Fred Pellerin hors des sentiers battus !

Joanie Rousseau, La Gazette de la Mauricie, Trois-Rivières

C’est soir de tempête, je quitte Trois-Rivières, direction St-Damien-de-Buckland, petit village du Québec, pour m’entretenir avec Fred Pellerin et assister à son spectacle l’Arracheuse de Temps. Braver le vent et le frimas au risque de ne pas arriver à bon port ont valu grandement la peine. Je suis ressortie charmée de ma rencontre avec le conteur de notre région, la Mauricie !

Selon l’artiste, la Mauricie est fructueuse en matière de conte. Elle est associée à deux éléments sacrés : la bûchonnerie et la forge. Il exprime que la région est fertile en gens de parole. Le festival des contes et légendes des trois rivières et anciennement la Pierre Angulaire de St-Élie-Caxton ont fait naître un phénomène de bavardage en Mauricie. En spectacle dans la région, son approche avec le public n’est pas différente. La seule distinction c’est que les spectateurs se repèrent plus facilement quand il énumère des lieux. Toutefois, jouer devant des gens de St-Élie-de Caxton le rend beaucoup plus émotif. Ils savent exactement de quoi et du pourquoi il parle. Ils sont les témoins de sa vie et de ses récits.

Il n’a pas choisi le conte mais le conte l’a choisi. La création l’allume et c’est l’une des seules raisons pourquoi il est conteur aujourd’hui. Avant d’arriver à créer un personnage, l’artiste passe par un long processus. Il ne s’enferme pas la nuit afin que surgissent spontanément une image. « C’est un ramassage d’idées, une œuvre ce n’est pas figée dans l’espace, il faut lui ajouter de la valeur » affirme l’artiste. Souvent, ce sont des anecdotes, des potins et des moments inattendus qui se présentent à lui. Ces instants deviennent des illuminations. Il prend constamment des notes et forment avec le temps un paquet d’idées. À partir de cela, il bâtit ses récits.

D’un autre côté, il y a la chanson. Pour Fred Pellerin, elle se situe dans le même compartiment de mémoire que le conte. En spectacle, elle est un complément à ses histoires. Elle permet de faire souffler le public. « Le conte est une surdose d’image, un délire de langage, je ne laisse pas de lousse. La chanson est trou normand, un sorbet auditif » soutient l’artiste. L’idée d’enregistrer des disques n’était pas réellement voulue. Alors que sa gérante soupait un soir chez lui à St-Élie-de Caxton, il lance à la blague de faire un album. La drôlerie de l’artiste n’est pas tombée dans l’oreille d’une sourde. Une semaine plus tard, il avait un échéancier à respecter pour l’écriture d’un album.

Ambassadeur de notre culture à travers le monde, à compter de cet été, Fred Pellerin se consacre à l’écriture d’un nouveau spectacle. « De peigne et de misère » sera probablement le titre. L’histoire tournera autour de son personnage Méo le décoiffeur. Toujours aux côtés de Luc Picard en réalisation, il sera à nouveau le scénariste de son deuxième film. Celui-ci sera inspiré de son spectacle « Comme une odeur de muscles » basé sur les histoires d’Ésimésac Gélinas, l’homme le plus fort du monde de St-Élie-Caxton. La sortie est prévue pour décembre 2012. À l’automne 2011, il lancera un troisième album. En solo, ses chansons seront des créations de toute pièce, aucune mélodie de serra reprise. Finalement, il prévoit faire un concert avec le géant du monde symphonique, Kent Nagano. Malheureusement, il ne peut dévoiler plus de détails pour l’instant. 

Avec cette multitude de projets, Fred Pellerin est occupé jusqu’en 2014. Je lui demande « s’il a peur un jour de ne plus avoir rien à raconter ? » Il me répond « Non, mais j’ai peur de ne plus avoir le goût. Ça prend du travail et la tournée c’est de la peau » Son petit monde à St-Élie le ramène heureusement aux sources et l’éloigne volontairement des grands centres. Sa famille, ses amis et son terrain de création sont là, dans son village. Son univers et ses couleurs sont en Mauricie. Il est très heureux de son succès mais il affirme être bien loin des projecteurs Son spectacle l’Arracheuse de Temps est le reflet de sa personnalité attachante, drôle, simple et naturelle.

Sur scène, un micro, deux guitares, une chaise et Fred Pellerin. Les personnages de Lurette, La Stroop et La Mort transportent le public vers sa petite planète farfelue de St-Élie. Il établit une grande proximité avec les spectateurs. « Tu me fais confiance et je t’amène le plus loin que je peux », exprime le conteur.

Dans quelques années, l’un de ses souhaits serait de réaliser une neuvaine avec ses spectacles. Pendant neuf jours consécutifs, le même public assisterait à neuf prestations différentes. Toutefois, chacune de ses représentations auraient un lien en commun, d’où l’importance d’y assister tous les soirs. « J’aime ça faire découvrir ce que le monde a jamais entendu » soutient-il. Sa popularité et son succès sont une chose. Mais de continuer à donner des spectacles dans les petites municipalités comme St-Damien-de Buckland, reste aussi important que dans les grandes villes. Fred Pellerin se souvient d’où il vient. Partager son art avec les petits patelins du Québec reflète sa grande loyauté.

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