Ça ne pousse pas tout seul, ces jolis plants

Hélène Bayard, Autour de l’île, Île d’Orléans, avril 2014

En avril, on a toujours l’impression que le printemps se traîne les pieds. Mais heureusement, les serriculteurs de l’île sont à l’œuvre. Depuis des mois déjà ils travaillent pour s’assurer que lorsqu’il (le printemps) daignera arriver, on pourra enfin se relever un peu le moral avec de la verdure et des couleurs.

Mais ça ne pousse pas tout seul, ces jolis plants. Une visite aux serres Les Fleurs de l’île et une conversation avec les propriétaires des serres Roch Hébert nous ont donné un aperçu de la face cachée de ce type d’agriculture : planification des choix, préparation matérielle des mois à l’avance, semis et plantations, surveillance de l’environnement, soins des boutures et des plants, préparation des jardinières, et j’en passe. Bref, un travail étalé sur presque toute l’année et, en haute saison, sept jours sur sept, une bonne dizaine d’heures par jour. « On se met à la tâche en septembre pour faire le grand ménage et mettre en sac la montagne de terreau dont on aura besoin pour commencer la prochaine saison », nous dit Geneviève Giguère, de Fleurs de l’île. Pour sa part, Danielle Hébert ajoute :« On est à l’œuvre dès l’automne : fin novembre, dans nos 10 serres, les contenants sont prêts à recevoir les semis et les boutures ; il peut geler, ça importe peu. »

 

Le choix des semis et boutures

 

Mais comment nos serriculteurs choisissent-ils ce qu’ils cultiveront? L’expérience dicte en partie les choix :ils connaissent les goûts et les préférences des clients, savent ce qui se vend bien. Mais en même temps, il faut être à l’affût des nouvelles vedettes. Comme Roch Giguère, il faut fréquenter les foires de Californie, entre autres, où sont présentées les variétés traditionnelles toujours populaires, mais aussi les nouveautés qui risquent de plaire cette année. Bon nombre de ces nouvelles variétés sont testées dans des jardins d’essai comme le jardin Van den Hende de l’Université Laval, où l’on observera et évaluera leur performance tant au niveau de l’adaptation au climat de la région et de la résistance aux maladies et aux insectes, qu’au niveau de la beauté ; c’est ce qui dictera qu’elles seront adoptées ou non. « Les goûts des clients changent et il faut se tenir au courant ; c’est important pour nous qui nous spécialisons dans les annuelles », nous dit Geneviève Giguère.

 

Le contrôle de l’environnement

 

C’est vers la mi-février, alors que la lumière du jour a commencé à augmenter pour la peine et qu’on peut limiter l’éclairage artificiel entre 18 h et minuit, que se font les semis et que les boutures arrivent. Mais on est encore au cœur de l’hiver ; il faut donc surveiller constamment la température et le degré d’humidité des serres afin de créer des conditions optimales. Certains chauffent au mazout (huile à chauffage), d’autres utilisent le bois comme chauffage d’appoint, ce qui permet de réduire les coûts qui peuvent atteindre entre 25 000 $ et 30 000 $ ; cette année, le rude hiver en rajoutera sans que les serriculteurs puissent refiler la facture au consommateur, compétition oblige. Quand le soleil plombe sur le plastique et qu’il fait jour durant plus de 12 heures, comme en ce début d’avril où j’ai visité une serre, la température intérieure tourne autour de 20 à 25°C alors qu’il fait 3°C à l’extérieur ; ça soulage d’autant la facture de chauffage. Pour maintenir la température au degré optimal, des systèmes de ventilation assurent des échanges d’air entre l’extérieur et l’intérieur ; on peut aussi relever la couverture de plastique dans la partie inférieure de la serre, au besoin. Des systèmes d’alarme avertissent lorsque la température atteint un seuil critique. « Mais avec l’expérience, on se fie à notre bon jugement ; la brume dans mes lunettes est un bon indicateur », dit en riant Geneviève. Son père, Jean-Marc Denis, se charge, entre autres tâches, de l’arrosage qui doit aussi être contrôlé de près.

Aux serres Roch Hébert, on procède par semis pour les tomates, concombres, poivrons et laitues et par boutures pour les plantes annuelles ; chez Les fleurs de l’île, on commence à la même date à élever quelque 21 000 boutures d’annuelles. Comme d’habitude, la production devrait être prête pour la fête des Mères, vers la mi-mai ; toutes les serres de l’île ouvriront alors leurs portes et les clients pourront s’approvisionner ou passer leurs commandes pour plus tard.

On se tient les doigts croisés, nous diton, espérant que dame Nature sera plus clémente que l’an passé où l’on a connu un mois de mai désastreux, ce qui a entraîné des pertes financières et plus d’ouvrage pour maintenir la beauté et la qualité des plants en attendant la vente. « Heureusement, on peut compter sur une clientèle fidèle ; les gens et les organismes d’île achètent local », nous dit Danielle Hébert.

 

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