Ève Lamont, cinéaste militante. Photo : Jacques Nadeau

Le Chantier des possibles, d’Ève Lamont

Jean-Guy Deslauriers, camelot Promenade Masson, L’Itinéraire, Montréal, le 1er février 2017

Confrontée à la montée massive de condominiums de luxe qui font le profit des géants de l’immobilier sans scrupules, la population de Pointe-Saint-Charles se mobilise et s’oppose catégoriquement à l’exclusion sociale et à la gentrification de son quartier. Dans son documentaire, Ève Lamant rend hommage à ces personnes qui militent pour des conditions de vie justes et pour ta sauvegarde de leur patrimoine.

Pour les requins de la finance, les spéculateurs et les géants de l’immobilier, sa proximité avec Griffintown et le centre-ville de Montréal fait de Pointe-Saint-Charles une terre de prédilection pour le développement de condominiums de luxe. Ce quartier riche de son histoire. « La Pointe », comme ses gens aiment si communément l’appeler, est menacé de voir son patrimoine complétement disparaître. Dans un élan de solidarité et dans le but de freiner les bulldozers qui grondent et les grues qui ronronnent tout en hauteur entre ciel et terre, les citoyens se mobilisent et une coalition s’organise.

 

Déjà des milliers de condos

C’est ce que relate Ève Lamont dans son dernier documentaire Le Chantier des possibles, qui nous présente ce quartier aux prises avec des transformations jamais vues auparavant. Sur cette terre patrimoniale, des milliers de condos de luxe ont déjà été construits ou vont l’être prochainement.

Bien avant l’arrivée des Européens, il y avait Teiontiakon, nommé ainsi par les autochtones, signifiant « points de l’île». C’était il y a bien longtemps. Sur ces terres sauvages propices à l’agriculture, à la pêche et également à la chasse à l’oie sauvage, Anglais, Irlandais et Ecossais d’outre-mer s’installèrent en grand nombre. Ce territoire marécageux du Sud-Ouest conserva son nom amérindien jusqu’à la fondation de Montréal en 1642. Charles LeMoyne se vit alors octroyer cette terre, qui prit son nom en son honneur.

Peu de temps après la fondation de Montréal. Pointe-Saint-Charles fut prise en charge par diverses communautés religieuses. Les Sulpiciens y établirent la ferme Saint-Gabriel en 1659. Marguerite Bourgeoys. de la congrégation Notre-Dame, y logea les Filles du roi. En 1737, les Sœurs de la Charité, fondée par Marguerite dYouville se joignirent à ces communautés.

La Pointe connut également son apogée et devint le plus important secteur industriel de Montréal et du Canada. Malheureusement, la crise des années 1930, comme un ouragan en plein délire, détruisit et étouffa la vie économique du quartier. La population passa de 30 000 en 1931 à 13 000 en 1991.

 

Une terre de luttes sociales

Dans ce quartier, le plus défavorisé de Montréal, les résidents font depuis toujours preuve de ténacité, d’audace et de persévérance dans la défense de leurs droits, de leurs conditions de vie, de leurs richesses historiques et de leurs identités. Dès les années 1960, le mouvement social s’intéresse aux soins de santé, au transport et au logement. La première clinique communautaire du quartier est à l’origine de l’implantation des CLSC à l’échelle du Québec.

Aujourd’hui, le collectif propose que les anciens bâtiments du Canadien National soient remis à la communauté et qu’ils soient transformés en logements sociaux et en coopératives d’habitation. Il en sera toutefois autrement. Le CN cède ses bâtiments au groupe promoteur MAC pour un dollar en échange d’une promesse de décontamination des terrains. Le collectif demande que le bâtiment 7 leur soit remis une fois décontaminé en plus d’un million de dollars pour entreprendre la première phase de colmatage et de réfection du bâtiment. Que deviendra ce projet? Difficile de se prononcer, devant la lenteur des décideurs, et la longue partie de balle entre administrateurs, promoteurs et bureaucrates,

Les résidents aimeraient, entre autres, y implanter un centre de la petite enfance, des ateliers pour artistes, une microbrasserie, un café pour la jasette, des jardins communautaires, ainsi que des espaces de travail partagé et de réinsertion.

Après avoir passé les dix dernières années à documenter la complexité des événements et des revendications des citoyens de Pointe-Saint-Charles, Ève Lamont nous livre une série de témoignages percutants et illustre très bien le pouvoir de détermination et de résilience d’un peuple qui ne baissera jamais les bras.