Simon Cordeau, L’Itinéraire, Montréal, le 1er mars 2014
Faire une place dans la société aux déficients intellectuels et combattre les préjugés, voilà ce à quoi aspire la 26e édition de la Semaine québécoise de la déficience intellectuelle qui se tient du 9 au 15 mars, Car la perception de la déficience intellectuelle change, mais elle change lentement.
La responsable des communications, Annick Larose, rappelle qu’il ne s'agit pas d'une semaine de revendications, mais plutôt de sensibilisation. D'abord, il faut démystifier ce qu'est la déficience intellectuelle. Les gens la confondent souvent avec les problèmes de santé mentale. «II est important de distinguer les deux», selon Mme Larose. Alors que la santé mentale peut toucher n'importe qui, la déficience intellectuelle est un état. «C'est souvent une difficulté à accomplir des tâches, ou à généraliser une information, à faire de l'abstraction. Ils ont de la difficulté avec la notion de chiffre ou de temps. Ce sont des personnes qui vivent dans le concret.»
Une part importante des préjugés est due à la méconnaissance, qui engendre la peur. «Certaines personnes ont peur des problèmes de comportement, ou de l'agressivité. Mais ils sont plutôt rares. Souvent, c'est causé par une frustration chez la personne, qui a de la difficulté à communiquer, à se faire comprendre.» Qui ne le serait pas, lorsque l'on est trop souvent mal compris? Une autre partie passe par le langage. «On ne "souffre" pas de trisomie 21, affirme Mme La rose. Si vous regardez ma fille, elle ne souffre pas.» Professeure au département de psychopédagogie de l'Université de Montréal, Nathalie Trépanier est bien d'accord. «A la radio, ou quand les enfants parlent entre eux, il y a une connotation avec le terme "déficient': Pourquoi est-ce que c'est aussi péjoratif?», questionne- t-elle.
Comme on se ressemble
Le slogan de la Semaine, organisée par l'Association du Québec pour l'intégration sociale, est : «Comme on se ressemble». «Nous avons beaucoup plus de points en commun que de différences», insiste Mme Larose. La Semaine sert aussi à rappeler que les personnes vivant une déficience sont des personnes à part entière. «Elles ont les mêmes besoins que nous, comme l'appréciation et l'autonomie. Elles ont besoin de s'affirmer, de s'autodéterminer.»
Cet épanouissement passe par une famille aimante, selon Mme Larose, mais aussi par l'intégration à l'école régulière. «C'est le premier rôle de l'école : apprendre aux enfants à faire partie de la société, rappelle Mme Trépanier. On fait une mauvaise presse à l'intégration en disant que ça ne marche pas, avant de penser aux enfants.»
Selon la professeure, la société envoie un message contradictoire : d'un côté on doit correspondre à une norme pour s'intégrer, mais de l'autre, on insiste sur l'importance de s'affirmer, d'être soi et d'être bien dans sa peau. Cette intégration revêt une importance particulière. Selon l'AQIS, 3 % de la population est atteint d'une déficience intellectuelle, et, de ce chiffre, 80 % sont atteints d'une déficience légère. «Ça peut être un voisin, celui qui va promener son chien, ou même des parents. II s'agit d'adultes, qui ont des droits», explique Mme Trépanier.
Enfin, selon Mme Larose, en les côtoyant, on apprend la tolérance et l'ouverture à la différence. «Quand on ouvre la porte à la différence, c'est le signe de la santé d'une société.» Et l'ouverture, elle guérit aussi l'indifférence, le racisme, la xénophobie …