X, Y, Z : Appropriation numérique des nouvelles générations

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Élisabeth Caron-Sergerie

L’adaptation au numérique par les jeunes générations

Bienvenue à cette quatrième chronique des « mémos numériques ». Nous y traiterons de sujets importants associés à l’émergence des nouvelles générations. Dans ce cas-ci, on abordera certains changements de modèles d’affaires, du triomphe de l’instantanéité ainsi que des habitudes de consommation d’information. Nous pensons que la compréhension de l’utilisation des technologies par les milléniaux, la génération Z et la génération Alpha est essentielle aux entreprises québécoises.

Aussi, le fait de comprendre leurs habitudes peut permettre à vos médias écrits d’adopter des stratégies adaptées spécifiquement pour ce groupe démographique et de mettre en place des actions concrètes pour votre transformation numérique.

Lorsque vous vous adressez à eux, il ne faut pas négliger certains éléments de leur mode de vie. En effet, leurs préoccupations, les causes qui les animent et leurs intérêts doivent être pris en considération si vous désirez les cibler. Leur univers est entièrement personnalisé et individualisé selon ces principes. Les réseaux sociaux peuvent être vos alliés pour être à l’affût des sujets populaires chez les jeunes. Toutefois, les atteindre en passant par des médias comme Facebook peut ne pas être suffisant, car une grande partie des jeunes migrent vers des sphères privées et des plateformes numériques émergentes adaptées à leurs besoins.

Si le thème vous intéresse, plusieurs textes écrits par des sociologues et experts en marketing traitant des spécificités qui définissent les jeunes générations sont disponibles en ligne. Il est important de préciser que plusieurs de ces textes dressent un portrait très général et ne remplaceront jamais une étude approfondie de votre lectorat.

 

Traditions ?

Vos parents vous ont inspirés, ils ont modelé votre quotidien. Leurs traditions transitent fort probablement dans le quotidien de vos enfants et de vos petits-enfants. L’intention de ce texte n’est pas de généraliser, mais plutôt de vous montrer que, malgré l’attachement aux valeurs familiales et au principe selon lequel les jeunes tendent parfois à imiter les habitudes de leurs parents, certaines d’entre elles intègrent difficilement le quotidien des jeunes dont nous parlons. La consommation d’informations provenant des médias traditionnels fait partie de ces valeurs qui ne se transmettent plus nécessairement de génération en génération.

Les modèles d’affaires changent et les médias traditionnels ne sont pas les seuls à en vivre les contrecoups. Plusieurs entreprises émergentes ont innové dans des secteurs qui semblaient déjà bien fonctionner. Il n’était probablement pas question de contester les modèles d’affaires de l’industrie hôtelière et celle des taxis avant l’arrivée d’Uber et AirBnb.

Cette situation semble également s’appliquer à la presse écrite : celle-ci ne songeait sans doute pas à changer du tout au tout avant l’ascension d’internet et des réseaux sociaux. Bien que ces trois modèles d’affaires ne soient pas similaires, ils sont très prisés par les milléniaux, la génération Z (1996 – 2010) et, prochainement, la génération Alpha (2010 – 2025).

Malheureusement, ces générations sont plus ou moins sensibles aux conséquences rattachées à ces changements de paradigmes. Ils sont satisfaits de ce qu’ils connaissent en ce moment et n’envisagent pas de retourner vers des modèles plus traditionnels.

La capitalisation de l’instantanéité

Si vous y portez attention, vous remarquerez que le principe d’instantanéité s’applique autant dans la consommation de l’information, les habitudes d’achat ainsi que dans le quotidien des milléniaux. Aussi, pour eux, la question n’est plus de savoir comment y accéder, mais plutôt de déterminer quoi choisir. Ils ont accès à un univers infini au bout des doigts.

Une grande partie du mode de socialisation de cette génération semble s’être développé en fusion avec les technologies. Les compagnies et les instances politiques de ce monde semblent savoir par quelle voie passer s’ils veulent se faire entendre et voir par cette génération.

Voici quelques exemples illustrant la consommation culturelle des milléniaux. Il s’agit d’éléments souvent délaissés par ceux-ci, car cela ne répond plus à leurs besoins. Si le sujet vous intéresse, Le Fonds des médias du Canada a récemment publié son rapport annuel sur les tendances dans les industries des écrans.

Voici le lien pour consulter le document :

Aussi, voici quelques exemples de transformations numériques impliquant l’instantanéité et ayant changé les modèles d’affaires des entreprises culturelles :

  • Le visionnement en continu (Netflix, Amazon Prime, Disney+, Apple+, HBO MAX…) domine graduellement sur les produits de câblodistribution ;
  • La diminution d’achats de produits musicaux (CD, en ligne) et la popularisation de l’écoute en continu (Apple Music, Spotify, Amazon Music…) ;
  • L’apparition et la démocratisation de nouveaux formats numériques (podcasts, livres audio, objets intelligents, réalité virtuelle…).

Vous remarquerez que le principe « on-the-go » est particulièrement estimé par les jeunes générations. Le concept s’installe aussi de manière progressive dans nos foyers.

Malgré ces changements, il ne faut pas envisager l’extinction des produits culturels en formats physiques dans les prochaines années. Une demande existe toujours en ce sens, car les plateformes en ligne n’offrent (pour la plupart)  qu’une fraction du contenu disponible.

