CLD : une autre victime de la nouvelle gouvernance

Normand Gagnon, Autour de l’île, Île d’Orléans, janvier 2015

N'avons-nous pas entendu à maintes reprises durant la dernière campagne électorale, de la bouche même de celui qui allait devenir premier ministre du Québec, des propos louangeurs envers ces petites et moyennes entreprises qui seraient responsables de la moitié des emplois au Québec? N'avons-nous pas aussi, malgré un certain scepticisme, souhaité ces 250 000 nouveaux emplois, promesse électorale réitérée depuis?

Comment comprendre alors ces coupures substantielles effectuées dans les budgets d'organismes comme les Centres locaux de développement (CLD) dont le mandat est justement de maintenir et de créer des emplois et de stimuler le développement des régions? Concernant ce dernier point, signalons au passage la fermeture du bureau de Solidarité rurale du Québec et la mise à pied de ses neuf employés en raison de la cessation du financement de l'État.

Même si, au moment d'écrire ces lignes, la survie, le statut et les nouvelles modalités de financement des CLD ne sont pas entièrement connus, plusieurs lois devant être abrogées ou modifiées, on sait d'ores et déjà que durant la période de transition 20151 les budgets attribués aux différentes missions de ces organismes par l'État du Québec seront sérieusement amputés, autour de 65 % si on ajoute les 10 % déjà ponctionnés en 2014, et que la totalité ou une partie des versements pourra désormais être rapatriée au sein des MRC. Dans ce climat d'incertitudes et de confusion, la MRC de L'Île-d’Orléans a décidé de maintenir en place l'organisme jusqu'à ce que la situation soit clarifiée2.

Dans ce dossier, il n'est pas inutile de faire connaître l'appel de la trentaine d'universitaires associés du Centre de recherche sur le développement territorial qui soulignent, à juste titre, que sabrer dans les administrations publiques régionales s'inscrit dans une visée à courte vue. « De fait, écrivent-ils, couper dans nos institutions, par le biais des programmes, permet au gouvernement de faire entrer non pas un, mais bien deux éléphants dans la pièce. D’abord, l’État « minceur », puis l’État (re)centralisé. Avec une telle orientation allant à l’encontre de demandes historiques fondamentales, on se prépare des lendemains qui déchantent. Car s’il y a une ligne de fond claire qui se dégage des nombreuses mobilisations territoriales observées autour de l’exploitation des ressources et de l’occupation du territoire, c’est bien une demande pour plus d’État et pour un État « autrement » : [un État] fort d’expertises internes, indépendant des grands intérêts économiques à courte vue et donc apte à réguler le développement des territoires, bref un État responsable du bien commun. […]. Alors qu’on a lentement construit une société québécoise capable de reconnaître et de combattre les disparités régionales dès la Révolution tranquille […], l’actuel gouvernement achève une longue et sourde besogne de déstructuration de l’action publique territoriale qui a fait ses preuves ici et ailleurs. Exit la décentralisation administrative, exit la régionalisation, exit le développement régional lui-même. On peut certes discuter de « l’efficacité » des structures, mais penser réussir une mission sans des institutions publiques régionales fortes, c’est de la pensée magique ».

 

Le CLD de l'Île-d'Orléans (CLDIO)

 

À l'île d'Orléans, les coupures gouvernementales, évaluées à 135 000 $ annuellement, ne seront pas sans laisser de traces quand on sait le nombre d'interventions que l'organisme réalise dans presque tous les domaines d'activités (entre 110 et 130 dossiers chaque année),quand on sait également les pertes potentielles d'expertise de même que l'implication du milieu dans la gestion de l'organisme ; plus de 50 bénévoles y travaillent.

Depuis 1998, le CLD de l'Île a accordé environ 900 000 $ en subventions, dont 362 000 $ pour soutenir les projets de jeunes promoteurs, notamment ceux de la relève agricole et touristique. Durant cette même période, 542 000 $ furent consacrés aux projets d'économie sociale. 34 travailleurs autonomes reçurent également une aide technique pour le démarrage d'une entreprise.

Mais ces chiffres sont loin de révéler l'étendue de l'action du CLDIO. Au-delà des subventions accordées, le CLDIO joue aussi un rôle de support professionnel, d'animation, de concertation et parfois même de gestion auprès des divers organismes de l'île :

• Support aux grands projets et aux organismes touristiques et culturels : Orléans, île ouverte, Savoir-faire île d'Orléans, Prix de l'Île, accueil touristique, centres d'interprétation et économusées, etc. ;

• Gestion du Pacte rural et de l'Entente de développement culturel de la MRC ;

• Coordination et animation du Regroupement des équipements culturels (10 organismes) et du Regroupement des bibliothèques ;

• Apport professionnel aux grands dossiers de la MRC tels par exemple la

Politique culturelle, la Politique de la famille et des aînés, le Plan de développement de la zone agricole, etc.

Devant cette réalité, ici à peine esquissée, on est en droit de se demander comment l'Union des municipalités et la Fédération québécoise des municipalités ont pu donner leur aval à ces mesures en signant le Pacte fiscal transitoire (note 1)?

N'assistons-nous pas aujourd'hui sur notre territoire à l'application de politiques qui se sont avérées des échecs là où elles ont été appliquées, notamment dans les pays européens? Comme si l'expérience des autres ne pouvait pas nous servir, comme si nous étions sourds aux alertes, comme si le présent appartenait  aux seuls comptables… et l'avenir à ceux qui nous ont dupés!

 

1 Pacte fiscal transitoire concernant les transferts financiers aux municipalités pour 2015 et une nouvelle gouvernance régionale, ministère des Affaires municipales et de l'Occupation du territoire, 5 novembre 2014.

2 Voir à ce sujet la vidéo de l'entrevue avec le président de la MRC de L'Île-d'Orléans, M. Alain Winter, sur le site d'Autour de l'île.

3 Communiqué de presse du 27 novembre 2014 de Solidarité rurale du Québec.

 

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