François Barbe, Journaldesvoisins.com, Montréal, juin 2014
C’est bien connu, le quartier Ahuntsic-Cartierville s’embourgeoise… Le prix de l’immobilier monte en flèche, les copropriétés poussent comme des champignons… À quand l’arrivée des premiers bobos? Pas si vite! S’il est vrai que notre petit coin de ville, comme tous les autres, est soumis aux tendances du marché, un rapide examen des faits nous démontre que la situation n’y est pas si inquiétante.
Commençons par clarifier quelques détails sémantiques… Quand on parle de l’embourgeoisement d’un quartier, on utilise en fait l’adaptation française de l’anglicisme gentrification. L’expression désigne le phénomène urbain par lequel l’arrivée dans un quartier d’un nombre important de résidants issus de la classe moyenne « aisée » transforme le profil économique et social du secteur au détriment de ses résidants moins favorisés.
Selon le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), un des premiers signes de l’embourgeoisement d’un quartier est le remplacement des logements locatifs par des copropriétés. Dans son plan stratégique de développement communautaire 2009-2019, la Table de concertation Solidarité Ahuntsic constate effectivement une légère diminution de la proportion de logements locatifs privés dans Ahuntsic (de% à 63 % entre 2001 et 2006). Pour ce qui est de la mise en chantier de copropriétés, il suffit de se promener dans les rues du quartier pour constater qu’elle se porte plutôt bien : Fleury et Saint-Laurent; Henri-Bourassa et Laverdure; Salaberry, entre le boulevard de l’Acadie et la rue Louisbourg; rue de Port-Royal… La tendance à l’embourgeoisement est donc présente chez nous, mais encore rien de comparable avec certains quartiers où la situation alimente régulièrement les actions du FRAPRU : Le Plateau Mont-Royal, Hochelaga-Maisonneuve, Ville-Marie, etc.
Autre indicateur d’embourgeoisement : la hausse des coûts de l’immobilier. Selon les plus récentes données de la Fédération des chambres immobilières du Québec (FCIQ), l’augmentation des prix médian et moyen des maisons unifamiliales a été plus importante dans notre secteur que dans l’ensemble de l’île de Montréal au cours des cinq dernières années.
Ainsi, depuis 2009, le coût moyen pour l’achat d’une maison unifamiliale dans Ahuntsic-Cartierville a augmenté de 33 %, comparativement à 30 % pour tout Montréal. Une hausse importante, mais qui demeure quand même modérée comparativement à d’autres secteurs de la métropole (Saint-Laurent : 43 %, Ville-Marie : 45 %, Rosemont : 60 %). Notons également que les augmentations sont moins importantes pour les logements en copropriété : 20 % d’augmentation pour Ahuntsic-Cartierville, comparativement à 23 % pour l’île de Montréal.
Stabilisation du marché local Selon Gaston Crevier-Bélanger, agent immobilier chez Re/Max Immobilia, les dernières statistiques de la FCIQ pourraient par contre indiquer une stabilisation du marché local. « Pour le premier trimestre de 2014, on constate une baisse de 5 % du prix moyen des maisons unifamiliales dans Ahuntsic-Cartierville (comparativement à 0 % pour l’ensemble de l’île). Le délai moyen de vente est aussi plus important dans le secteur, soit 108 jours contre 85 pour Montréal. On semble avoir atteint un plateau», explique-t-il.
Les nouvelles règles de l’immobilier imposées par le gouvernement fédéral et la SCHL (Société canadienne d’hypothèques et de logement) ont grandement contribué à calmer le jeu, selon M. Crevier. « Les primes d’assurance de la SCHL ont augmenté, poursuit-il. Il n’est également plus possible d’amortir son hypothèque sur 35 ou 40 ans. L’époque de la surenchère et de la spéculation est en voie de se terminer. Et c’est une très bonne chose! »
Un quartier prisé
Malgré ses prix relativement élevés, Ahuntsic-Cartierville demeure néanmoins très populaire auprès des jeunes familles. Pourquoi les différents quartiers de l’arrondissement sont-ils si prisés? « Il y a bien des facteurs… Les constructions sont plus récentes que dans d’autres quartiers », explique M. Crevier. La plupart des maisons d’Ahuntsic datent en effet des années 1950 ou 1960, alors que celles d’autres quartiers comme Villeray ou Rosemont ont été bâties dans les années 1930 ou 1940. Les terrains sont plus grands, les propriétés ont plus souvent des garages ou des stationnements… Il y a aussi moins de densité de population, la proximité de la ligne orange du métro… », poursuit l’agent immobilier. Il est vrai qu’une famille qui paiera plus cher à l’achat d’une maison dans l’arrondissement que si elle achetait en banlieue, n’aura pas besoin d’avoir deux voitures à la porte, comme c’est souvent le cas chez les banlieusards. Le transport en commun en ville est un net avantage. Aussi, l’arrondissement est attrayant pour les jeunes familles, car la verdure y est en abondance, les parcs aussi, un peu comme à l’extérieur de l’île, quoi!
À quel point nos quartiers sont-ils si prisés, certains plus que d’autres? En décembre 2013, de retour après 10 ans passés en Europe, Anne-Marie Malo et Éric Plouffe veulent absolument installer leur petite famille dans le quartier Ahuntsic. Ils consultent un agent immobilier, sans résultats. En attendant de pouvoir acheter, la famille loue dans le quartier. « On aime le quartier et on ne voulait pas sortir de l’île », explique Anne-Marie. Éric a même eu l’idée de distribuer des lettres aux portes des maisons qui leur semblent intéressantes, demandant aux propriétaires de les contacter s’ils songeaient à vendre…
C’est finalement sur Kijiji.ca, le site Web de petites annonces, que la famille a tout récemment trouvé la maison idéale… « Une voisine qui avait trouvé sa maison sur le site LesPAC.com m’a conseillé de regarder là aussi », poursuit Anne-Marie. Comme quoi il faut parfois sortir des sentiers battus pour parvenir à ses fins!