Photo : Serge Pilon

Deux guitaristes-cousins-frères

Gisèle Bart, Le Journal des citoyens, Prévost, le 18 mai 2017

Le samedi 8 avril 2017, deux virtuoses du jazz, Sylvain Provost guitariste et Norman Lachapelle bassiste, nous ont proposé à Prévost un moment d’accalmie.

En ces temps où les bombes éclatent à nouveau partout sur la terre, semant l’horreur; en cette époque où grondent les autoroutes assourdissantes, où nos étés sont accompagnés par le tintamarre des tondeuses, où nos feuilles d’automne sont soufflées par des appareils au niveau de décibels ahurissant, où la silencieuse neige de nos hivers est recueillie dans le vacarme, il nous a fallu nous adapter à autant de tranquillité. En effet, l’absence de la batterie quasi omniprésente dans les ensembles de jazz ou de rock nous a un peu déstabilisés durant les premières minutes. Il nous a fallu poser notre main sur notre cœur pour qu’il se calme, apaiser notre esprit survolté. Il nous a fallu nous détendre comme dans un fauteuil moelleux, nous abandonner au repos offert par ces deux excellents musiciens aux parcours et à l’expérience hors du commun.

Cependant, « méfions-nous des eaux dormantes », on ne sait pas ce qu’elles recèlent de remous sous-marins. Ainsi, après les premières pièces des plus « soft », ces deux complices, « des cousins devenus frères à force de jouer ensemble », nous installèrent progressivement sur une pente douce ascendante, avec des escarbilles et des lucioles qui fusèrent de partout dans Noces de Lumière, avec une rafale de feuilles virevoltantes dans Un parfum d’automne, pour parvenir à des morceaux franchement entraînants comme Bunus Blues et Asbestos.

Ces deux virtuoses, Jazzmen accomplis, fièrement Québécois, Laurentidiens de surcroît, possèdent l’humilité de musiciens habitués à se retrouver souvent au deuxième plan. Rien à perdre, plus rien à gagner, puisqu’ils ont fait le tour du monde avec leurs cordes et accompagné les plus grands, de Gilles Vigneault à La La La Human Step. Plus rien à gagner sauf de continuer à vivre en faisant ce qu’ils aiment faire : de la musique. Toutes les compositions au programme sont de l’un ou de l’autre. Un des opus, Asbestos, a été inspiré à M. Lachapelle au camp musical de cette ville où il a pu assister à une conférence qui traitait des bienfaits de la musique sur le cerveau, et dont il est « reparti content ». Humanité, tout de bienfaisance, cette fois de M. Provost, tenta de panser les blessures d’enfants empoisonnés quelques jours auparavant par des gaz meurtriers. Et ce, en 2017, alors que la barbarie devrait être disparue, mais non…

Je regrette toujours de ne pas être plus musicienne, ce qui m’aurait permis de mieux vous décrire l’agilité des doigts sur les cordes de ces deux guitaristes. Mais de l’immense sensibilité qui émane de leurs personnes, de leur attitude, de leurs œuvres, de leur jeu, de ça, je peux témoigner. En rappel, choisi avec soin comme un beau ruban sur un cadeau déjà bellement emballé, ils nous jouèrent une pièce harmonieuse, lumineuse.

Comme souvent, je laisserai le mot de la fin au présentateur, en l’occurrence M. Raoul Cyr : « C’était loin du heavy metal, c’était du heavy mental! » J’ajouterai que, sans contredit, c’était avant tout du heavy senti-mental!