partie la plus originale de l’ensemble qui comporte une marquise avec des parties saillantes qui font penser aux gargouilles que l’on a vu apparaître sur certains édifices européens dès le XIIIe siècle. Malgré la liberté de l’exécution, la tradition française est toutefois conservée, car chaque extrémité des proéminences porte en effigie une face de lion en relief. Le sigle af, pour Alliance française, complète la décoration de cette bordure. Le dôme hémisphérique, constitué d’un assemblage de tôle se chevauchant, est surmonté d’une rose des vents stylisée et du fameux coq qui est presque devenu la marque de commerce de M. Bel. L’oeuvre est unique et se distingue de ses soeurs européennes, le plus souvent en fonte et produites industriellement, par la marque de l’artisan et par les méthodes utilisées : patines inégales, rivets apparents, etc. Il est de toutes alliances des effets d’hybridation insoupçonnés. Le résultat n’est pas une simple addition, mais plutôt une multiplication des contributions artistiques de chacun. Philippe Pallafray en sait quelque chose, lui qui, il n’y a pas si longtemps, produisait avec Violette Goulet En Rythme, l’oeuvre publique exposée près du centre Raoul-Dandurand à Sainte-Pétronille.