Les «newsgame», la rencontre entre l’actualité et les jeux vidéo

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Élisabeth Caron-Sergerie

Mémo ludique

Bonjour à tous, bienvenue à ce huitième  « mémo numérique ». Vous êtes déjà probablement au courant du fait que l’AMECQ s’intéresse à la relève ainsi qu’aux différentes façons d’intéresser les jeunes à l’actualité.

En ce sens, nous avons décidé, pour ce huitième mémo, d’aborder le concept des « newsgame », un hybride entre le jeu vidéo et l’actualité. Ces jeux d’informations faciliteraient, selon plusieurs experts, l’assimilation de certaines formes d’actualités.

Malheureusement, même si le concept a été exploité par certains médias européens telle la chaîne de télévision axée sur la culture Arte, le journal Le Monde et le journal quotidien français Le Figaro, il reste relativement peu connu et très peu utilisé à travers le monde. Pourtant, les motivations des experts et des journalistes travaillant sur ces formes ludiques d’information gagnent à être connues par les Québécois et Québécoises. Nous tenterons donc de vous les faire découvrir à travers ce mémo numérique.

Les jeux vidéo, bénéfiques ?

Les jeux vidéo ont longtemps été stigmatisés pour une multitude de raisons (obésité, violence, réclusion). Ils ont pourtant une influence sur la culture populaire et, selon certains experts, ils ont aussi une grande valeur cognitive. En effet, ils faciliteraient l’apprentissage et l’assimilation de certains concepts. Les jeux vidéo ainsi que les newsgame pourraient être une façon efficace d’amener les jeunes à s’intéresser à l’actualité.

Hypothétiquement, les jeux vidéo pourraient rendre la consommation de l’actualité plus personnelle pour ces jeunes. Il est possible également qu’ils puissent aider les milléniaux et la génération Z à gérer le fait qu’ils soient submergés d’informations sur le web, donc à mieux comprendre les divers contextes de la couverture médiatique et, par la suite, à mieux se diriger lorsqu’ils s’informent. Aussi, vous avez peut-être remarqué que les nouveaux formats numériques (les livres audio, les stories sur Facebook et Instagram, la réalité et la réalité augmentée, les jeux vidéo…) sont très vendeurs pour faire passer un message ou encourager les jeunes publics à s’intéresser à la culture, à l’actualité ou à des domaines variés.

En dernier lieu, les dernières années ont montré aux parents, professeurs et spécialistes, bref aux générations plus âgées, que les jeux vidéo semblent avoir évolué et s’être détachés en partie de l’image qu’on leur a donnée par le passé.

Les jeux vidéo dans les écoles…

Prenez simplement l’exemple des écoles, qui commencent progressivement à inclure des programmes d’e-sport dans leurs cursus. Pour les non-initiés, le e-sport ou sport électronique est la pratique de jeux vidéo compétitive sur ordinateur ou sur console. Celle-ci peut se faire seule ou en équipe sur internet ou sur un réseau local.

En contrepartie, la pratique est encore à l’étude par les chercheurs, car les institutions politiques ne savent pas comment les catégoriser. Certains affirment qu’ils ne sont pas des sports, d’autres oui.

Prudence !

En dépit des nombreux bénéfices associés aux jeux vidéo, des professionnels de la santé restent quand même prudents. Ils affirment que plusieurs enjeux doivent être pris en considération lors des réflexions sur les attraits pédagogiques des jeux vidéo.

À l’AMECQ, nous désirons peser les aspects positifs et négatifs des idées et initiatives que nous vous proposons. C’est pour cette raison qu’il est important de ne pas négliger les problèmes de dépendance que causent les jeux vidéo chez certains publics, leur caractère parfois violent et aussi le fait qu’ils peuvent, à certaines occasions, remplacer la socialisation chez les jeunes. Tout est une question d’équilibre.

Vous remarquerez qu’il y a une ouverture de la part des institutions québécoises quant aux bienfaits des e-sports ont sur l’apprentissage des jeunes publics. Les jeux vidéo sont intégrés progressivement dans les domaines de la culture et de l’éducation. En ce sens, les médias communautaires québécois pourraient attirer les jeunes, voire les faire participer à la couverture de l’actualité locale en s’inspirant des bénéfices liés à ce concept.

Qu’est-ce qu’un jeu sérieux ?

Il va de soi que les jeux vidéo que vous, vos enfants et vos proches affectionnez offrent de nombreux bénéfices cognitifs. Pour ne donner que quelques exemples, affirmons que les jeux vidéo, appelons-les « traditionnels » pour les différencier des jeux sérieux, permettent aux jeunes qui les affectionnent de développer des compétences de vie : ils les aident à communiquer et à coopérer,  ils améliorent leurs aptitudes cérébrales et même, dans certains cas, peuvent aider à la recherche d’emploi et à la performance au travail.

Les jeux sérieux de leur côté se démarquent des jeux vidéo uniquement voués au divertissement, et ce, par leur volonté exclusive d’apprentissage, de développement de compétence et d’assimilation d’informations quelquefois complexes. Les jeux sérieux sont étudiés et expérimentés dans différents milieux (écoles primaires et secondaires, universités, entreprises, domaines de la santé et de l’ingénierie).

Des spécialistes affirment que l’apprentissage basé sur le jeu peut réduire les coûts de formation des entreprises. En contrepartie, la création de ceux-ci peut se révéler dispendieuse, chronophage et nécessiter le talent d’une équipe de développeurs.

