L’intelligence artificielle et le futur du journalisme

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Bonjour et bienvenue à ce douzième mémo numérique portant sur le futur du journalisme. En 2020, les possibilités de l’intelligence artificielle (IA) sont explorées par les médias et par les entreprises culturelles québécoises.

Dans ce mémo, nous aborderons ce qu’est l’intelligence artificielle, nous donnerons quelques exemples des innovations technologiques qui se font actuellement en journalisme. Nous explorerons également certains termes tels que l’apprentissage automatique et l’automation. Nous traiterons des inquiétudes reliées à l’IA. Nous terminerons en montrant comment les innovations technologiques issues de l’intelligence artificielle peuvent aider les journalistes et bénévoles de l’AMECQ.

Qu’est-ce que l’intelligence artificielle ?

L’intelligence artificielle est l’une des innovations les plus importantes de l’histoire. Elle est un champ d’études, une forme d’intelligence et une technologie. L’IA est apparue il y a près de 70 ans avec la création d’ordinateurs pouvant simuler l’intelligence et les capacités cognitives des êtres humains. Les machines issues de l’IA peuvent résoudre des problèmes complexes, rationaliser les données et déterminer la meilleure solution pour atteindre des objectifs précis.

L’IA est devenue indispensable à notre société, car elle reproduit parfaitement nos habitudes et nos actions de la vie courante. Elle nous sert, entre autres, à traiter l’information produite en quantité massive, à résoudre des problèmes ainsi qu’à diminuer le temps d’exécution de tâches simples.

Est-ce qu’il faut en avoir peur ?

Durant la dernière décennie, l’intelligence artificielle a connu une accélération fulgurante notamment avec l’amélioration des technologies disponibles sur le marché (rapidité des processeurs, augmentation du stockage, miniaturisation…). Dans ce contexte, certains experts se sont penchés sur les risques éthiques liés à son développement. Voici trois exemples de ces risques :

  • Les emplois se raréfieraient ;
  • L’autonomie des individus serait à risque ;
  • Le dépassement de l’intelligence humaine par celle de la machine serait envisageable.

Nous tenons à vous rassurer : pour l’instant, peu d’inquiétudes sont fondées en regard des trois cas mentionnés ci-dessus. Tout d’abord, on observe une transformation du travail plutôt qu’une raréfaction de celui-ci. Les entreprises et les médias travaillent très fort à hâter le développement de nouvelles compétences chez leurs employés pour répondre à l’évolution rapide des technologies.

Il y a également ceux qui croient que l’IA a une grande part de responsabilité dans la disparition de certains emplois (caissiers, agents de voyage, répartiteurs, pensons ici à la création d’application comme UberEats, Door Dash…). Il est nécessaire que vous voyiez cet enjeu d’un autre point de vue, car l’IA a aussi favorisé la création de plusieurs milliers d’emplois à travers le monde (gestionnaire de plateformes, métiers en lien avec les données, ingénieurs des connaissances…).

Dans les faits, les emplois les plus à risque de disparaître d’ici la fin de la décennie seraient ceux impliquant plusieurs tâches à la fois prévisibles et répétitives. Il faut préciser que l’IA aurait beaucoup de difficulté à effectuer des tâches ou à remplacer métiers qui comportent plusieurs imprévus. Cela n’affecterait donc aucunement le travail fait des journalistes ou des bénévoles au sein des médias communautaires.

Dans un deuxième temps, le phénomène créerait, chez plusieurs, de l’inquiétude à l’idée que l’IA modéliserait trop parfaitement les facultés cognitives de l’être humain. Certains individus ne sont pas à l’aise avec l’intelligence de la machine, d’autres craignent la destruction massive d’emplois. Enfin, plusieurs craignent que l’IA se retrouve entre de mauvaises mains et soit utilisée à mauvais escient.

Contrairement aux inquiétudes liées à l’enjeu de la perte d’emploi grâce à l’IA, celle de la perte d’autonomie et de liberté doit être prise au sérieux. Il importe de préciser que cette situation n’est pas liée à 100 % à l’IA, mais que  l’intrusion des technologies dans nos vies privées est quand même un enjeu de sécurité majeur. On peut penser à l’utilisation des données personnelles d’usagers de différentes plateformes par les entreprises ou le gouvernement. Récemment, le scandale de Facebook et de Cambridge Analytica, qui a massivement recueilli des données en 2014 pour influencer le choix de vote des électeurs américains, en est sans doute l’exemple le plus éloquent.

En dernier lieu, nous ne vivons pas dans les univers décrits par Isaac Asimov ni ceux d’H.G Wells. L’intelligence artificielle n’a pas d’autonomie morale, voire de morale. Les machines possèdent uniquement une autonomie technique. Donc, la troisième crainte émise par les experts n’a aucune raison d’être.

Les médias doivent s’adapter rapidement !

