Maïté Samuel-Leduc, Graffici, Gaspésie, mars 2011
Les enseignants et les étudiants du Cégep de la Gaspésie et des Îles à Gaspé lancent un cri d'alarme. Les statistiques prévoient une baisse d'étudiants de 31 % d'ici 2016 dans les quatre campus. Le Cégep est-il en péril ?
À Gaspé, enseigner dans une classe de moins de dix étudiants est la réalité de bien des enseignants du cégep. Se demander si leur programme restera ouvert l'année suivante est aussi une de leurs préoccupations courantes. « On est rendus des chercheurs de clientèle. On est dans une situation où on est prêts à tout pour, avoir un ou deux élèves de plus dans notre classe », dénonce Annie Chouinard, conseillère aux relations de travail du syndicat du personnel enseignant du cégep à Gaspé. En 1992, 1 219 étudiants anglophones et francophones fréquentaient le cégep. Aujourd'hui, 585 étudiants sont assis sur les bancs d'école, une diminution de 52 %. « Les défis que l'on rencontre sont costauds. Il n'y a pas de menace de fermeture qui plane, mais il faut être déterminé à trouver des solutions », rassure Roland Auger, directeur général du cégep. La baisse démographique dans la région et le choix des jeunes d'aller étudier à l'extérieur sont des facteurs qui font diminuer la clientèle du cégep. Toutefois, la technique de Tourisme d'aventure (TTA), qui a débuté en 2002, a donné un nouveau souffle au campus de Gaspé. « On a calculé que 30 % de nos élèves sont en TTA », témoigne Mme Chouinard.
En mars 2009, le rapport Boudreau, sur l’offre de service du Cégep de la Gaspésie et des Îles, a été remis au ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS). Le rapport doit apporter des solutions durables au manque d’étudiants du cégep. Selon le syndicat des enseignants, le rapport était tabletté trop longtemps et les actions tardent. « La ministre Normandeau nous dit de ne pas nous inquiéter, de ne pas sortir dans les rues. Elle dit qu’ils vont mettre en place un comité qui devrait mettre de l’avant des solutions structurantes », rapporte Luc Méthot, conseiller syndical au cégep à Gaspé. Mais le syndicat en a assez des comités de consultation. « Ça ne se peut pas qu’ils aient encore à s’asseoir et à réfléchir. Ils les ont, les chiffres, depuis des années », lance Mme Chouinard.
Depuis quelques années, Québec permet aux cégeps de démarrer certains programmes et assure leur financement, même si le nombre minimum d’étudiants n’est pas atteint. Une solution à courte vue pour garantir la pérennité des cégeps, croit Mme Chouinard. « Ça nous donne de l’argent, mais pas d’étudiants. C’est une prémisse à un problème qui va s’étendre dans les autres régions.
« De façon générale, l’effectif étudiant est en hausse dans les centres urbains et en baisse dans les régions », indique-t-elle. Depuis quelques années, plusieurs jeunes ne peuvent entrer dans les cégeps des grandes villes, faute de places. Le rapport Boudreau propose d’attirer les jeunes des grands centres avec des incitatifs financiers qui seraient gérés par les programmes de prêts et bourses, une solution à laquelle le syndicat adhère.
Le Cégep injecte plus de 30 millions $ dans l’économie de la Gaspésie et des Îles. « C’est un gros employeur dans la région, estime M. Auger. Environ 5 % de la population de la région utilise les services d’un des campus du cégep. L’impact d’une fermeture serait tout à fait catastrophique, selon Mme Chouinard. « On perdrait nos jeunes et une région sans jeunes est une région qui s’effrite. En plus, les jeunes de 15 – 24 ans qui font leur cégep ici ont plus de chance de revenir s’installer ici », croit-elle.
Pour Georges Mamelonet, député libéral de Gaspé, il n’est pas question de baisser les bras. « Le Cégep est sur le point d’ouvrir son usine-école du centre de formation éolien où 2 millions $ ont été investis, dit-il. Il travaille sur des programmes exclusifs notamment aux Îles-de-la-Madeleine. De plus, la région se refait une santé démographique. On vient de faire mentir les statistiques en s’apercevant qu’il y a 150 personnes de plus sur notre territoire. »