Un merveilleux malheur

Lyne Boulet, Le Sentier, Saint-Hippolyte, novembre 2016

C’est de résilience qu’il est question dans l’exposition Regards du Népal du photojournaliste Frédéric Séguin. Ses photos seront présentées dans la salle multifonctionnelle de la bibliothèque de Saint-Hippolyte jusqu’au 30 novembre.

Un merveilleux malheur est le titre-choc d’un livre du psychiatre Boris Cyrunlik. Il y développe le concept de résilience : « Le malheur n’est jamais pur, pas plus que le bonheur. Un mot permet d’organiser notre manière de comprendre le mystère de ceux qui s’en sont sortis. C’est celui de résilience, qui désigne la capacité à réussir, à vivre, à se développer en dépit de l’adversité. »

 

Refuser d’être une victime

L’exposition de Frédéric Séguin est composée de visages de femmes, d’hommes et d’enfants népalais photographiés en 2015 alors qu’ils venaient de vivre un séisme de grande amplitude. « Je me trouvais au Népal lors du tremblement de terre. La couverture médiatique de l’événement n’en rapportait que l’aspect négatif. J’ai souhaité montrer qu’il y avait aussi du positif, de la résilience et de l’espoir… Le rôle que je m’assigne est de capter l’âme à travers les regards et les sourires des peuples, plutôt que d’exposer des victimes. »

Des chercheurs affirment que la pire catastrophe ne peut créer un trauma dans l’esprit de celui qui survit que si la personne se sent une victime. Tous les êtres humains photographiés par Frédéric Séguin fixent la caméra : aucun regard dérobé, pas de victimisation. Ce consentement est la clé de leur témoignage.

 

Au-delà du regard, le visage

Pour Frédéric Séguin, la résilience se lit dans les regards de tous ses modèles. Et tous ces yeux, rieurs ou fixes, pupilles rétrécies ou dilatées, sont sertis dans des visages qui racontent, chacun, une histoire. Bouches entrouvertes et esquisses de sourire, mais aussi mâchoires contractées et lèvres farouchement serrées. Peaux parcheminées, prématurément vieillies par le vent, le froid, le soleil, mais aussi peaux lisses de la jeunesse. Les enfants arborent les visages les plus détendus, yeux grands ouverts aux magnifiques prunelles noires.

Certains signes distinctifs dévoilent la croyance religieuse des personnes photographiées. « Oui, commente Frédéric, je crois que la résilience est liée aux croyances religieuses. Les bouddhistes, les hindouistes croient au karma et à la réincarnation… »

 

Un regard scrutateur

Le photojournaliste a travaillé en 1.2 d’ouverture, en visant l’extrême clarté des gros plans des visages. Il a choisi d’imprimer des noir et blanc en grand format, sur aluminium brossé. Ce procédé offre une nouvelle dimension à l’image. On croirait un effet 3D. En se déplaçant devant les photos, on les voit sous des angles différents et de nouveaux détails nous apparaissent.

Un Hippolytois a écrit ce commentaire dans le livre des visiteurs : « Au-delà du drame, l’humain, dans son visage, souvent transcende la tragédie. C’est l’esprit d’abord qui survit. Bravo pour ce regard scrutateur. » Oui, merci Frédéric Séguin. Sans ton regard, nous ne découvririons pas les leurs.