Marcel n’est plus itinérant depuis 31 ans, mais il parle de son expérience de la vie dans la rue. Photo : JDV / Amine Esseghir

Une réussite pour la première Nuit des sans-abri

Amine Esseghir, Journal des voisins, Montréal, octobre 2024

Pour la première fois, la Nuit des sans-abri est organisée à Ahuntsic-Cartierville. L’organisme local Rue Action Prévention (RAP) Jeunesse a créé un événement auquel toute la population était invitée afin de découvrir la réalité de l’itinérance et pour en discuter.

Créée en 1989, la Nuit des sans-abri se tient chaque troisième vendredi d’octobre. Elle vise à sensibiliser le public à la situation d’itinérance, de pauvreté et de désaffiliation sociale.

Qui mieux qu’un ancien itinérant pour parler des conditions de vie dans la rue? À 71 ans, Marcel, un orateur né, a tenu en haleine le public présent.

«Je suis rendu une vieille mémère», a-t-il lancé, décrochant les rires de l’assistance. Malgré le temps frisquet de cette soirée du 17 octobre, une trentaine de personnes.étaient présentes au chalet d’accueil du parcours Gouin.

«Quand j’ai décidé de me prendre en main. J’avais 37 ans. Aujourd’hui, j’en ai 71», raconte Marcel en entrevue avec le Journal des voisins (JDV).

Un matin, au refuge de la Maison du père, Marcel décide de tout arrêter, boisson et drogues, mais aussi le mensonge. Car pour s’en sortir dans la rue, il a fallu apprendre à cacher la vérité.

«Je suis devenu l’homme le plus franc qui soit», affirme-t-il.

Son introspection le pousse alors à changer de vie.

«C’était arrêter ou bien mourir», assure-t-il.

Une fois sa résolution prise, il fallait se prendre en main. Pour lui, ce qui l’a sauvé, c’est ce qu’il appelle les meetings, les réunions des Alcooliques anonymes et des Narcotiques anonymes.

«Aujourd’hui, je m’en sors bien. J’ai des difficultés, comme d’autres personnes, mais je sais comment prendre les choses. Il faut apprendre à gérer ses émotions. Quand j’ai accepté [d’aller aux réunions] ça m’a fait du bien. J’étais nerveux un petit peu au début. Je braille aussi et je ressors. C’est pas drôle des fois.»

Alors que sa vie n’a pas été une mer tranquille — il a cumulé 17 ans de prison jusqu’à 37 ans — aujourd’hui, il veut conseiller ceux qui sont dans la rue.

«Aujourd’hui, [vivre dans la rue] c’est plus difficile que de mon temps avec toutes les affaires qui se passent. Les drogues qui sont mélangées et les boissons. C’est plus fort. C’est plus dangereux.»

Michel aux platines

Pour animer la Nuit des sans-abri d’Ahuntsic-Cartierville, RAP Jeunesse a fait appel à Michel. Cela fait cinq ans qu’il n’est plus dans la rue qu’il a fréquentée de manière discontinue.

«La cause me tient à cœur parce qu’il n’y a pas si longtemps j’étais itinérant en réalité.»

Pour Michel, il lui a suffi de trouver un bon logement et de se rendre régulièrement au centre de jour de RAP jeunesse pour que les choses changent.

«Je ne serai plus capable aujourd’hui d’être dans la rue.»

Même s’il convient que le manque de logements contribue à perpétuer l’itinérance, il croit que des solutions existent. Son rêve  : que les sous-sols d’église inutilisés soient convertis en centre d’hébergement.

La soirée a permis d’organiser une séance de discussion ouverte aux citoyens pour parler de la cohabitation avec les itinérants.

Deux autres organismes ont également participé à cette Nuit des sans-abri d’Ahuntsic-Cartierville : Aire ouverte qui offre de l’aide psychosociale; Grip, un organisme qui agit en réduction des méfaits et vérifie la composition des drogues achetées dans la rue.