Josée Panet-Raymond, L’Itinéraire, Montréal, le 1er mars 2017
J’ai posé la question à plusieurs de mes amis et connaissances, hommes et femmes, et les réponses sont unanimes : Oui, on a encore besoin d’une Journée internationale de la femme, et plus que jamais. D’ailleurs, comment ne pas être d’accord avec ça ?
On s’entend pour dire que la condition féminine a fait d’immenses progrès depuis le début du siècle dernier alors que les femmes se battaient pour faire reconnaître des droits que l’on tient pour acquis aujourd’hui. Mais rien n’est gagné et il reste encore tant à faire pour que la réelle égalité homme-femme aboutisse.
Beaucoup de chemin a en effet été parcouru depuis que la première Journée de la femme a été proclamée en 1909 par le Parti socialiste aux États-Unis, puis officialisée à l’échelle internationale par l’ONU en 1975.
À l’époque, un mur immense se dressait devant les femmes qui luttaient non seulement pour obtenir le droit de vote, mais aussi pour celui d’être reconnues en tant que « personnes » sur le plan légal. Au Canada, il faudra attendre jusqu’en 1929 pour que les femmes obtiennent cette reconnaissance qui leur permettra d’exercer des fonctions officielles, de fréquenter l’université et de pratiquer des professions libérales. Et bien que dans la majorité des provinces canadiennes les femmes pouvaient déjà voter dès 1916, au Québec les suffragettes ont dû lutter âprement jusqu’en 1940 pour arracher ce droit le plus fondamental.
Aujourd’hui, ces grands acquis font partie de notre Histoire. Or derrière ces dates et ces faits, il y avait celles qui ont affronté les plus grands obstacles pour faire changer les lois, les règlements et surtout, les mentalités. Il ne faut pas les oublier ; elles nous ont pavé la route. Mais il y a encore beaucoup à faire. On n’a qu’à penser à l’équité salariale, au nombre de femmes dans des postes de haute direction, au nombre de femmes élues, par rapport aux hommes.
Le sexisme encore bien en vie
Même si elle semble loin, l’époque où nos mères devaient demander la signature de nos pères pour changer un chèque et où que le clergé les sermonnait pour qu’elles fassent leur devoir conjugal, les inégalités subsistent.
Si les mentalités sexistes des années 1960 où les pubs clamaient que le bonheur de la femme dépendait de celui de son mari ou encore des électroménagers dans sa cuisine sont choses du passé, on peut affirmer que le sexisme est encore bien en vie chez nous de nos jours.
Aujourd’hui, les messages publicitaires moussent encore et toujours la dictature du corps parfait, la femme-objet qui aide à vendre de la bière, des chars et du savon pour les hommes, les jouets roses de petites filles contre les bleus des petits gars, et j’en passe.
Les messages véhiculés en société ont encore à évoluer. Lorsqu’on entend un juge demander à une présumée victime d’agression sexuelle pourquoi elle n’a pas serré les genoux devant son présumé agresseur, ou un aspirant politicien affirmer à la télévision que les hommes discutent de politique tandis que les femmes parlent de leur lingerie et leurs patentes, on sait que la partie n’est pas tout à fait gagnée.
On n’a qu’à regarder au sud de la frontière pour se désoler du recul des droits des femmes alors que le président Trump – qui a maintes fois démontré son mépris envers les femmes – a décrété une interdiction du financement d’ONG internationales qui soutiennent l’avortement. C’est à la fois mettre en péril la santé des femmes des pays en développement que d’ouvrir une brèche dangereuse dans les droits et libertés des Américaines.
Je doute que nous reculions de la sorte au Québec, mais c’est un fait que le sexisme est encore bien en vie chez nous. À preuve, la taxe rose, dont il est question dans nos pages (laquelle a été dénoncée et fait l’objet d’un recours collectif), la façon dont sont traitées les plaintes pour les agressions sexuelles, les menaces de viol et de violence faites en ligne aux femmes qui s’expriment publiquement sont autant d’exemples qui démontrent qu’on a encore du chemin à faire.
La lutte se poursuivra, et elle devra passer par l’éducation. Celle de nos garçons et de ceux (et celles) qui influencent la façon de déterminer le rôle des femmes en société.
Enfin, je rêve au jour où on n’aura plus besoin de la Journée de la femme, sinon que pour simplement célébrer ses accomplissements au même titre que ceux des hommes.