L’art urbain : Les trésors cachés du quartier

Mélanie Meloche-Holubowski, Journaldesvoisins.com, Montréal, juin 2014

Parfois cachés, parfois bien visibles, des petits bijoux d’art public sont présents un peu partout à travers Ahuntsic-Cartierville, mais souvent méconnus du public. Si les oeuvres sont éparpillées aux quatre coins du territoire, elles racontent toutes une partie de l’histoire de l’arrondissement, tout en ajoutant un peu de couleur à la grisaille urbaine.

La collection d’art public de la Ville de Montréal compte 315 œuvres, dont 231 à l’extérieur des bâtiments et 84 intégrées à l’architecture. Ces œuvres sont gérées et entretenues par le Bureau d’art public (BAP) depuis l’adoption du Plan d’action en art public en 1989. Le BAP recense officiellement six œuvres dans Ahuntsic-Cartierville, mais il existe beaucoup d’autres œuvres publiques et privées sur le territoire.

 

L’art ethnoculturel

 

Des milliers de personnes passent par le parc Marcelin-Wilson (angle du boulevard Henri-Bourassa et du boulevard L’Acadie). Pourtant, probablement peu d’entre elles savent ce que l’imposant bloc de marbre blanc (La Réparation, par Francine Larivée) a été érigé à la mémoire des victimes des génocides du XXe siècle.

Le cénotaphe repose sur cinq dormants, représentant les cinq continents. Au sein du monument, un coffret avec la liste de donateurs, de la terre d’Arménie et des objets religieux. Sur le panneau d’inscription : « À l’occasion du 83e anniversaire du génocide arménien de 1915 dont 1 500 000 Arméniens ont été victimes, nous dédions cette oeuvre à tous les martyrs des génocides et convions tous les citoyens à s’engager en faveur de la tolérance et de l’harmonie sociale. » Inauguré en 1998, ce monument a suscité toute une polémique puisque la reconnaissance du génocide arménien de 1915-1916 est très politisée.

En 1994, la communauté arménienne montréalaise propose un monument pour commémorer les victimes du génocide arménien. Le projet est contesté. Finalement, trop controversé, il est suspendu en 1996. La Ville acceptera, par la suite, l’érection du monument, mais demande qu’il commémore les victimes de génocide de toutes origines. Dans ce même parc, on retrouve Daleth, un monument érigé en 2010 pour marquer la commémoration du 125e anniversaire de l’arrivée du premier contingent d’immigrants libanais (9 % des Ahuntsicois sont d’origine libanaise). L’artiste a inclus des rames symbolisant les bateaux phéniciens, les 22 graphèmes de l’alphabet phénicien et, sur le haut, de la pyramide, un cèdre du Liban, arbre-emblème du pays.

 

L’art dans les parcs

 

Au parc Berthe-Louard, les Graminés du jardin Saint-Sulpice, une œuvre en acier inoxydable, évoque l’avoine, le blé, l’orge, le sarrasin, le maïs et le millet. Conçu en 2006 par Linda Covit, il rend hommage à la fondatrice de la première coopérative alimentaire de Montréal, Berthe Chaurès-Louard. De 1923 à 1983, le Parc Belmont était un parc d’attractions majeur de la ville avec une trentaine de manèges, dont les montagnes russes. Aujourd’hui, le parc a été réduit à un petit espace vert, entouré de copropriétés, surplombé par le pont Lachapelle. L’attente, de Guillaume Lachapelle (2009) avec son auto tamponneuse et ses montagnes russes en aluminium, représente la nature changeante du paysage urbain. La sculpture a été inaugurée lors du centenaire de l’arrondissement en 2008.

À l’est du parc de l’Ile-de-la-Visitation, à l’arrière de l’église du Sault-au-Récollet, on trouve Limite temps (1990), une sculpture de pierre et de bronze de Guerino Ruba. Sur cette « porte » on retrouve des dessins d’enfants représentant des tipis, un soleil, des animaux, des arbres, un pont, des voitures, des fleurs et une balançoire; au centre, un oeil en forme d’oiseau est gravé dans la pierre. Malheureusement, lors du passage du photographe de journaldesvoisins.com, des graffitis y avaient été ajoutés.

