Fednel Alexandre, L’Indice bohémien, Rouyn-Noranda, décembre 2016
Du 2 décembre au 29 janvier 2017, la galerie du Rift de Ville-Marie hébergera « Tableaux noirs » et « Entre les murs », une double exposition de Véronique Doucet et d’Édith Laperrière. Avec « Tableaux noirs », une série de peintures hybrides, Véronique Doucet laisse promener son regard sur la société, trop attachée à l’artifice et indifférente devant l’effondrement inconscient de ses propres valeurs.
La série se caractérise par la prédominance du noir, à la fois réel et symbolique, que cherche toutefois à camoufler l’hyper-esthétisme avec des éléments bruts mis en opposition à la couleur saturée et brillante. Les pièces de la série, qu’elles soient abstraites ou figuratives, font référence au territoire dévasté. Ce territoire peut se percevoir comme l’espace naturel, mais aussi comme espace intérieur et symbolique. Dans tous les cas, il subit les soubresauts de l’homme vu comme un prédateur inconstant.
A travers la série, Véronique Doucet propose une esthétique d’une réalité sociale décriée. Ce faisant, elle s’inscrit dans la démarche qui caractérise son œuvre et sa réflexion. Elle donne à voir les incohérences d’une société en représentant l’être humain dans ses interactions avec les éléments de la nature. L’artiste en arrive à s’engager dans une certaine quête de vérité en faisant se confronter la nature et la culture, la matière brute et l’esthétique. Les peintures hybrides de Véronique Doucet sont composées d’éléments atypiques, souvent récupérés, pour ainsi créer un art qui se veut sauvage, organique et cru. L’artiste récupère beaucoup et intègre tous les résidus possibles dans la composition de ses œuvres. Ce souci de la récupération témoigne de son engagement en faveur de la préservation de l’environnement et d’une consommation responsable. Pour elle, l’art sert à penser le monde et à jouer un rôle de miroir pour la société. Son approche plastique met l’accent sur ce qu’elle désigne par notre égosociété. C’est pour cela que beaucoup de débats actuels qui traversent la société se reflètent dans ses œuvres. À travers la série de peintures « Tableaux noirs » installées au Rift, on peut découvrir une artiste fondamentalement environnementaliste.
« Tableaux noirs » va côtoyer « Entre les murs », un ensemble de quatorze sérigraphies réalisées par Edith Laperrière. Cette exposition tisse des liens avec les souvenirs de l’artiste et affirme son sentiment d’appartenance au territoire rural. C’est une tentative de réappropriation des lieux, des objets et des images qui se transforment à mesure que le temps passe.
Dans sa démarche, Édith Laperrière entend préserver tous ces souvenirs confus qui tendent à se dissiper au fil du temps qui passe. Pour ce faire, elle intègre des éléments iconographiques dans la composition de ses œuvres qui se révèlent être des éléments architecturaux. Elle les transforme et les reconstruit pour en tirer des compositions épurées. Cette série de quatorze pièces joue sur les contrastes. En effet, les œuvres sont à la fois légères et graves, opaques et transparentes, complètes et incomplètes, ce qui souligne l’aspect insaisissable et évolutif des souvenirs, mais aussi leur caractère fragile et éphémère. Elles reflètent les préoccupations de l’artiste qui cherche à explorer l’effet du temps qui passe et les transformations qui en découlent. L’artiste essaie de restituer les souvenirs en se positionnant comme une « archiviste du temps qui passe ». En essayant de fixer le temps, elle s’interroge sur notre identité. Avec ces deux expositions, la galerie du Rift donne le ton à une année qui fera la part belle au travail des artistes de la région. Comme toujours.