Distribution de la production végétale de l’île d’Orléans

Normand Gagnon, Autour de l’île, l’Île d’Orléans, juillet 2014

À qui les produits de l'agriculture orléanaise sont-ils destinés et comment ces produits parviennent-ils aux consommateurs? Questions qui ne sont pas sans intérêt si l'on considère l'importance que l'on accorde aujourd'hui à la commercialisation en circuit court. Voir l'encadré.

Nous connaissons déjà un certain nombre de pratiques de distribution bien implantées sur le territoire. La vente à la ferme des produits, transformés ou non, qui se fait généralement dans un kiosque aménagé en bordure de la route ; on peut compter une trentaine de ces points de vente autour de l'île. Nombreux sont également les agriculteurs qui écoulent sans intermédiaire leurs produits au Marché du Vieux-Port de Québec ou aux marchés de Sainte-Foy et de Fleur de Lys. Plusieurs fermes accueillent les autocueilleurs pour au moins une partie de leur récolte (pommes, fraises et framboises, légumes). Quelques-unes procèdent par la vente en panier, directement ou par l'intermédiaire d'un réseau organisé (Équiterre). Certaines alimentent les épiceries et dépanneurs des villages de l'île, mais aussi, et de façon importante comme nous le verrons plus loin, les grandes chaînes de même que les grossistes en alimentation (Marché Central, Montréal).

Pouvons-nous aujourd'hui dresser un portrait fidèle et précis de ce réseau de distribution multiforme et complexe? L'absence de données statistiques – ou leur inaccessibilité – nous oblige à répondre négativement à cette question. Toutefois, nous tenterons de nous approcher de ce portrait en utilisant les données fournies sur leur site par les producteurs œuvrant sous la bannière Savoir-faire île d'Orléans (SFIO). Notre modèle sera donc indicatif et qualitatif seulement, mais, comme nos lecteurs et lectrices pourront le constater, il illustre bien notre réputation de «jardin de la région de Québec» ; de plus, il ne présentera que les circuits courts puisque les indications fournies ne concernent que les produits livrés directement aux marchands par les producteurs ; un seul intermédiaire, donc, entre le producteur et le consommateur.

 

Le modèle SFIO

 

Nous avons donc représenté sur cette carte les fermes productrices de fruits et de légumes de l'île dont les produits sont certifiés SFIO (larmes rouges) de même que les marchés de la région de la Capitale-Nationale et du Saguenay-Lac-Saint-Jean distribuant ces aliments (larmes bleues). Par souci de lisibilité, nous avons choisi arbitrairement deux exploitations agricoles seulement, soit celles de Polyculture Plante (PCP), de Sainte-Pétronille, et d'Onésime Pouliot (OP), de Saint-Jean, pour montrer les flux d'échanges producteur-distributeur (en noir pour PCP et en gris pour OP) ; et là encore, ils ne sont pas tous montrés. Des circuits semblables auraient pu être illustrés pour chacune des neuf autres fermes SFIO. Imaginez la carte! Imaginez de plus ce qu'elle serait si les 180 fermes y étaient représentées. Une gerbe touffue semblable à un feu d'artifice. Ajoutons enfin que les distributeurs sont, pour la plupart, les grandes ou petites chaînes d'alimentation (Richelieu, IGA, Métro, Sobeys, Super C, Maxi, Provigo, Jardin Mobile) et quelques épiceries de Québec. Décidément, la réputation de l'île et le «je nourris» de sa bannière ne sont pas surfaits.

 

L'agriculture biologique à l’île : Le parent pauvre

 

Si nous abordons cette question de l'agriculture biologique, ce n'est pas qu'elle occupe une place déterminante dans le portrait agricole de l'île d'Orléans, mais plutôt que ce secteur en émergence apparaît à plusieurs observateurs de la scène du bioalimentaire comme la voie de l'avenir, notamment en raison d'une performance environnementale avérée.

Les relevés statistiques disponibles nous révèlent que l'agriculture biologique est marginale à l'île d'Orléans même si le nombre de fermes biologiques est passé de deux à cinq entre 2007 et 2010. Le répertoire mis à jour du Conseil des appellations réservées et des termes valorisants (CARTV) ne renferme aujourd'hui que quatre fermes dont les produits sont certifiés. Ce qui est bien peu (environ 2 %) considérant les quelque 180 exploitations agricoles dispersées sur l'île. Au Québec, selon le recensement de 20121, les fermes biologiques représentaient 3,6 % de l'ensemble des exploitations agricoles. Dans la région de la Capitale-Nationale par exemple, on trouvait 27 exploitations en production végétale, 7 en production animale et 12 en acériculture.

Mais la situation est moins sombre si l'on considère que certaines fermes de l'île empruntent aux techniques et aux méthodes biologiques sans pour autant satisfaire à toutes les normes des organismes de biocertification, telle, par exemple, la ferme Poulin-Turcotte2 qui pratique une «agriculture durable» où l'utilisation de pesticides est réalisée de façon ponctuelle en situation d'urgence seulement. De plus, les 11 fermes utilisant le label Savoir-faire île d'Orléans3 doivent répondre, pour chacun de leurs produits certifiés, à des requêtes environnementales et de salubrité.

Malgré ces nuances, on doit reconnaître que le modèle biologique n'a pas le vent en poupe à l'île. Sans doute à cause d'un certain nombre d'obstacles comme le manque de soutien lors du démarrage ou de la transition ; de la faiblesse de la formation, de la recherche et du transfert de connaissances dans ce domaine ; des problèmes liés à l'achat des équipements et des intrants ; du coût plus élevé de la mise en marché ; de la menace de pollution génique et chimique par les fermes voisines, etc.

Cette situation pourrait toutefois changer si, au sein de la MRC, on se dotait de moyens concrets, par exemple dans la future Politique de développement de la zone agricole, pour atteindre l'objectif de «favoriser l'agriculture biologique», objectif d'ailleurs explicite dans le rapport du Forum Vision île d’Orléans 2020. Également, le choix sans équivoque du développement durable dans l'Énoncé de vision stratégique amène à penser qu'un tel virage est envisageable et envisagé.

Selon un rapport publié conjointement par le Centre d'agriculture biologique du Canada et le Collège d'agriculture de la Nouvelle-Écosse, les motifs pour développer ce secteur sont nombreux.

Citons, à titre d'exemple :

• La réduction de la pollution et la réduction des coûts qu'elle engendre ;

• la réduction des émissions de gaz à effet de serre ;

• la restauration de la confiance des consommateurs en raison de l'absence de substances ou de pratiques problématiques ;

• la diminution du fardeau financier des agriculteurs et des besoins en subsides gouvernementaux ;

• la revitalisation des collectivités rurales particulièrement lors de la transformation des produits.

Pourtant, la demande en fruits et légumes bio est en constante progression au Canada et au Québec. De plus, plusieurs grandes chaînes de distribution alimentaire privilégient les produits locaux même si les prix peuvent être légèrement supérieurs, ce qui peut favoriser cette filière.

 

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