Les experts croient qu’il est nécessaire que les journalistes développent des compétences pour utiliser pleinement les outils qui font appel à l’IA. Enfin, certains individus croient que l’évolution rapide des technologies et de l’IA devrait alarmer les journalistes et les pousser à adapter leurs pratiques.

Malheureusement, certains grands médias utiliseraient ces outils pour diminuer le coût de leurs opérations. Pour plusieurs, cela ne semble pas être la meilleure utilisation de l’IA en journalisme. Les experts croient que le milieu de l’éducation, autant universitaire que collégial, doit apprendre les nouvelles pratiques aux étudiants et que les entreprises doivent y former leurs employés. Dans ce contexte, l’idéal serait d’investir avant tout dans la formation des individus plutôt que dans les progrès technologiques.

Si ce n’est pas déjà le cas, il serait important que les journalistes du Québec développent une curiosité et s’informent sur les innovations technologiques qui se font actuellement. Nous vous rassurons tout de suite en vous disant que l’IA ne remplacera pas le travail des journalistes demain matin. Par contre, il faut que vous sachiez que les rôles et les tâches des journalistes au sein de leurs médias seront appelés à changer très rapidement dans les prochaines années et qu’il est important que les médias écrits de l’AMECQ soient prêts à embrasser ces changements.

Potentiel créatif de l’IA

L’intelligence artificielle semble aussi avoir un potentiel créatif. Elle serait  capable d’écrire des romans, de composer de la musique et de « parcourir » tous les événements qui se produisent à différents endroits dans le monde pour produire des articles.

À titre d’exemple, la Press Association, un regroupement de journaux d’Angleterre, est capable de créer 30 000 nouvelles locales grâce à l’IA. Plusieurs grands médias américains, comme le New York Times, Reuters, Forbes, Bloomberg News et le Washington Post, utilisent déjà l’IA dans la production de contenu. Chacun d’entre eux possède des outils d’apprentissage automatique qui les aident dans différentes tâches telles que :

  • Analyser des données financières;
  • Déceler si l’information provient de mauvaises sources;
  • Écrire des articles où des points de vue multiples sont représentés.

Andreas Refsgaard un artiste et codeur vivant à Copenhague, est très investi dans l’aide que peut apporter « l’apprentissage automatique » aux artistes et aux créateurs de contenu. Il croit que les textes issus de l’IA ne sont plus uniquement schématiques et basés sur les questions « Qui ? Quoi ? Où ? Quand ? Comment ? Combien ? Pourquoi ? ». Au contraire, selon lui l’IA serait capable de produire des textes de qualité, comme des romans et de la poésie, comportant plusieurs éléments créatifs.

Qu’est-ce que l’automation ?

L’automation est dans la même famille que l’IA et est fortement liée à la transformation numérique des entreprises. Elle s’applique à différents secteurs d’activité (pharmaceutique, informatique, automobile). Ce principe permet aux employés et bénévoles d’être plus productifs en évitant notamment de faire des tâches répétitives. Les spécialistes créent ainsi des logiciels, des machines et des applications pour effectuer une tâche automatiquement, avec une intervention humaine minime ou inexistante.

Dans le contexte des médias communautaires, l’automation vous évite d’effectuer plusieurs tâches qui seraient inutilement répétitives. Par exemple, vous n’avez pas besoin de retranscrire chaque courriel de votre liste d’envoi chaque fois que vous envoyez une infolettre. L’automation vous permet également de suivre activement les actions et comportements de vos publics sur vos plateformes numériques.

L’apprentissage automatique ou l’apprentissage machine

L’apprentissage automatique est un concept qui est de plus en plus utilisé par les entreprises, les artistes et plusieurs médias dans le monde. Cette fonction de l’intelligence artificielle analyse des données, apprend de celles-ci, identifie des modèles récurrents et prend des décisions à la place de l’être humain.

Le coût des projets en intelligence artificielle a diminué dans les dernières années, les petits et grands médias peuvent y avoir accès plus facilement. Plusieurs modèles sont facilement accessibles sur le web. Si le sujet vous intéresse, Watson (https://www.ibm.com/watson/ca-fr/) un ordinateur superpuissant créé par IBM est l’exemple parfait de l’apprentissage machine. Watson offre une multitude d’occasions aux entreprises, soit de gérer les données non structurées plus efficacement, de répondre à diverses questions, et de créer des bots informatiques (agents virtuels, robots ou logiciels automatisés qui interagissent avec les utilisateurs ou effectuent diverses tâches automatisées) sur les applications.

L’apprentissage automatique existe grâce à la création d’applications qui sont destinées à apprendre les données et les informations qu’elles ont amassées. Elles s’améliorent ainsi continuellement sans avoir besoin de l’intervention humaine.