Dans le cas des médias écrits, autant en ligne que sur papier, la situation est similaire. Les jeunes ont la possibilité de consulter l’information instantanément sur leurs téléphones intelligents et leurs tablettes. Plusieurs d’entre eux n’ont pas le réflexe de consulter l’actualité. C’est plutôt elle qui vient à eux en quantité phénoménale. Les milléniaux ont un sens critique développé, ils ne se font pas berner par les fausses nouvelles. Vous remarquerez qu’ils sont plus éduqués, plus ouverts et mieux outillés que les générations précédentes.

Les milléniaux québécois et la presse communautaire

À l’automne 2019, nous avons interrogé une trentaine de personnes de 18 à 30 ans sur leur consommation d’actualité générale. Nous avons cherché à savoir s’ils écoutaient les nouvelles à la télévision, à la radio ou s’ils consultaient les médias écrits soit en ligne, soit sur papier. L’AMECQ a voulu vérifier si les inquiétudes relevées par certains experts en ce qui a trait à l’engagement des nouvelles générations (Y, Z, Alpha) envers les médias s’appliquaient également à notre réalité.

Il importe de noter que cette « étude » sommaire n’était pas basée sur des règles statistiques prédéfinies. De plus, elle a été réalisée, parce que nous éprouvions une certaine curiosité par rapport au fonctionnement de ces nouvelles générations. Les jeunes interrogés lors de discussions décontractées étaient très emballés à l’idée de partager leurs points de vue sur la cause des médias. Il est important que vous sachiez que les milléniaux sont perçus comme très critiques par les experts en marketing. Ils sont difficilement impressionnables et ils sont axés sur les expériences. Enfin, les milléniaux et les jeunes de la génération Z sont difficiles à définir et à segmenter, chacun d’entre eux possède sa propre individualité. Cela dit, l’idée de rejoindre les 18-30 ans autant par les formats traditionnels que grâce aux réseaux sociaux est une tâche relativement complexe.

En ce qui concerne les habitudes de consommation des jeunes interrogés, les réponses qu’ils nous ont données sont relativement dissemblables. Certains consultent les médias d’information de manière ponctuelle, et ce, avec beaucoup d’attention. D’autres s’informent au passage ou, ne dédient pas toute leur attention à cette activité, car ils le font en parallèle à autre chose. Les milléniaux sont réputés pour évoluer dans un univers où le mode multitâche est normalisé. De plus, les sites d’informations spécialisés correspondant à leurs intérêts sont particulièrement prisés.

Enfin, il y a ceux qui ne portent aucun intérêt aux médias en général. Leur principal argument pour expliquer leur désintérêt est qu’ils ne font plus confiance aux médias traditionnels. Parmi les individus de ce groupe, un peu plus réfractaires à la cause des médias, certains affirment que l’offre actuelle ne correspond pas du tout à ce qu’ils recherchent. Il semble donc qu’ils ne soient pas fermés à des solutions alternatives qui pourraient leur être proposées. Selon eux, le modèle traditionnel semble devoir être réinventé.

Quant aux jeunes qui consultent l’actualité de façon régulière, ils le font principalement par la voie des réseaux sociaux. Certains de leurs contacts sur ces plateformes contribuent également à ce qu’ils restent informés, car ces contacts partagent de l’information qu’eux-mêmes n’auraient pas eu tendance à aller consulter volontairement. Ils s’informent aussi de bouche à oreille grâce à leurs parents et amis.

Dans l’ensemble, l’utilisation des applications Apple et Google News, les sites internet du Devoir, de Radio-Canada, de La Presse, du Huffington Post ainsi que de Reddit sont ressortis le plus souvent des discussions. Enfin, plusieurs des jeunes interrogés affirment qu’ils s’informent aussi par la radio et la télévision.

Pour conclure…

Les résultats de cette brève enquête nous indiquent qu’il n’y a pas de pratiques immuables dans les habitudes de consommation de ces jeunes. Nous remarquons qu’il y a beaucoup de différences sur ce plan. Nous comprenons que :

  • Leur consommation se fait majoritairement par le numérique;
  • Le format papier n’est pas privilégié;
  • Leur attention est fortement sollicitée : s’ils consultent l’actualité, la plupart le font parallèlement à autre chose;
  • Les agrégateurs de nouvelles leur semblent être une solution simple et accessible pour rester informer;
  • Il y a un énorme travail d’adaptation et de sensibilisation à faire pour les rejoindre.

Il a été mentionné un peu plus haut qu’il était difficile de définir ou catégoriser les jeunes issus des nouvelles générations. Nous entendons beaucoup de généralisation sur les milléniaux et la génération Z. La situation semble plutôt être inversée, c’est-à-dire, que le numérique offre aux jeunes une abondance extraordinaire de choix. Cela leur procure un sentiment d’individualité. Enfin, il peut être difficile de n’utiliser qu’une seule plateforme qui serait capable de regrouper et de rejoindre chaque tranche d’âge. Les experts constatent qu’il y a un exode des jeunes abonnés (12 – 34 ans) de Facebook vers WhatsApp, TikTok, Snapchat et Instagram. Qui plus est, la création de contenu adapté et pensé exclusivement pour les jeunes générations est une tâche complexe.

Enfin, il est crucial de ne pas se décourager. Ces jeunes ne sont pas fermés aux changements ni aux discussions. Ils affectionnent particulièrement le fait que nous leur demandions leur opinion sur différentes causes. Si le cœur vous en dit, sondez vos milieux, interrogez les jeunes sur les sujets qui leur tiennent à cœur. Qui sait, à long terme, leur sentiment d’appartenance envers la cause des médias pourrait se développer.