Michaël Lachance, Droit de parole, Québec, mars 2014
Patrick Pépin vit dans le quartier Saint-Sauveur au centre-ville. L’artiste de 37 ans sévit à Québec dans plusieurs galeries connues. Peintre plasticien et expressionniste, il vole au couteau les couleurs glanées ici et là lors de ses nombreux voyages. Globetrotteur incurable, c’est lors de ses visites en Amérique latine, en Inde ou en Espagne, qu’il emprunte, là, une lumière issue des catacombes espagnoles, ici, un geste de Gaudi; encore, au Costa-Rica, récemment, il est grandement ému et impressionné par l’art rupestre précolombien. La particularité chez ce peintre, c’est cette impressionnante capacité à soustraire les vibrations émises par la couleur, à additionner la chaleur émise par la lumière, pour ensuite en faire un paysage complexe, minutieux, où la couleur y est apposée comme un mosaïste byzantin utilise la tesselle pour en faire jaillir avec éclatement la nitescence du jour.
La précarité
Patrick Pépin est un artiste autodidacte à l’instinct brut et aiguisé; il amorce sa carrière de peintre en négociant avec un commerce-entrepôt pour récupérer les pots de peinture non- utilisés, avec la permission d’un directeur commercial qui affectionne son travail. C’est dans un local attenant à des poubelles, dans le sous-sol de l’édifice abritant l’Unisson (385, rue Saint-Angèle), dans le quartier Saint-Roch, qu’il loue pour la modique somme de 80 $ par mois, qu’il jette sur toile ses premières couleurs à l’huile industrielle. L’artiste a délibérément opté pour le sacrifice financier afin de mener à bien son sacerdoce. Il a mangé son pain noir avant de gouter aux premières ventes.
Aujourd’hui, à la visite de son atelier dans le Vieux-Québec, on peut affirmer, sans se tromper, que l’artiste a fait du chemin! L’atelier est en effet dans un grand loft du Vieux-Port aux superficies immenses. Ce coloriste infatigable, dans la continuation stylistique des plasticiens de Montréal, peint à la spatule, avec de l’acrylique ou à l’aérographe, sur de grandes toiles dont la surface est densément occupée par moult couleurs. Cela a pour effet une proposition plastique unique.
Dans l’atelier, on voit des dizaines d’œuvres jonchant le sol, d’autres accrochées, ici et là : des toiles qui sèchent. Sinon, plusieurs toiles tendues à l’horizontale sur des tréteaux attendant la visite du peintre. Patrick Pépin peut peindre sur plus de 20 tableaux en même temps. En effet, comme il travaille ses œuvres par une accumulation de couches successives de peintures, ce qui donne à l’ensemble un relief sculptural, les temps de séchage sont longs. Partant, et sans perdre de temps, l’artiste peintre se promène d’un tableau à l’autre avec l’acuité et l’assurance d’un jongleur maitre de ses pinceaux.
Le succès
Inspiré autant de Pollock, du Pop art new-yorkais, de Borduas, que de Riopelle, il raffine une démarche, une signature, un style singulier; en seulement six ans, on retrouve les toiles du peintre aux quatre coins du globe. L’artiste de Québec vit son succès pérenne avec zen et, déjà, la démarche se précise, on devine les débuts d’une carrière florissante. Le Metro Convention Center de Toronto expose en permanence une de ses grandes fresques. Des hôtels de Dubaï proposent une pléthore de ses œuvres qu’ils ont achetées pour garnir les murs des ces édifices modernes.
Ses ouvres sont collectionnées partout dans le monde. Patrick Pépin est un de ces rares peintres qui jouit du labeur de son métier pour vivre aisément. C’est un peu une vedette du monde des galeristes canadiens qui habite le quartier Saint-Sauveur. Comme quoi, ce n’est pas toujours en vivant dans les grandes villes du monde que l’on se fait une réputation internationale.
Cela dit, il y a quelque chose de sacré dans le travail de cet artiste. Une spiritualité difficile à identifier, mais qui ne passe pas inaperçue. L’esthétique de ses tableaux en est une de qualité, il sait marier à merveille les couleurs, c’est sans doute ce qui explique son immense succès auprès des collectionneurs. Hormis cela, c’est avant tout un homme d’atelier, un acharné, qui plonge ses pinceaux dans la peinture, pareil à un enfant qui chaque jour découvre le monde avec étonnement. On se surprend de rencontrer un homme affable, sérieux, rêveur, contemplatif pour qui le succès est secondaire : ses voyages mensuels et ponctuels à la recherche de couleurs, de mouvements, d’inspiration auprès des autres artistes, le prouvent. Pour Patrick Pépin, l’important, c’est la rigueur, la constance, l’acharnement et ça lui sied bien, car les résultats en sont éloquents.
Pour voir les ouvres de Patrick Pépin, vous pouvez, les fins de semaine, vous rendre au nouveau centre de diffusion Galerie B8 (49, rue Saint-Pierre) ou à la galerie Beauchamp et Beauchamp (10, rue Sault-au-Matelot), dans le Vieux-Port de Québec.