Michel-Pierre Sarrazin, Ski-se-Dit, Val-David, octobre 2016
Ce n’est pas tous les jours qu’on entre dans la musique avec les musiciens à nos côtés, comme si on faisait partie de l’orchestre. Ce soir-là, au Théâtre du Marais, nous étions tous musiciens. Francesca a ce talent de nous faire chanter avec elle, de mettre des notes dans notre cœur avec des vibrations qui donnent du bonheur, même quand c’est mélancolique.
Aussi bien, ce mariage d’idées sonores entre le compositeur et la chanteuse a quelque chose qui nous met à leur portée. Ils pourraient chanter et jouer ensemble des heures, on ne se lasse pas. Parce qu’on est témoin en direct d’une rare complicité (comme on en voit parfois entre quelques jazzmenou un groupe de musiciens qui jouent ensemble depuis des années), pourtant, ils viennent à peine de se retrouver. Et René Dupéré, le virtuose des synthétiseurs, s’est mis au piano il y a quelques mois à peine. Mais quand on connaît la musique, quand on fabrique de la musique comme lui, avec l’instinct du poète et la précision du mathématicien, l’instrument n’est qu’un prétexte. Il joue, et le piano suit. Francesca aussi suit, même s’il ne joue jamais exactement la partition, parce qu’il compose, Dupéré, au fur et à mesure. Et c’est ce qui fait le charme de ce spectacle intime, qui nous raconte plein d’histoires mêlées aux notes.
Francesca et Dupéré ont joué et chanté partout, séparément pendant 20 ans et ensemble depuis quelques mois, étonnés eux-mêmes de s’être retrouvés sans vraiment avoir perdu leur rythme commun, amorcé avec le Cirque du Soleil à l’aube de celui-ci. Ils ont fait de la musique devant toutes sortes de publics, au milieu de toutes sortes d’orchestres, sous tous les climats. Mais là, ils sont seuls en scène avec nous, et c’est un peu comme une répétition de la première fois. On est emporté par la folie du piano, manifestement emballé comme un cheval libéré dans le pré, qui déborde de notes tricotées serrées avec la voix, la voix de Francesca qui rappelle d’autres voix, celles usées des chanteuses d’hier qui nous clouaient au banc par leur sensuelle énergie. La beauté dans la musique surgit toujours quand on ne l’attend pas, comme sur un tableau vivant, quand la chanteuse a ce geste et le pianiste cette inspiration qui forment ensemble un souvenir qu’on ne perdra plus, parce qu’il nous appartient désormais.
Le spectacle que Francesca Gagnon et René Dupéré nous ont gracieusement offert en guise de soutien au journal Ski-se-Dit, en ce premier octobre, dans le beau théâtre mis aussi gracieusement à notre disposition, est peut-être une première qu’il faudrait reprendre, avec les amis du journal et les musiciens qui aiment lire entre les notes nos histoires de montagnes et de gens heureux. Il faudrait peut-être demander à René et Francesca de mettre en musique une autre chanson, avec des paroles inventées par leur public emballé. On ne peut que leur dire merci, le cœur serré.