Pierre Brassard, Le Monde, Montréal, avril 2010
Dans la vie, il arrive parfois de prendre un moment d’arrêt pour réfléchir où nous en sommes, de faire le point, de voir les défis qui se dressent devant nous ou de regarder au-dessus de notre épaule pour voir le chemin que nous avons parcouru. Si cette réflexion peut être pertinente afin de mieux poursuivre notre chemin, peut-être qu’une telle réflexion vaut la peine d’être faite sur notre société.
Si l’on jette un coup d’œil aux actualités que les grands médias nous présentent quotidiennement, on pourra penser que notre société ne se porte pas aussi bien qu’on pourrait le croire. Nos soldats sont pris dans le bourbier afghan depuis maintenant huit ans, un bourbier duquel le gouvernement Harper n’ose les en sortir. Et ce dernier a eu le culot en début d’année de bafouer notre système démocratique en arrêtant les travaux de Chambre des communes parce qu’il n’avait plus le contrôle sur les partis d’opposition.
Plus près de nous, le gouvernement du Québec n’arrive pas à s’entendre avec ses fonctionnaires, les syndicats sont en rupture de banc, les infirmières sont épuisées, on sent des parfums de scandale sur le financement des partis politiques, nous n’arrivons pas à mettre en chantier un centre hospitalier francophone. De plus, on vient de nous annoncer des hausses de taxes et d’impôt qui feront mal à une grande partie de la population. On préfère mettre de l’argent dans les infrastructures routières et les barrages hydroélectriques plutôt que dans des politiques sociales qui sans doute aideraient les familles québécoises.
Du côté de Montréal, on ne peut pas dire que cela va mieux. Ici aussi l’administration Tremblay n’arrive pas à s’entendre avec le syndicat de Cols bleus. Les taxes foncières viennent d’augmenter et la Ville n’arrive pas toujours à livrer les services auxquels les citoyens ont droit. Ici aussi, l’administration du maire n’arrive pas à octroyer un contrat majeur, les compteurs d’eau par exemple, sans qu’il y ait un parfum de scandale sur de supposées passations d’enveloppes brunes pour financer le parti.
Et c’est au niveau de l’arrondissement qu’on peut voir les effets des décisions de nos politiciens. On demande aux groupes communautaires d’en faire encore plus, souvent avec moins, pour aider les personnes qui sont les plus démunies, souvent victimes du système économique et de l’absence de mesures politiques pour atténuer les effets du libéralisme.
Faute de moyens, l’État préfère confier à de grandes fondations privées la gestion de politiques sociales, leur permettant ainsi de jouir de crédits d’impôt, et à l’État d’intervenir minimalement à ce niveau. C’est tout de même un signe que si l’État met de plus en plus en place des partenariats publics-privés pour la construction de routes et d’hôpitaux et des partenariats du même type avec le milieu communautaire, il adviendra un jour où celui-ci n’aura qu’à intervenir dans la perception des impôts, dans la gestion de la dette et dans l’attribution des crédits aux différents ministères. Un État minimum quoi.
Voilà où nous en sommes. Une vision pessimiste et simplifiée me direz-vous, mais une vision à laquelle nous devons prendre le temps de réfléchir, car si l’on continue dans cette direction, il y a de fortes chances pour que perdions des gains pour lesquels nos aînés se sont battus et pour lesquels une poignée de personnes se battent encore.