Roger Lafrance, Journal Mobiles, Saint-Hyacinthe, mars 2017
Au rayon des pires insultes, se faire traiter de kétaine arrive certainement au haut de la liste. Avouons que le terme est particulièrement péjoratif. Être kétaine, c’est faire preuve d’un mauvais goût certain. On a beau se dire que tous les goûts sont dans la nature, certains ne le sont vraiment pas !
Une chose est sûre : il n’y a pas plus maskoutain que le mot kétaine. C’est en effet dans la ville de Starbuck que l’expression est née, autour des années 1940. Le mystère entoure toujours l’origine de ce qualificatif et il déchaîne même les passions, comme nous l’avons constaté quand Mobiles a publié une première chronique sur le sujet en janvier 2015.
Le mot kétaine aurait été inspiré par une famille qui vivait dans le « bas de la ville », près du marché à foin, devenu aujourd’hui l’actuel parc T.-D.-Bouchard. Cette famille pauvre, qui se serait appelée Keaton ou McKeaton, faisait la tournée des familles mieux nanties de la ville pour récupérer de vieux vêtements. L’agencement plutôt discutable de leur habillement aurait incité les gens à les qualifier de « quétaines du marché à foin ».
Comment ce qualificatif a-t-il pu gagner tout le Québec ? La comédienne Andrée Champagne, qui est née à Saint-Hyacinthe et a connu cette famille, semble en être la responsable, selon des propos reproduits sur le site www.ketaineries.com.
« Vers la fin des années 50, au cours d’une répétition des Belles Histoires, avec des camarades de travail, nous partagions des opinions sur un costume ou une nouvelle mode. J’ai oublié de quoi il s’agissait. J’ai émis le commentaire suivant : “Moi, je trouve que ça fait quétaine”. Denise Filiatrault a répondu : “Ça fait quoi ?” J’ai répété : “Quétaine !”, en expliquant : “Ça ne va pas ensemble. Ça n’a pas d’allure !”
Quelques semaines plus tard, Denise et Dominique avaient inséré l’expression dans un de leurs sketches et le monstre était lancé sans que j’y puisse grand-chose et sans qu’on me permette de préciser que l’expression originale s’appliquait strictement aux habitudes vestimentaires. »
Même le vénérable T.-D. Bouchard fait mention de cette famille dans ses mémoires. Pour lui, le mot quétaine viendrait donc du mot quêter. D’ailleurs, on écrit aussi bien quétaine que kétaine.
Qu’est-il advenu de cette famille ? Affublée d’un tel surnom, elle a voulu se faire oublier, et on peut le comprendre ! Plusieurs affirment qu’elle aurait vécu un certain temps dans le secteur de l’église Sainte-Monique, à la limite de Sainte-Marie-Madeleine.
Bref, le mot kétaine est resté dans l’imaginaire collectif. Pour ceux qui se demandent ce qui peut être kétaine ou non, le site www.ketaineries.com recense les meilleurs exemples. Plusieurs sont vraiment rigolos. Et comme on dit, les goûts, ça ne se discute pas !