L’apprentissage automatique de l’intelligence artificielle simule le même modèle d’apprentissage que celui de notre cerveau. Elle permet aux voitures de se conduire toutes seules, elle permet de reconnaître les visages et les voix et même de déterminer vos découvertes de la semaine sur Spotify. Il existe même des algorithmes permettant de juger si vos listes de lecture sur Spotify sont bonnes ou mauvaises. Voici le lien :

  • https://pudding.cool/2020/12/judge-my-spotify/

Enfin, l’apprentissage machine peut s’avérer très utile pour le journalisme. D’une part, la création de contenu est simplifiée, ce qui permet aux journalistes de gagner du temps. D’autre part, les ordinateurs leur rapportent une quantité phénoménale de sujets et événements qui se produisent dans le monde et à proximité. Ces événements et ces sujets sont traités par différentes personnes, ce qui favorise la diversification des points de vue, un principe très prisé par les publics. L’apprentissage automatique vous permet de gagner du temps dans la gestion de vos réseaux sociaux, de trouver des informations précises et aussi d’identifier des gens sur des photos et des vidéos. Bref, cette possibilité semble très prometteuse pour les médias écrits de l’AMECQ. Hypothétiquement, certains outils utilisant l’intelligence artificielle pourraient remédier à l’enjeu du manque de temps et de ressources humaines dans le domaine des médias.

L’intelligence artificielle et le journalisme

Le monde du journalisme évolue à une cadence inférieure à celle des technologies. Dans les mémos numériques précédents, nous avons souvent avancé qu’il était important que vos modèles d’affaires soient adaptés à cette réalité. Selon plusieurs experts, l’intelligence artificielle n’est pas assez implantée dans le milieu du journalisme et plusieurs médias sont en train de passer à côté de cette occasion, qui sera déterminante pour leur futur.

À l’heure actuelle, il semble n’y avoir que très peu de médias québécois et canadiens qui utilisent l’IA à son plein potentiel. Les experts affirment qu’elle n’est pas développée dans le but de remplacer les journalistes ou de supprimer des emplois dans le domaine, mais plutôt de les aider dans leur travail. Elle permettra également aux journalistes de se concentrer sur des tâches qu’ils ne pouvaient pas faire précédemment faute de temps et de ressources (grands dossiers, enquêtes, entrevues, journalisme participatif…).

Le futur de l’information

Les réseaux sociaux, les GAFAM, le numérique et des crises comme celle de la COVID-19 bouleversent sans répit les journalistes ainsi que leur pratique. Comme nous l’avons déjà mentionné, l’intelligence artificielle contribue grandement aux bouleversements que connaît la pratique journalistique à l’international.

Les experts réfléchissent à d’éventuelles innovations qui pourraient naître dans les prochaines années. Voici quelques exemples de ce à quoi la pratique journalistique pourrait ressembler dans le futur selon Francesco Marconi, journaliste des données qui a dirigé les « Media Lab » du Wall Street Journal :

  • Les journalistes et les médias pourraient avoir de plus grandes responsabilités vis-à-vis des bases de données ainsi que de l’accessibilité à l’information. Ils seront également « conciliateurs » des algorithmes, c’est-à-dire qu’ils devront s’assurer que les algorithmes fournissent de l’information juste et adaptée à l’ensemble des citoyens.
  • Grâce à l’IA, il serait également possible pour les journalistes de quantifier avec précision différents éléments associés à leurs communautés, tels que le niveau de bonheur et de résilience des citoyens.
  • Dans un tel contexte, les robots ne remplaceraient pas les journalistes. Ces derniers resteront nécessaires pour valider et contextualiser l’information amassée par l’IA.

Qu’est-ce que peut apporter l’IA à l’AMECQ ?

L’intelligence artificielle semble complexe, mais plusieurs spécialistes croient qu’elle est prometteuse pour les médias et les journalistes de demain. L’IA regorge de possibilités. Dans le futur, les équipes des médias écrits de l’AMECQ pourraient compter sur l’appui de plusieurs de ses outils. Cela pourrait notamment aider les membres dans la recherche de sources pour le développement de contenu, dans la recherche de problématiques et d’événements méconnus qui se produisent dans leurs régions.

Enfin, il y a la question de la diversification des points de vue, que nous avons fréquemment abordée dans la série des mémos numériques. Ce principe aide beaucoup à augmenter la notoriété des médias et l’appréciation du public envers ceux-ci.

Bref, plusieurs des outils impliquant l’IA peuvent être utiles pour pallier les problématiques vécues par les médias écrits soit le manque de temps, le manque de ressource humaine et financière.

L’accès aux outils mettant en jeu l’intelligence artificielle s’est démocratisé dans les dernières années. Cela signifie ainsi qu’ils ne sont plus seulement accessibles aux grands médias de ce monde, mais également aux médias régionaux et communautaires.

À court terme, il serait intéressant que nous trouvions un outil utile à l’ensemble des membres de l’AMECQ qui puisse faciliter le travail des journalistes et des bénévoles grâce à l’IA. Il faudrait réfléchir ensemble sur les possibilités offertes par l’intelligence artificielle. En attendant, voici une liste d’outils et de logiciels qui pourraient vous aider à explorer les possibilités de l’IA :

Sources :