Histoires de vent et de temps qui passe

Martine Corrivault, La Quête, Québec, décembre 2016

« Ce n’est que du vent… » Non, ce n’est pas un poème du premier ministre Couillard, mais des mots qu’il a utilisés, en septembre dernier, après les observations de la Protectrice du citoyen, Raymonde Saint-Germain, qui déplorait, dans son rapport annuel, la prévalence accordée aux enjeux administratifs, dans les choix de l’État en matière de services à la population.

« La performance de la gestion a de plus en plus préséance sur la performance des services », disait-elle. En point de presse, M. Couillard a riposté « Le discours sur les personnes vulnérables et sur la solidarité sociale avec les finances publiques déséquilibrées et l’endettement chronique, ce n’est que du vent ! Ça ne veut rien dire pour la population. »

Comme si les citoyens ne voyaient pas un lien de cause à effet quand les décideurs, pour équilibrer la comptabilité, imposent à Pierre une réduction des services auxquels il a droit afin d’en offrir à Jacques qui n’en reçoit pas. Sa boutade trahit-elle l’opinion de M. Couillard ?

Chaque année en décembre, la tradition veut qu’on jette un coup d’oeil sur les mois passés afin d’évaluer ce qu’on en retiendra. Tant d’événements ont marqué l’année 2016, mais, partout dans le monde, des courants appelant des changements sont observés. Ici, l’anecdote sur les réductions de services trahit un malaise croissant. En 2005, dans son numéro de décembre, La Quête publiait un article sur des propos de M. Couillard, alors responsable de la Santé et des Services sociaux. Il annonçait la réduction du nombre de lits offerts en centres hospitaliers de longue durée en ajoutant que son gouvernement entendait « favoriser des mesures pour la prévention et le soutien à domicile des aînés… » On sait maintenant comment il procède.

Les démographes répètent depuis au moins les années 1980 que le vieillissement de la population constitue le grand défi social à relever. Les vieux n’en finissent plus de mourir et la jeunesse ne fait pas assez de bébés pour assurer la relève ; tous les anciens ne disposent pas d’une belle rente pour assurer la sécurité de leurs vieux os ou n’ont pas d’enfants pouvant les aider. D’autre part, les jeunes couples, emportés par le tourbillon de la vie moderne, hésitent à se lancer dans l’aventure parentale. Certains enfants des baby-boomers reprochent même aux aînés l’endettement social actuel, sans admettre en profiter tous les jours.

Savoir que le problème existe et s’aggrave ne l’efface pas. Surtout quand l’État parle d’immigration pour stabiliser la démographie, mais néglige les attentes des gens qui pourraient venir et les conditions nécessaires à leur intégration dans notre société. Le contribuable, lui, échaudé par les improvisations politiques, exige désormais le respect de ses droits et privilèges de citoyen enraciné.

Pourtant, il y a quatre siècles, une poignée d’hommes et de femmes ont traversé l’Atlantique avec l’espoir de se bâtir un meilleur monde, ici, sur des territoires qu’ils croyaient sauvages. L’objectif du voyage valait l’aventure : leur vie était leur seul bien. Aujourd’hui, leur descendance se compte en millions de personnes, dans un pays qu’ils n’auraient jamais pu imaginer, où l’on vit au-dessus de ses moyens et attend tout d’un État-providence. Lequel s’inquiète parce que les gens font moins d’enfants qu’au temps de la revanche des berceaux, réduisant ainsi le nombre des contribuables pour financer ses grands projets.

Hier, la publicité disait : “ Faut s’parler… ” Aujourd’hui, une poignée de militants, au sein de laquelle on trouve les Nadeau-Dubois, Jean-Martin Aussant et autres, propose des assemblées de cuisine sous le thème : “ Faut qu’on s’parle… ” Arrivera-t-on aussi à se comprendre ? Et à trouver pourquoi les intérêts du citoyen ne sont plus la priorité de nos institutions politiques, quand il s’agit d’agir. Pour apprendre de ses erreurs, il faut d’abord admettre s’être trompé. Démarche difficile pour qui croit détenir un pouvoir : partout dans le monde, des peuples se retrouvent victimes de l’aveuglement et de l’orgueil d’élite à laquelle ils faisaient confiance. L’espoir de changements ne peut venir que de la jeunesse qui osera prendre la parole et convaincre les gens.

Mais, l’espoir viendra surtout des citoyens résolus à “ travailler autrement ” pour construire le monde où ils doivent vivre. Le temps passe : les générations montantes sont porteuses des idées et de l’énergie pour changer le monde. N’en déplaise aux vieux décideurs, ce n’est pas que du vent !