Ianik Marcil, L’Itinéraire, Montréal, le 15 juillet 2015
Pas pour rien qu'il a choisi François comme nom, ce pape. Cet hommage à François d'Assise, il le justifiait en affirmant que saint François « nous enseigne le respect profond de toute la création et de la protection de notre environnement que trop souvent, même si cela est parfois pour le bien, nous exploitons avec avidité, au détriment d'autrui n. On ne s'étonnera donc pas que l'encyclique qu'il a publiée en ce début d'été constitue une charge à fond de train contre la destruction de la planète par l'humain.
Cette encyclique est exceptionnelle à plusieurs égards. D'abord, du fait que ça soit le pape qui publie ce texte. Dans notre Québec sécularisé, nous avons tendance à croire que l'Église et la papauté sont des institutions dépassées, qui n'ont guère d'influence. Or, c'est tout le contraire. De nombreux pays en Amérique latine, en Afrique et en Asie connaissent une croissance de la pratique religieuse catholique. C'est de plus, sans compter que le pape demeure une personnalité politique internationale – ainsi il sera invité à prononcer dans les prochains mois deux discours; devant le Congrès des États Unis et devant t'Assemblée générale de I’ONU.
Son contenu est toutefois tout aussi exceptionnel. D'abord parce qu'un homme de foi utilise autant la science que les principes moraux pour dénoncer le saccage de la planète et l'urgence de s'attaquer sérieusement aux changements climatiques. François montre ainsi que la réflexion éthique peut et doit se baser sur la connaissance scientifique, d'une part, et que les décisions humaines ne peuvent se passer de principes moraux, d'autre part.
Appel à l'urgence
Un élément important de la pensée de François est d'affirmer que la protection des écosystèmes ne peut être dissociée du développement social. Ainsi, écrit-il. « toute approche écologique doit incorporer une perspective sociale qui prenne en compte les droits fondamentaux des plus défavorisés». Cette idée est primordiale, car ce sont largement les plus pauvres sur la planète qui font les frais des désastres écologiques actuels.
Un autre élément essentiel de ce texte est l'appel à l'urgence. Les scientifiques et les grandes institutions internationales le répètent depuis des années, mais c'est probablement la première fois qu'une figure politique de cette pointure le clame aussi clairement. « Il ne suffit pas de concilier, en un juste milieu, la protection de la nature et le profit financier, ou la préservation de l'environnement et le progrès. Sur ces questions, les justes milieux retardent seulement un peu l'effondrement. Il s'agit simplement de redéfinir le progrès. »
À peu près au même moment où cette encyclique était publiée, des chercheurs britanniques dévoilaient les résultats d'une étude affirmant que la civilisation industrielle actuelle pourrait s'effondrer totalement en 2040, soit dans moins de trente ans, à cause des changements climatiques, des crises alimentaires et énergétiques et de l'instabilité politique.
Y a-t-il un quelconque espoir face à un aussi sombre pronostic? L’appel du pape François en est porteur, car il s'appuie sur une notion fondamentale à la théologie catholique: l'espérance. Il la fait reposer sur la capacité de l'humanité à se solidariser et à trouver des solutions collectives. Mais cette espérance ne pourra se passer d'institutions politiques internationales et coordonnées, prévient François. Voilà un discours aussi révolutionnaire que nécessaire.