Pierre Gaudreau, L’Itinéraire, Montréal, le 15 avril 2015
Pouvait-on espérer mieux dans le budget 2015-2016 du gouvernement Couillard en termes de moyens pour prévenir et réduire l'itinérance ?
Pas vraiment avec les orientations de ce gouvernement depuis un an. Devait-on espérer mieux ? Oui, parce que l'itinérance continue de croître avec des situations de plus en plus difficiles. Oui aussi, parce que le gouvernement dans la foulée de la Politique nationale de lutte à l'itinérance adoptée en février 2014, s'est doté d'un plan d'action interpellant 10 ministres, sous le titre Mobilisés et engagés pour prévenir et réduire l'itinérance. Visiblement, le ministre des Finances n'est pas du nombre des mobilisés. Le budget déposé le 26 mars contient trop peu de moyens pour accroître la lutte contre l'itinérance. Pire, le budget prévu pour plusieurs ministères réduira même leur capacité d'agir à ce niveau.
Recul majeur en logement
Dans son premier budget, le gouvernement avait annoncé 3 000 nouveaux logements sociaux, dont 500 destinés aux sans-abri. En cours d'année, il avait cependant entravé la réalisation de ceux-ci, en réduisant le budget par unité disponible pour leur construction, comme si leurs coûts diminuaient. Québec avait aussi totalement coupé son programme d'aide à la rénovation. Rappelons que ces fonds sont nécessaires, particulièrement à Montréal, pour la sauvegarde par la socialisation des maisons de chambres et d'autres projets de logements sociaux. Malheureusement, ces fonds d'aide n'ont pas été rétablis.
Le budget 2015-2016 a réduit à 1 500, deux fois moins, le nombre d'unités qui seront construites, avec seulement 10 % de prévues pour les sans-abri, donc à peine 150 logements pour tout le Québec. Une privation de l'aide en logement, avec plus 1000 unités de logements privés qui seront loués par an pour les quatre prochaines années a aussi été annoncée. Québec rejoint ainsi le fédéral avec son approche Housing first passant par le marché privé.
Des actions contraires
La Politique en itinérance souligne la nécessité de rehausser le revenu des personnes seules, dont le faible niveau est identifié comme une des causes de l'itinérance. Aucun rehaussement n'est prévu dans le 2e budget Leitao et dans les suites des coupes importantes annoncées dans son premier budget en juin 2014; un projet de règlement à l'aide sociale menace tant les services offerts aux toxicomanes que les pratiques de colocation. Deux mesures qui pourraient faire croître l'itinérance.
Quelques jours avant le budget, les ressources d'aide alimentaire de Montréal lançaient pourtant un cri d'alarme devant leur incapacité à répondre aux besoins croissants, dont ceux d'un nombre grandissant de sans-abri.
Un autre des champs importants qu'identifie le Plan d'action interministériel en itinérance est l'éducation, en identifiant la nécessité du soutien au milieu scolaire pour favoriser la réussite académique des élèves des milieux défavorisés. Le cadre budgétaire des offres du gouvernement aux enseignants prévoit, au contraire, l'augmentation du nombre d'élèves par classe et la diminution des ressources de soutien aux élèves en difficulté.
Au niveau de la santé et des services sociaux, les coupures vécues dans différents services de ce ministère ont évidemment des impacts pour les personnes en situation d'itinérance, vu leur difficulté encore plus élevée d'accès aux services et leurs grands besoins.
Il faut souligner aussi que le 2e budget libéral ne rétablit pas l'accroissement du financement important des organismes communautaires, accordé sous le gouvernement Marois et qui avait été complètement sabré par le premier budget Leitao. Le gouvernement demande ainsi aux organismes de répondre à davantage de personnes, en plus grande difficulté, avec moins de moyens.