Soliel Perreault. Photo: Mathieu Gosselin

Une pépinière de slameurs

Clémentine Nogrel, Le Mouton NOIR, Rimouski, le  septembre 2016

«Je peux affirmer qu’une ville de la taille de Rimouski qui a une scène de slam aussi forte, ça n’existe pas ailleurs dans la francophonie. On est une anomalie. » Voilà comment Jean-Maxime Lévesque décrit la Ligue de slam de Rimouski.

Pourtant, l’histoire du slam au Québec est récente. Elle commence avec Ivy (Ivan Bielinski), poète, auteur-compositeur-interprète et slameur québécois, qui crée les soirées Slamontréal en 2006 et fonde la LIQS (Ligue québécoise de slam) en 2007.

Bien avant lui, dans le milieu des années 1980, Marc Smith, poète américain, mettait en place une scène hebdomadaire à Chicago : un concours ouvert à tous, une réelle compétition qui capte l’attention. Imaginée par Smith, la formule des juges amateurs choisis au hasard dans le public favorise une véritable interaction entre slameurs, membres du jury et spectateurs. C’est le point de départ du succès mondial du slam.

Lors d’une première soirée slam à Rimouski en janvier 2009, au bar Magie (devenu aujourd’hui La promenade), Soliel Perrault et Marco Voyer-Bélanger, entre autres, trouvent un lieu ainsi qu’un mobile pour écrire et dire. « Au début, on était juste là pour le plaisir de partager nos textes. Les soirées étaient une motivation pour écrire, un prétexte. Nous étions seulement quelques-uns », raconte Soliel.

Le slam devient une forme d’expression de plus en plus nécessaire au bien-être des personnes partageant la même ville, fréquentant les mêmes bars. Un moment pour se tenir ensemble avec le sentiment de construire un espace solidaire autour d’enjeux communs.

Le slam est une joute orale nécessaire et incomparable par sa dissemblance avec d’autres formes d’expression telles que la poésie.  « Écrire du slam, c’est prendre le rythme par les cornes, jouer des mots, et livrer le tout de manière expressive », précise Laurence Veilleux, poète.

Finalement, en septembre 2010, la Ligue de slam du Québec entre en contact avec Soliel Perrault et Marco Voyer-Bélanger et les soirées régulières s’installent à la microbrasserie Le Bien, le Malt.

Avec l’arrivée de slameurs comme Marcel Méthot et Vianney Gallant, les soirées prennent de l’ampleur. Les spectateurs sont de plus en plus nombreux. « Le slam à Rimouski est devenu une occasion de se rencontrer », explique Soliel. « Quand t’es nouveau dans la région, tu viens aux soirées, tu rencontres du monde. Ce sont des moments précieux. »

« En ce qui me concerne, déclare Marcel Méthot, plusieurs fois finaliste à Rimouski et au Québec, le slam m’a permis de partager avec d’autres la passion de l’écriture. […] Je pense que le slam, même s’il ne nous permet pas de changer radicalement le monde, nous permet au moins de ne pas nous taire devant tout ce qui conspire à le faire s’écrouler. Et parfois, au slam, on a de fabuleux fous rires, des fous rires d’intelligence, et ça, c’est très révolutionnaire. Changer le monde, ça doit être drôle, sinon c’est sérieux et triste! »

En sept ans de slam à Rimouski, plus de soixante personnes sont montées sur la scène du Bien, le Malt. Cette année marque les deux ans du « Slam Espace Scène » produit par Cogeco. Cet événement filmé offre la possibilité aux slameurs de s’exprimer sur la petite scène de la salle Desjardins-Telus.

Chaque année, les finales québécoises ont lieu à Montréal et rassemblent les gagnants des ligues du Québec. Catherine Belleau-Arsenault et Marie Beauchesne, slameuses rimouskoises, y ont respectivement remporté la médaille d’or et de bronze en 2014. Le grand gagnant québécois accède aux finales mondiales à Paris. C’est Amélie Provost, slameuse québécoise, qui y a décroché la médaille d’or cette année.

« Quand je slame en France et que je dis que je viens de Rimouski, on me parle de Marie Beauchesne, de Catherine Belleau-Arsenault. Les slameurs étrangers qui viennent en tournée au Québec savent maintenant qu’ils doivent passer chez nous. Et ils arrivent de plus en plus loin. La saison dernière, on a accueilli un Togolais et un Nigérien », confie Jean-Maxime Lévesque.

 

Dix ans de slam

Cette année, le slam québécois fête ses dix ans. Durant la finale québécoise qui aura lieu à l’automne à Montréal, nous aurons la chance inouïe de voir Marc Smith au côté de plusieurs slameurs rimouskois.

Décidément, vivre en région, à Rimouski, c’est se blottir dans un nid d’artistes débridés, heureux, et ouverts sur le monde. Cela englobe les acteurs de la planète slam qui gravitent autour de Rimouski, mais aussi l’univers culturel bas-laurentien qui rayonne dans l’ensemble du Québec et dans la francophonie.

En fin de compte, le cliché d’une population isolée dans son rang, loin du bouillonnement culturel que l’on trouve à Québec ou à Montréal en prend un coup.