Sylvain-Claude Filion, L'Itinéraire, Montréal
Désormais simplement appelé Dans la rue, l’organisme fête ses 25 ans cette année, alors que son fondateur, le père emmett Johns, atteint ce mois-ci l’âge vénérable de 85 ans.
Né sur le Plateau Mont-Royal le 3 avril 1928, dans le giron d’une famille irlandaise très pratiquante, Emmett Johns étudie d’abord la théologie et les arts avant de prononcer ses voeux. Il souhaitait devenir missionnaire en Chine, mais son vicariat l’a plutôt orienté graduellement vers les personnes les plus démunies. Aumônier à l’hôpital Douglas et auprès de maisons accueillant des jeunes femmes en difficulté, il se lance en 1988 dans une nouvelle croisade : aller tendre la main aux jeunes les moins choyés là où ils errent : dans la rue.
Emmett Johns a 60 ans lorsqu’il passe à l’action : obtenant un prêt personnel de 10 000 $ auprès d’une Caisse populaire, il achète un vieux winnebago et se met à sillonner les rues du centre-ville les soirs de semaine, à partir de 20 ou 21 h, pour offrir un peu de nourriture aux jeunes sans-abri, mais surtout leur prêter son oreille attentive. Sa ronde ne se termine que tard chaque nuit. En retour de cette compassion, les jeunes le surnomment vite «Pops». Le Bon Dieu dans la rue est né.
Succès immédiat et boule de neige
En un an, Pops reçoit plus de 3500 visites et l’originalité de son initiative suscite l’intérêt des médias et des donateurs. Le club Rotary lui offre un nouveau véhicule que l’on rebaptise vite «La Roulotte». En 1998, le Canadien Pacifique offre à Pops un nouveau motorisé fait sur mesure pour répondre à ses besoins, puis, Gaz Métropolitain dote l’organisme d’un camion pour cueillir les dons matériels.
Car l’organisme le Bon Dieu dans la rue ne cesse de croître. En 1993, le Bunker de Pops ouvre ses portes pour accueillir, la nuit, une vingtaine de jeunes âgés de 12 à 19 ans. Il y a aussi l’ouverture d’un Centre de jour en 1997, où les jeunes de la rue peuvent recevoir des soins de santé et des conseils juridiques, ou participer à des activités et à des programmes.
En 2001, l’organisme emménage dans de nouveaux locaux, gracieuseté du CN, sur la rue de La Gauchetière, dans la Gare centrale. L’exemple est donné et la liste des donateurs corporatifs s’allonge au fil des ans.
Dans la rue a 25 ans cette année
On estime à près de 20 000 le nombre d’heures que les bénévoles consacrent aux jeunes chaque année. Ces derniers sont référés à des services d’accompagnement, intervention, un vaste réseau d’aide s’est tissé autour de la cause.
Aujourd’hui, Dans la rue sert annuellement plus de 150 000 hot-dogs et distribue plus de 10 000 sacs de provisions alimentaires ainsi que des vêtements et plusieurs autres services. Plus de 2000 jeunes dorment chaque année au bunker et près de 30 000 reçoivent de l’aide au Centre de jour, grâce aux 65 professionnels et 85 bénévoles qui oeuvrent au sein de l’organisme.
Quant au père Emmett «Pops» Johns, maintenant auréolé d’une trentaine de titres honorifiques, il a pris sa retraite bien méritée à l’âge de 80 ans 2008, alors que l’on soulignait les 20 ans de l’organisme qu’il a fondé. Un quart de siècle plus tard, on peut dire qu’il a gagné son ciel tandis que celui des jeunes sans-abri est désormais traversé par un rayon d’espoir.