Dominique Malacort, Le Mouton NOIR, Rimouski, mai-juin 2017
Le théâtre communautaire existe aux quatre coins du monde avec quelques foyers particulièrement actifs en Amérique du Sud, en Belgique ou dans certains pays d’Afrique. Cette pratique plurielle n’est pas soumise à une appellation contrôlée. En effet, des formes, des enjeux et des courants différents coexistent, qui vont d’une pratique résolument activiste à une approche axée sur l’intégration sociale. La fonction de l’artiste peut varier : de sauveur ou sauveuse à accompagnateur ou accompagnatrice en passant par intervenant ou intervenante, thérapeute et explorateur ou exploratrice.
Chez nous, implanté dans le Bas-Saint-Laurent depuis déjà plusieurs années, le groupe UTIL préconise une pratique artistique « avec, par et pour » la communauté. Les productions se construisent toujours en création collective et selon les préoccupations propres à chaque collectivité. Dans un contexte rural fragilisé par les politiques des grands centres et par le tsunami de la mondialisation des marchés, les tribunes citoyennes se font rares. UTIL s’avère d’autant plus nécessaire que ses actions redonnent la parole aux personnes directement concernées, favorisent la mobilisation citoyenne par la pratique artistique et participent au dynamisme des villages. UTIL aspire au rassemblement, au décloisonnement, à l’expression collective et au développement d’un regard critique et inventif sur l’environnement immédiat autant que lointain. Rien de moins!
L’aventure commence par une rencontre entre une communauté (géographique ou d’intérêt) et un groupe d’artistes accompagnateurs. Comme au Québec, et surtout en région, la pratique est encore peu connue, ce sont les artistes qui, la plupart du temps, font les premiers pas. Les modes d’approche varient, mais l’objectif premier demeure le même : établir une complicité avec les futurs co-créateurs. Quelles sont les préoccupations, les indignations, les aspirations et les priorités des participants et des participantes? Quelles disciplines artistiques les allument : la vidéo, le théâtre, la chanson, le mouvement? Une fois l’intention commune identifiée, l’aventure de création peut démarrer. Le défi est de taille et l’impact indéniable. En effet, nous entrons dans un processus de transformation individuelle et collective.
Quand on parle d’art communautaire ou d’éducation populaire par les arts, on affirme souvent que l’action mène à une transformation sociale. S’agit-il là d’un vœu pieux, d’un besoin de reconnaissance, d’une obligation de légitimer nos actions auprès de nos bailleurs de fonds ou d’une réalité? À UTIL, la transformation se réalise dans un processus en trois temps.
Se laisser surprendre
Si on se réfère à l’éducation artistique dans les écoles, nul doute que la pratique artistique développe l’imagination, la créativité et l’estime de soi des jeunes. De nombreuses études montrent l’effet positif de la pratique artistique sur la persévérance scolaire. Il en est de même dans nos groupes d’art communautaire. Que l’on soit artistes accompagnateurs ou participants, l’aventure artistique nous stimule, nous surprend et nous fortifie.
Créer collectivement
L’art communautaire se réalise en création collective. Chacun prend sa place selon ses besoins et ses habiletés. Que ce soit dans la forme ou le contenu, les décisions ne viennent pas « d’en haut ». Certes, l’artiste accompagnateur propose, récolte et organise, mais les propositions sont systématiquement ramenées au collectif. La création devient par conséquent une construction qui ressemble au groupe et dans laquelle chaque participant et chaque participante se retrouve. Un constat s’impose : lorsqu’un individu prend la parole et participe à un processus de création collective, il développe son audace, sa fierté, son imagination tout en reprenant confiance en la force du collectif.
Créer et s’engager
La création collective communautaire révèle les aspirations, les préoccupations et les indignations du groupe. Les citoyens-créateurs réinventent le monde sur scène, partagent cette vision avec la communauté et l’assument dans l’espace public. L’aventure artistique devient engagement créatif, action enracinée et vivifiante.
Le pouvoir de la parole et la parole au pouvoir ne sont-ils pas des moteurs de transformation sociale?