Le point sur La Quête

Francine Chatigny, La Quête, Québec

Au cours des derniers mois, La Quête a vécu la période la plus turbulente que j’ai connue depuis mon arrivée en poste il y a six ans. Ce sont principalement les retraits de permis aux camelots enfreignant les règlements qui ont suscité la grogne. Le contexte est propice pour rappeler ce qu’est La Quête.

Sa mission

Depuis près de 25 ans, La Quête poursuit l’objectif d’aider les personnes désaffiliées à améliorer leur quotidien en leur offrant une alternative à la mendicité, un accompagnement favorisant la réinsertion sociale et un accès privilégié à tous les services offerts par l’Archipel d’Entraide, organisme qui chapeaute le magazine.

Ce sont principalement des personnes en situation d’itinérance ou à risque de l’être, notamment les personnes exclues du marché du travail pour diverses raisons (dépendance, problème de santé mentale et/ou physique, accident de parcours, deuil, etc.) qui tentent l’expérience de vendre le magazine de rue aux intersections les plus achalandées de la ville. La Quête offre un accueil inconditionnel, ainsi, toute personne qui en fait la demande peut devenir camelot, à la seule condition d’accepter de respecter les règlements (voir encadré ci-contre).

Ces règlements, qui sont d’ailleurs pour la plupart de simples marques de civisme, ont été établis pour encadrer le travail des camelots, soit une activité de sollicitation dans la rue. La sollicitation est, rappelons-le, interdite par la Ville, à moins de détenir un permis propre à l’activité (amuseur public, musicien de rue, artisan, etc.) et d’en payer les frais. Si la Ville tolère la présence des camelots de La Quête, c’est parce que leur travail est supervisé par les équipes de La Quête et de l’Archipel d’Entraide.

Les camelots sont des travailleurs autonomes et jouissent d’une très grande liberté d’action. Toutefois, pour la raison évoquée ci-haut et parce qu’ils sont les ambassadeurs du magazine, il importe qu’ils préservent l’image que La Quête s’est construite au fil des années. C’est pourquoi nous ne tolérons aucun manquement aux règlements. En de tels cas, nous rencontrons d’abord le camelot pour lui exposer la situation et lui demander de corriger son comportement. S’il est repris à commettre la même faute, nous lui retirons alors son permis pour une période déterminée.

 

Son contenu

Une lectrice nous a récemment fait part de sa déception quant au contenu du magazine. Dans le courriel qu’elle nous a fait parvenir, elle se désole que nous ne traitions pas que d’itinérance dans nos pages. Sa réflexion, pertinente, est probablement partagée par d’autres lecteurs.

Quand je suis arrivée à La Quête, j’aspirais aussi à faire de ce magazine un vrai porte-voix des sans-abri, et j’imaginais que nous publierions des textes que sur l’itinérance et des sujets connexes d’un couvert à l’autre. Je ne connaissais rien de cet univers et mes préjugés étaient nombreux : jamais je n’aurais imaginé qu’un itinérant puisse signer une poésie sur la beauté de la vie ou une fiction sur les plaisirs de jouer dans la neige. Avec eux, j’ai appris que ce n’est pas parce que l’on est en difficulté (et ce, selon nos perceptions de citoyens lambda) qu’on a envie d’étaler notre misère.

La Quête pourrait, pour satisfaire nos besoins de voyeurs, faire signer ses auteurs par des noms fictifs, suivis de l’étiquette « itinérant », « toxicomane » ou « prostituée »… serait-ce vraiment pertinent? Non! Ce que nous offrons à nos auteurs, c’est la possibilité d’être publiés sans être stigmatisés. Par ailleurs, parmi ceux qui ont accepté de témoigner de leur situation d’itinérance, certains l’ont regretté. Québec est une toute petite ville et une fois que l’on y a divulgué nos secrets, il faut accepter d’être jugés… et parfois sévèrement.

Tout le contenu du magazine est produit par des bénévoles qui donnent généreusement de leur temps pour offrir des articles. Ils viennent de milieux très différents et cela se répercute sur la diversité d’angles et de sujets, qui, on le sait d’emblée, ne peut pas plaire à tous. Nous publions tous les textes qui nous sont présentés, sauf s’ils sont diffamatoires. Peu de médias offrent à monsieur et madame Tout-le-monde, y compris ceux qui ne maîtrisent pas l’écriture et qui nous dictent leurs textes, une telle possibilité de s’exprimer.

Enfin, il ne faut pas oublier que le magazine est un « produit commercialisable » qui doit atteindre un large public pour que les camelots de tous les quartiers y trouvent leur compte.