Anne-Marie Aubin, Journal Mobiles, Saint-Hyacinthe, le 8 juin 2014
L’été, les vacances sont souvent propices aux voyages. Que vous sortiez ou non, je vous propose une lecture qui vous dépaysera un peu. Ann Brashares, auteure américaine à qui on doit la série « Quatre filles et un jean », coup de cœur des adolescents adapté pour le cinéma, vient de publier un nouveau roman, Ici et maintenant.
Le récit captivant de deux adolescents
Ce roman s'adresse surtout aux adolescents. Parmi eux, les fans d’Ann Brashares seront peut-être un peu surpris à la lecture du résumé sur la couverture du livre. Mais qu’ils ne se laissent pas influencer et qu’ils plongent dans la lecture de ce magnifique récit. Comme dans tous ses romans, Ann Brashares raconte bien et sait nous tenir en haleine jusqu’à la toute dernière ligne. S’il est question d’environnement et du futur, il est aussi question d’amour, de relations humaines et tout cela à travers les yeux de la jeune héroïne Prenna. Nous sommes toujours dans l’univers de l’adolescence. Il y a aussi une intrigue très bien ficelée, des aventures dangereuses, des mystères et des héros attachants.
Les voyageurs
Prenna, jeune adolescente venue de Postremo -le futur- se retrouve à New-York en 2010 dans un monde qu’elle découvre et considère fabuleux, extraordinairement beau en comparaison avec celui qu’elle a quitté. Elle appartient à un groupe qui, tel une secte, a ses dogmes et ne doit fréquenter que ses semblables appelés voyageurs. Tous les autres membres venus de Postremo sont extrêmement surveillés et doivent obéir. À l’école, Prenna se lie d’amitié avec Ethan, un jeune étudiant doué qui la trouble. Elle sait fort bien qu’il est interdit d’être intime avec des gens n’appartenant pas à la communauté, mais elle choisit d’ignorer le règlement.
Un voyage dans le temps
Au cours des chapitres, le lecteur repère certaines références au roman culte de plusieurs générations d’ados depuis les années 1950 : L’Attrape-cœurs de J.D. Salinger. Divers films traitant du voyage dans l’espace-temps ont également inspiré l’auteure. Entre autres, La guerre des étoiles avec le personnage de Ben Kenobi, qui est un sans-abri dans le roman. Par ailleurs, les interventions possibles grâce aux publications du futur font penser à Retour vers le futur. Puis les lunettes que tous les voyageurs portent rappellent 1984 et Big Brother qui voit tout, contrôle tout …
Afin de sensibiliser, éduquer et sans doute faire réagir, l’auteure décrit un futur très près de nous, en 2050, 2080, 2098… avec les épidémies et les catastrophes engendrées par l’homme d’ici et maintenant. Tout cela est très plausible et fait réfléchir.
Le changement climatique va faire du futur un enfer selon Ben KenobiEntre les chapitres, l’auteure livre quelques pages que Prenna destine à Julius son frère décédé très jeune. Sous forme de journal, ou lettres, elle confie sa perception du monde d’aujourd’hui : «Tu n’imagines pas tout ce qu’on trouve ici. Dans un endroit immense qu’ils appellent «centre commercial», ils ont réuni une ville entière de magasins où ils vendent des millions et des millions de choses, beaucoup plus que les gens ne peuvent en acheter. Pas parce qu’ils n’ont pas les moyens, pour la plupart, mais parce que leur maison est déjà tellement remplie qu’ils n’en n’ont pas besoin.»
Prenna vit dans notre monde mais elle ne le connaît pas, ses remarques judicieuses ne laissent personne indifférent. Et vlan! La société de consommation. Ce n’est pas tout, le pétrole, les gaz de schiste, l’inertie des gouvernements, la bonne conscience de la population … Ann Brashares écorche au passage : «Personne ne s’attaque au plus important. Parce que ça leur coûterait trop. Personne n’est prêt à faire les sacrifices nécessaires. Les hommes politiques n’en ont pas le courage. Un jour… ils n’auront plus le choix, mais ce jour-là, ce sera déjà trop tard.»
Une suite?
Le roman ne se termine pas sur un scénario de catastrophe, Ann Brashares insiste sur l’urgence d’agir «ici et maintenant» ce qui permet d’imaginer l’avenir avec optimisme. Le dénouement laisse la porte ouverte à une suite, car Ethan dit : «Ce n’est pas fini, Prenna. Tu vas bientôt t’en apercevoir.»
Voilà un roman captivant qu’on ne peut plus quitter. Les chapitres courts, efficaces, contribuent à l’intrigue bien ficelée et donnent du rythme à la lecture. Bravo Ann Brashares pour cette belle idée.