Dur de comprenure

Ianik Marcil, L’itinéraire, Montréal, 1er juin 2015

À pareille date en 2008, l'économie mondiale était sur le point d'entrer en pleine crise financière, qui allait entraîner la plus grande crise économique depuis les années 1930. Sept ans plus tard, les grandes institutions financières, autant les banques que les compagnies d'assurances ou les fonds de retraite, n'ont pas tiré de leçons de la crise.

Ça n'est ni moi ni un méchant groupe de gauchistes qui le dit, mais rien de moins que Christine Lagarde et Janet Yellen, respectivement directrice du Fonds monétaire international (FMI) et présidente de la Réserve fédérale américaine (la Fed), la banque centrale des États-Unis.

Au début du mois de mai dernier, elles ont toutes deux mis en garde les acteurs de la finance internationale contre les risques auxquels ils s'exposaient Ces risques sont comparables à ceux qu'ils étaient en 2007, juste avant ta crise. Ils sont causés, entre autres choses, par ce qu'on appelle la« finance de l'ombre », constituée de produits financiers complexes (on les appelle même « exotiques », c'est dire!) qui échappent à toute régulation.

 

Comme au casino

 

Pire, Christine Lagarde a mis en garde les dirigeants des institutions financières qui ont recommencé, peu après la crise, à se verser des sommes faramineuses en fonction des rendements de leurs entreprises. Autrement dit, ces dirigeants se versent des revenus en fonction du rendement financier de leurs banques ou fonds de placement, lequel rendement est basé sur ces produits « exotiques» et donc à haut risque. Pourquoi font-ils cela ? Parce que les produits financiers standards rapportent que très peu. les taux d'intérêts étant extrêmement bas. Autant dire que ces personnes jouent au casino avec les fonds de leurs clients afin de s'enrichir de manière indue. Car leurs revenus atteignent des niveaux annuels de l'ordre de dizaines de millions de dollars, que le commun des mortels n'accumulera jamais, même tout au long de sa vie.

 

Pas gentil pour les requins

 

Tout cela peut sembler une réalité totalement hors de la nôtre – un monde exotique, justement. Or ça n'est pas le cas. Si vos modestes économies n'intéressent pas directement ces grands requins de la finance internationale (et c'est une comparaison pas tout à fait gentille pour les requins), en revanche elles peuvent être directement touchées par les risques inconsidérés qui sont pris actuellement. Rappelons, notamment, qu'en février 2009, au plus fort de la crise, on apprenait que la Caisse de dépôt du Québec avait perdu 40 milliards de dollars sur un portefeuille de placements de 150 milliards. En quelques semaines, le « bas de laine des Québécois», comme on dit, avait perdu plus du quart de sa valeur dans des placements dont les dirigeants grassement payés n'étaient en mesure ni de comprendre ni d'en évaluer les risques.

C'est d'ailleurs ce qu'a rappelé la présidente de la Fed, en affirmant que «trop d'institutions prenaient des risques qu'elles ne pouvaient ni mesurer ni gérer». C'est quand même un comble d'être aussi dur de comprenure après avoir essuyé une raclée historique il y a à peine sept ans.

 

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