Des villages qui en arrachent

Genevièvre Gélinas, Graffici, Gaspésie

Il y a quelques années, Régis Auclair a personnifié le père Noël pour les enfants de Rivière-à-Claude. « Pour venir à bout de donner neuf cadeaux, j’avais accepté des jeunes jusqu’à 19 ans! », dit-il.

«La base, c’est les jeunes, et il n’y en a plus », constate M. Auclair, qui vit dans la maison où il a grandi. Dans les années 1950, se rappelle-t-il, Rivière-à-Claude comptait plus de 500 habitants et les maisons étaient remplies d’enfants. Aujourd’hui, ils sont 112 résidants permanents, dont seulement huit jeunes de 18 ans ou moins, selon les chiffres les plus récents de la maître de poste. Et la population est âgée en moyenne de 58 ans et demi.

Le village ne manque pourtant pas de charme avec la rivière qui serpente entre la 132 et la mer. « Les formules appliquées depuis 20-25 ans, ça ne marche pas, constate M. Auclair. On a passé toutes les lettres de l’alphabet, CLD, SADC, BAEQ…. ». L’homme de 66 ans montre la montagne qui surplombe le village. « On mettrait 15-20 chalets, ça pourrait recommencer à faire virer la roue. »

Petite-Vallée vit aussi des années difficiles, malgré son image de village dynamique. La renommée du Festival en chanson n’a pas réussi à endiguer un déclin démographique de 28 % entre 2006 et 2011. « Le modèle s’effrite, convient le maire Rodrigue Brousseau. On perd des jeunes parce qu’on n’a pas de travail pour les faire revenir, et on perd des vieux quand ils ne sont plus capables de rester dans leur maison. »

Il reste 178 personnes à Petite-Vallée, où l’épicerie a fermé à la fin de l’été. « Si on n’avait pas le festival, le Camp Chanson et le Théâtre [de la Vieille Forge], le village serait déjà fermé », croit le maire. Mais ce n’est plus suffisant. « Il faut absolument que quelque chose comme Orbite [projet d’usine d’alumine à Madeleine] démarre », ajoute M. Brousseau.

Doris Deschênes, mairesse de Saint-André-de-Restigouche, n’a pas l’intention de rester les bras croisés, dans un village qui a perdu 35 personnes entre 2006 et 2011, pour atteindre un creux de 157 résidants. « On a beaucoup d’infrastructures à entretenir, mais peu de gens pour les payer. On a créé un comité Avenir Saint-André pour trouver des solutions. »

 

« Un combat de tous les instants »

À Mont-Saint-Pierre, le maire Jean- Sébastien Cloutier cache mal son irritation quand on lui rapporte que son village est parmi ceux qui affichent la baisse de population la plus prononcée, avec 16,5 %. « On travaille comme des déchaînés depuis huit ans sur un plan de développement. C’est un combat de tous les instants. » Comme un symbole de ce combat, la route 132 aligne des maisons de couleur vive récemment rénovées et des motels à bout d’âge.

« En été, à Mont-Saint-Pierre, c’est presque le plein emploi. Il y a même des gens qui viennent de l’extérieur pour travailler, fait remarquer Magella Émond, chargé de projet pour la Corporation du tourisme de Mont-Saint-Pierre et ancien préfet de la Haute-Gaspésie. Et on a quand même cinq ou six familles avec des enfants en bas âge. » Selon lui, le déclin démographique est plus qu’une simple question d’emploi et d’exil. Il manque des « emplois de qualité », juge-t-il. Mais Mont-Saint-Pierre et d’autres villages comme L’Anse-Pleureuse et Rivière-à- Claude vivent aussi un problème d’accès à la propriété. « Il y a quelques années, beaucoup de maisons ont été vendues à des baby-boomers qui viennent deux semaines ou un mois par an, rapporte M. Émond. Et l’accès à des terrains privés [pour se construire] est assez difficile. Ça peut empêcher de nouveaux arrivants de s’installer. »

 

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