À l’ouest, sur la rue du Pont, Tryptique sur le paysage (1997), surplombe la rivière. Les passants peuvent contempler le paysage en s’arrêtant sur les trois bancs situés entre les trois panneaux en verre trempé et les garde-corps.

 

L’art dans sa cour

 

Passons maintenant du public au privé. Plusieurs passants d’Ahuntsic Ouest ont déjà dû remarquer une baleine géante sur la rue Jeanne- Mance en se baladant dans le secteur. Il n’est pas rare pour Yanick Dupont de voir quelques curieux ralentir devant sa maison. Cette sculpture colorée est en fait un cadeau de mariage que M. Dupont et sa femme ont reçu de leur ami et artiste Pedro Mendonça. Ce cétacé conçu à partir de matériaux recyclés (tôle de grange, bois) impressionne cyclistes et marcheurs. La sculpture était une surprise pour les mariés. « On savait qu’on recevrait un cadeau, dit M. Dupont, et on connaissait son talent de peintre et de sculpteur. »

 

L’art du métro

 

Revenons sur le terrain public. Ceux qui sortent à l’arrière du métro Crémazie, près du bâtiment de la F.T.Q., découvriront un bonhomme haut de six mètres. Le héros des poussières d’étoiles, conçu en 1993 par le sculpteur québécois Pierre Bourgault de Saint-Jean-Port-Joli, représente l’humain au sein du monde syndical. La tôle et les boulons rappellent le monde de la construction. À l’intérieur de cette station, une murale en céramique rend hommage aux poètes Saint-Denys Garneau, Émile Nelligan et Octave Crémazie, ceux-ci étant représentés par des masques en fer forgé. Le poète dans l’univers de Georges Lauda, Paul Pannier et Gérard Cordeau (1968), incorpore trois extraits de leurs poèmes, ainsi que les planètes du système solaire et les signes du zodiaque.

À la station du métro Henri-Bourassa, un jeu de lumières multicolores (photo page 3) est l’œuvre d’Axel Morgentaler, un artiste d’origine suisse (2007). Les deux murales en acier inoxydable évoquent l’iconographie des Incas, la nature et les observations astronomiques. Les images apparaissent comme si elles étaient visionnées sur un écran de 98 pixels, d’où le nom 98. Les lumières rouges, vertes et bleues permettent la reproduction de millions de couleurs.

Sur la mezzanine est de la station, une murale en bloc de ciment, Les enfants de la ville, a été créée en 1980, dans le cadre de l’Année internationale de l’enfant, à partir de 330 croquis d’enfants de six à douze ans, sur le thème de l’habitation, des citoyens, des parcs et des transports. Cette même année sont installées deux murales en terre cuite : Le potager et Les vents, d’André Léonard. Cet architecte a également dessiné les stations Villa-Maria et Université-de-Montréal.

Au nord-est de la station, l’œuvre en béton Réveil de la conscience par la solitude, par J. Huet (1983), est également un mur coupe-feu et vise à conscientiser les usagers du transport en commun de leur environnement. « J’ai remarqué que, dans le métro, personne ne se parle, personne n’ose se toucher. (…) C’est pour cela que les personnages sur mes murales ont une allure d’automate », explique l’artiste.

 

L’art religieux

 

À l’extérieur, sur le boulevard Gouin, à l’angle de la rue Bois-de- Boulogne, une croix de chemin a été érigée en 1874. Cette croix, maintenant monument historique, est une des soixante croix de chemin qui datent duAu parc Nicolas-Viel, une stèle de granite (photo page 12) de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal commémore la première messe célébrée au Canada, le 24 juin 1615, par le Père Denis Jamet et le Père Joseph Le Caron, en présence de Samuel de Champlain.

Finalement, notons qu’en 1625, le missionnaire Nicolas Viel et un jeune Français se sont noyés dans les eaux de la rivière des Prairies. Les Hurons ont surnommé le Français « Auhaitsique », ce qui signifie « vif et frétillant ». Une statue d’Ahuntsic peut être observée sur le terrain de l’église de la Visitation.

 

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