Pour que de tels jeux soient efficaces et considérés comme sérieux, ils doivent inclure ces cinq aspects fondamentaux :

  • Une histoire;
  • Une ludification (classement, récompense, système de pointage);
  • Une rétroaction;
  • Une simulation d’éléments de la vie réelle;
  • Un ou des objectifs d’apprentissage.

Qu’est-ce qu’un jeu d’information ?

Les jeux d’informations ou « newsgame » seraient apparus au début des années 2000. La majorité d’entre eux utilisent des principes journalistiques. Ils sont pensés et conçus pour informer les utilisateurs sur des sujets liés à l’actualité. Ils immergent les lecteurs dans différentes situations complexes ou concepts parfois difficiles à expliquer par le journaliste ou à assimiler par le lecteur.

Le processus de ludification ou « gamification » est un mode de narration adapté à la volonté interactive du web. Selon certains experts, l’intégration de ce processus dans les stratégies numériques des médias répondrait à l’un des enjeux principaux du journalisme, soit de se réinventer. Cela dans l’optique de s’adapter aux changements des habitudes de consommation de l’information des différents publics.

Les jeux d’information sont étudiés dans plusieurs écoles de journalisme. Malheureusement, lors de nos recherches, nous avons remarqué que les jeux d’actualités étaient faiblement utilisés par la presse canadienne.

La jeunesse dans tout ça ?

Les newsgame sont pratiques dans le cas où les lecteurs voudraient comprendre une situation, mais n’y auraient jamais participé. Vous pouvez prendre l’exemple des jeunes de moins de 18 ans qui n’ont jamais participé à une élection ou eu des actions en bourse. En effet, les experts perçoivent ces expériences interactives comme une façon de simplifier l’actualité pour les jeunes publics.

Mise en scène

Il est dit que les jeux d’informations peuvent constituer des mises en scène efficaces pour faciliter l’assimilation de certaines formes d’information par les lecteurs. Pour vous donner une idée, voici quelques exemples de situations où les jeux d’informations sont pertinents :

  • Crise humanitaire;
  • Gestion de budget d’un État;
  • Élections;
  • Compréhension de modèles d’affaires;
  • Conflit israélo-palestinien.

Les jeux d’informations et les médias écrits communautaires…

Dans le cas des médias écrits communautaires, ce type de jeux pourraient aider les jeunes et moins jeunes à connaître les enjeux relatifs au communautaire et à ceux de l’information locale. Voici quelques exemples de sujets intéressants qui pourraient être adaptés en jeu:

  • Jeu pour connaître mieux votre communauté et la culture locale;
  • Jeu lié aux enjeux environnementaux;
  • Jeu sur l’entrepreneuriat.

Quelle est l’utilité de ces jeux d’informations ?

Ils peuvent être utiles aux journalistes qui désirent faire comprendre des situations complexes à leurs lecteurs ou vivre de manière empathique et immersive une situation spécifique en incarnant différents rôles (politicien, banquier, épidémiologiste, astronaute). L’idée de se mettre dans les souliers de l’autre semble être une manière originale et efficace d’assimiler les concepts importants de l’actualité.

Les limites des jeux d’information pour les médias écrits communautaires…

Nous savons que le financement et le manque de main-d’œuvre limitent l’expérimentation des jeux d’informations dans les médias communautaires. La démocratisation de ces jeux, leur stade d’évolution et leur faible utilisation dans la presse canadienne et québécoise montrent les limites des jeux d’informations. À ce stade-ci, nous pouvons seulement imaginer les possibilités et bénéfices que ce type de jeux pourrait apporter aux membres de l’AMECQ.

Quelques exemples…

Pour avoir une idée concrète de l’utilisation des jeux d’information dans les médias, vous pouvez prendre exemple sur les initiatives du journal Financial Times, quotidien économique et financier britannique qui, en 2017, avait lancé un The Uber Games (https://ig.ft.com/uber-game/). Le jeu a connu une grande popularité avec plus de 360 000 visites. L’équipe de ce journal a même vu le temps de visite de sa page augmenter à 20 minutes, une croissance substantielle selon celle-ci.

Le succès de The Uber Games a été si énorme que le média a décidé de produire un autre jeu appelé Dodging Trump’s Tarrifs (esquiver les tarifs de Trump) (https://ig.ft.com/trump-china-tariffs/).

Voici quelques exemples supplémentaires de jeux d’informations (en anglais) :

L’avenir des jeux d’informations…

Bien qu’ils soient faiblement exploités par les médias traditionnels, certains experts croient qu’explorer cette avenue pourrait être efficace, notamment pour aider les publics à comprendre certaines formes d’information. Malheureusement, nos recherches ont montré que les jeux d’informations ne connaissent pas une grande reconnaissance dans le milieu médiatique québécois.

Même si ces jeux existent depuis une vingtaine d’années, ils ne sont pas assez utilisés et intégrés dans les stratégies numériques et les outils narratifs des médias traditionnels. Enfin, il est possible que ces jeux puissent constituer une avenue intéressante pour attirer la jeunesse. Ils doivent toutefois être plus approfondis.

Sources

https://wiki.teluq.ca/wikitedia/index.php/Jeu_vid%C3%A9o_%C3%A9ducatif