Lyne Boulet, Le Sentier, Saint-Hippolyte, octobre 2016
Maryse Tanguay, qui a créé Détection Québec 1 il y a deux ans, passe la plus grande partie de ses temps libres à chercher des vestiges de notre passé. Ses pas l’ont récemment amenée à diguer 2 à Saint-Hippolyte.
Maryse Tanguay s’adonne à la détection depuis cinq ans. Elle a commencé en Europe où ce loisir gagne sans cesse en popularité. Elle a trouvé là-bas une pièce de monnaie romaine. On ne peut évidemment pas espérer déterrer des objets aussi anciens au Québec. Mais trouver ici des artéfacts d’usage quotidien datant du 19e siècle lui procure autant de satisfaction. Car, pour elle, ce sont des objets qui parlent de notre histoire. Ça lui donne l’impression de voyager dans le temps!
Déterrer des trésors
Maryse détecte principalement dans les Laurentides. Elle a déjà déniché une variété d’objets, tous plus intéressants les uns que les autres: des bouteilles de verre intactes, des vestiges de céramique et de poterie, des bijoux, des pipes, une balle de mousquet, des objets religieux (médaille, chapelet, dizainier 3). Ses préférés sont sans contredit une médaille commémorant le 50e anniversaire de Sainte-Agathe (1861-1911) trouvée à Prévost (!), une montre de poche dénichée à Piedmont, des boutons en laiton de 1845 et des bouteilles pharmaceutiques. Elle est particulièrement contente de sa bouteille de lait de magnésium bleu pâle datant de 1906, une perle rare.
Pas n’importe où et pas n’importe comment!
Il existe un code d’éthique chez les détectoristes 4. On ne se permet évidemment pas d’aller sur une propriété privée sans l’accord du propriétaire. Et, s’il s’agit d’un endroit public, il faut vérifier auprès des autorités si un permis est requis. On comble toujours les trous qu’on a creusés. On ramasse les débris qu’on a retirés du sol. On ne laisse traîner aucun objet. La règle d’or, c’est de se comporter d’une manière irréprochable afin de donner une image publique positive de la détection.
Elle trouve et elle identifie
Dans certains cas, ce sont les propriétaires eux-mêmes qui lui demandent de sonder : ou ils ont perdu un objet de valeur, ou ils croient qu’il pourrait y avoir des artéfacts historiques sur leurs terrains. Une dame de Saint-Hippolyte a appelé Maryse parce qu’elle déterrait toutes sortes de fragments de poterie, de porcelaine et d’ustensiles en métal simplement en retournant la terre pour faire son jardin! En plus de trouver les objets, Maryse les identifie: elle en situe l’époque et en définit la provenance et la composition. Ces éléments contribueront à déterminer la valeur historique et monétaire d’un artéfact. Car creuser n’est que la première étape de la détection. Ensuite, il faut faire des recherches dans des revues spécialisées ou sur internet et consulter des spécialistes pour bien cerner l’objet qu’on a en main.
Avec ou sans détecteur de métal
L’outil de base des détectoristes est le détecteur de métal. De qualité supérieure, il détectera avec davantage de profondeur et de précision. C’est ce qui permet, entre autres, de repérer les objets en or, en argent, en étain. Mais si on s’intéresse également aux artéfacts non métalliques, comme c’est le cas de Maryse, on s’adonne alors à ce qu’on appelle en anglais le bottle digging 5. Un bon point de départ, c’est de localiser l’endroit où une maison a été construite au 18e ou 19e siècle. Et d’aller explorer derrière! Comme il n’y avait pas d’éboueurs à l’époque, les gens se débarrassaient de leurs déchets dans les latrines ou dans une dompe improvisée située dans le bois derrière la maison. Le détecteur pourra aider à circonscrire une zone de recherche, car il est presque inévitable que des résidus métalliques se retrouvent également dans les sites où on découvrira des objets faits d’autres matières. Mais après, tout le travail se fera à l’aide du râteau.
Patience et longueur de temps…
La patience est une qualité essentielle lorsqu’on détecte. On peut passer des heures et des heures à fouiller sans rien trouver. Ou avoir de la chance et mettre à jour, coup sur coup, deux ou trois objets très intéressants. « Creuser, c’est épuisant. Mais la passion joue! », commente Maryse. Et il faut composer avec la déception : des languettes de cannettes ou des bouchons de bouteilles de bière feront résonner le détecteur de façon prometteuse, mais le butin sera décevant… La délicatesse est aussi indispensable. On n’exhume pas un vestige enfoui dans le sol depuis cent ans sans précaution. Une bouteille peut s’abîmer sous nos yeux lorsqu’on l’extrait de la terre. Il y a un risque même si on y met toute l’attention voulue. Maryse a vécu ce type d’expérience malheureuse : elle venait de déterrer une bouteille d’eau minérale de 1890 à fond rond (Torpedo bottle) … et elle lui a craqué entre les mains.
Un passe-temps coup de cœur
Maryse Tanguay est une mordue. Elle aime diguer. Et lorsqu’elle en parle, on ressent la fougue et la passion qui l’animent. Elle pratique intensivement ce passe-temps qui sort de l’ordinaire. Vous la verrez peut-être encore s’adonner à des fouilles à Saint-Hippolyte. Elle a fait de la détection au lac du Pin rouge. Elle en fait à l’Auberge du lac Morency. Une résidente du chemin des Hauteurs lui a demandé de faire de l’exploration chez elle. Notre municipalité a vu ses premiers colons s’installer avant 1830. Il y a là un beau potentiel… sous-jacent!
1: https://www.facebook.com/detectionquebec/?fref=ts
2: de l’anglais dig. Familièrement utilisé, au lieu de creuser
3: à placer sur un doigt. Est composé de dix petits grains pour réciter dix Je vous salue Marie
4: de l’anglais detectorist. Personne qui fait de la détection
5: le terme bottle digging est utilisé de façon générique pour décrire la détection de tout objet non métallique