Daniel Breton : Être maître chez-nous

Louis-Samuel Perron, L’Itinéraire, Montréal

Figure de proue du mouvement de contestation contre l’exploitation du gaz de schiste, Daniel Breton est sur toutes les tribunes pour exiger un moratoire. Sauf que derrière son complet-veston et ses opinions bien tranchées se cache un homme prêt à faire de nombreux sacrifices pour rendre le Québec plus vert.

Avec ses cheveux poivre et sel, sa barbe bien taillée et sa cravate bleue pâle bien ajustée, Daniel Breton ressemble davantage à un homme d’affaires qu’à un grand défenseur de l’environnement. Pourtant, le natif d’Hochelaga-Maisonneuve milite pour des causes tant sociales qu’environnementales depuis plus de dix ans. Cofondateur du Parti Vert en 2001 et de l’organisme QuébecKyoto en 2004, le militant s’est fait connaître dans le dossier du Suroît, quand Québec voulait construire une centrale thermique à Beauharnois. « Je disais aux groupes écologistes qu’il fallait organiser une grosse manifestation, se rémémore le chef de file du mouvement qui a fait reculer le gouvernement Charest. Je leur disais : ‘‘criss, c’est pas le temps de jaser, il faut aller dans la rue’’. Ils me trouvaient pas mal rock’n roll. Mais si on ne m’avait pas écouté, la centrale du Suroît serait construite! »

Daniel Breton n’est pas un homme de compromis. Son intransigeance dans plusieurs dossiers, comme dans celui du Suroît, n’a pas toujours fait l’unanimité dans le milieu environnemental. « Je passais pour un chialeux, quelqu’un qui était capable de faire des compromis », évoque-t-il. Malgré les critiques, Daniel Breton a continué de s’investir corps et âme dans la cause environnementale. « C’est une mission, pau une job », lance-t-il, le regard perçant. Cette vocation a toutefois eu des conséquences sur la vie de l’homme de 48 ans. « J’ai beaucoup sacrifié, confie-t-il. Mon implication en environnement a fait que j’ai vécu en de ça du seuil de la pauvreté. Il y a un an, j’ai perdu mon logement, mes meubles et je me suis retrouvé sur la paille. Je sais en criss ce que c’est de vivre dans la pauvreté. »

Mais pas de regrets pour Daniel Breton, il est trop occupé pour ça. Quand il ne donne pas de conférence ou n’écrit pas de chroniques sur les voitures vertes pour Le Devoir, il travaille d’arrache-pied sur son grand projet : Maître chez-nous 21e siècle. Le collectif environnemental qu’il a fondé il y a six ans avec d’autres rêveurs s’inspire du célèbre slogan du parti de Jean Lesage et prône le développement des énergies renouvelables. « Nous proposons des solutions afin le développement économique du Québec se fasse via le développement des énergies vertes, pour des Québécois et par des Québécois », soutient-il d’une voix décidée. Biogaz, énergie éolienne, énergie géothermique : Daniel Breton ne manque pas d’idées pour mener une véritable révolution verte au Québec. « Ce sont des solutions appliquées par plusieurs pays dans le monde, indique-t-il. Il faut s’inspirer de la Suède et devenir indépendant des énergies fossiles d’ici 25 ans. »

Est-ce que le gaz de schiste s’intègre dans ce virage vert? Empruntant les outils de travail du journaliste, Daniel Breton s’improvise professeur et met sur papier une échelle des énergies. Dans sa hiérarchie, le gaz naturel vient au dixième rang, loin derrière des sources d’énergie moins polluantes. Même s’il ne dit pas non à l’exploitation du gaz de schiste, il y a beaucoup à faire avant d’en arriver là, soutient-il avant de rendre calepin et crayon à l’intervieweur, « Il y a des gens qui disent non au gaz de schiste tout de suite, déplore-t-il. Nous on dit qu’il faut un moratoire et revoir notre stratégie énergétique. Dans ce dossier, les gens qui sont pour ou contre ne sont pas responsables, nous n’avons ni les faits ni les études! »

Avant que le dossier du gaz de schiste ne le propulse sur la scène médiatique, Daniel Breton était pourtant en pleine remise en question. « J’étais complètement découragé, raconte-t-il. À l’automne 2009, nous avions organisé un rassemblement avec des gens du milieu et il n’y avait eu que 150 personnes. J’étais dans le trou après ça. Je me suis dit : ‘‘coudonc, est-ce que j’emmerde le monde?’’ C’est un dur constat à faire après des années d’implication. » Mais à l’été 2010, ce qu.il répétait aux grand médias depuis des années à propos du gaz de schiste, notamment dans le livre Maître chez-nous 21e siècle qu’a fait paraître le collectif en 2008, fait enfin l’actualité. « Tout à coup, je suis devenu quelqu’un de pertinent, je ne passe plus pour le fou du village. »

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