Sylvain-Claude Filion, L’Itinéraire, Montréal, le 15 novembre 2013
Durant les semaines qui ont précédé le scrutin municipal du 3 novembre, on aura constaté que l'itinérance figure désormais parmi les neuf principaux enjeux électoraux au même titre que les transports, la famille, l'environnement ou les impôts fonciers. On peut appeler ça un progrès. Mais Denis Coderre se rappellera-t-il des engagements de sa plate-forme électorale?
En fin de campagne, les propositions des quatre principaux candidats, pour exprimer leur volonté de lutter contre l'itinérance n'avaient rien d'impressionnant. Des vues floues, vagues et peu imaginatives. Comme «encadrer les ressources sur le terrain» (Mélanie Joly) ou «appui aux organismes de lutte contre l’itinérance pour obtenir plus de financement de Québec» (Richard Bergeron). L’automne 2013 n'aura pas été la saison des idées …
La dernière étude à fournir des données précises sur l'itinérance remonte à 1997 et estimait la population itinérante à 28 000 personnes. En 2005, le fédéral la chiffrait à 30 000. Combien sont-ils vraiment aujourd'hui ? Probablement beaucoup, beaucoup plus.
Selon le Réseau d'aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM), qui publiait une lettre ouverte aux médias à quelques heures du vote, le nombre de nuitées prodiguées par les refuges pour hommes ont augmenté de 24 % depuis 2008. Du côté des refuges pour femmes, qui refoulent du monde chaque soir, on a récemment vu des taux d'occupation de 400 %, comme ce fut te cas à La rue des Femmes, où les itinérantes passent la nuit sur des paillasses de fortune à même le plancher.
Avec 167 000 prestataires d'aide sociale et 273 000 ménages vivant sous le seuil de la pauvreté (29% de la population), la misère saute aux yeux à Montréal. La crise du logement est grave, l'ajout de logements sociaux, au cours de ta dernière décennie, a été minime. Il est à espérer que le nouveau maire mettra rapidement en branle plusieurs des éléments figurant sur sa plateforme électorale.
Les défis de Denis Coderre
Équipe Cod erre a clamé que sa priorité sera de créer une agence de développement social qui détiendrait un siège clef au sein du conseil de Ville. Cette coordination des efforts pourrait contribuer à défendre les intérêts des centaines d'organismes oeuvrant auprès des plus démunis et dont la survie est menacée par la volonté du gouvernement Harper de détourner les sommes allouées au soutien social à la seule initiative du Housing Firs!.
Denis Coderre a aussi souligné le besoin criant de chiffrer l’itinérance à Montréal en évoquant la création d'une base de données. Ses adversaires ont aussi affirmé, en campagne, leur volonté de demander plus de financement de la part du gouvernement et il serait souhaitable que notre nouveau maire fasse sienne cette revendication.
Bien sûr, beaucoup de boulot l'attend à l'Hôtel de Ville et il y a d'autres priorités espérées par les citoyens, comme l'assainissement des mœurs politiques et une meilleure gestion des travaux publics à l'heure où la ville n'est plus qu'un vaste chantier de construction embouteillé du matin au soir.
Monsieur Coderre, on aimerait vous voir tenir vos promesses et faire vos représentations auprès du gouvernement du Québec, qui s'apprête à dévoiler, dans quelques semaines, sa nouvelle Politique nationale en matière d'itinérance. Vous avez aussi déploré la judiciarisation des itinérants. Dites-nous vite ce que vous entendez faire pour enrayer cette ineptie.
Ces jours-ci, le mercure recommence à se balader sous zéro la nuit. Avec des refuges qui ne peuvent plus répondre à la demande, on va revoir des hommes et des femmes qui seront contraints de dormir dans la rue. L’itinérance doit impérativement figurer dans le top de vos priorités, Monsieur Coderre. Relancer une métropole qui en a bien besoin, c'est aussi mettre fin à la pire des injustices, qui donne une silhouette sombre à Montréal.