Trois façons de voir une décennie

Serge Cloutier, Le p’tit journal de Woburn, Woburn, septembre-octobre 2016

Cette année, Le p’tit journal de Woburn célèbre sa dixième année d’existence. Comme ça passe vite parfois, dix ans.

Pour un enfant de quinze ans, une dizaine d’années représente les deux tiers de sa vie. Il arrive à peine à imaginer qu’un jour il aura vingt-cinq ans. Pour un adulte, dix ans, c’est le temps de réaliser un projet, de retourner aux études, de faire un enfant, de démarrer son entreprise. Pour une personne âgée, dix ans, ça file comme l’éclair. Personnellement, j’ai vécu l’aventure du p’tit journal de ces trois points de vue.

Au début, le journal avait la forme d’une petite feuille photocopiée pliée en deux à la main. Il ne payait pas de mine, mais il a été bien reçu. Les commentaires positifs de la population ont encouragé l’équipe naissante à persévérer. Françoise avait l’expérience du démarrage d’un journal communautaire, Johanne avait été éditrice et moi, imprimeur. Trois piliers solides. Même avec ces compétences en poche, j’étais loin de m’imaginer que notre bébé compterait un jour vingt pages et aurait une couverture en couleurs. Je voyais alors les choses avec le point de vue d’un adolescent.

Premier numéro du journal

   Premier numéro du journal

 

Numéro de juin 2016

Numéro de juin 2016

Le regard adulte sur le projet m’est venu avec la visite du responsable local du programme d’aide du ministère de la Culture. Très sympathique à notre démarche, il a écouté notre présentation avec un sourire en coin, sans doute provoqué par la naïveté de nos questions.

— Est-ce que nous aurons une subvention ?

— Je ne peux pas vous répondre. Il faut étudier votre dossier.

— Est-ce que le montant de la subvention nous aidera à acheter un ordinateur ?

— Si votre demande est acceptée, vous n’aurez aucun problème à vous procurer un ordinateur.

Et voilà, Le p’tit journal était sur les rails grâce à une subvention en bonne et due forme. Nous avons dès lors établi nos priorités : améliorer la présentation, solliciter les publicitaires, recruter de nouveaux collaborateurs et collaboratrices. Ce fut un succès. Au cours des dix années suivantes, une cinquantaine de personnes ont mis l’épaule à la roue, occasionnellement ou de façon permanente. J’étais en charge des relations avec le ministère de la Culture, qui nous demandait de dresser nos plans non pas pour quelques mois, mais pour des tranches trois ans. Ce fut une période de développement et de consolidation. Ma période « adulte ».

Finalement, à cause de problèmes de santé, j’ai été forcé de diminuer mon engagement dans ce beau projet soutenu par une équipe exceptionnelle. Une belle gang, comme on se plaît à la nommer. Et filant sur ma barque de soixante et onze ans, je m’éloigne en conservant une amarre. Et je constate que tous ces efforts, ces découvertes et ces plaisirs liés à mon engagement ont filé à la vitesse de l’éclair. Aussi rapidement que se déroule ma période « personne âgée ».

Merci de m’avoir permis de poser ce triple regard sur les dix ans du p’tit journal de Woburn.