Panine et sa conjointe Jocelyne | Crédit : Jordane Masson

À la rencontre de Panine Jean-Baptiste

Jordane Masson, L’écho de Compton, Compton,
juillet-août 2024

Haïti toujours dans son cœur 

C’est au mois de mai 1989 que Panine Jean-Baptiste quittait Haïti, son pays natal, pour s’établir au Québec. Résident de Compton depuis 2008, il y a trouvé son port d’attache avec sa conjointe, Jocelyne Doren. Malgré tout, une partie de son cœur demeurera toujours liée à son pays d’origine. Découvrons à travers son vécu quelques facettes de la première république noire du monde.

Famille et éducation

M. Ernest Jean-Baptiste était veuf et avait trois enfants déjà lorsqu’il s’est remarié avec Ercelia Brice. Cette dernière était séparée et mère de deux enfants. Ce nouveau couple a eu deux garçons, dont Panine Jean-Baptiste. « Je viens d’une famille de la classe moyenne. Mon père était un notable de la communauté. Il travaillait comme instituteur et a été inspecteur du district scolaire à Miragoâne. L’éducation était très importante pour lui. Ma mère était couturière-modiste à la maison, ainsi que deux de mes belles-sœurs. Parfois, des apprentis venaient apprendre la couture chez elle. Elle m’a montré comment faire les ourlets et les boutons à la main, à mon grand malheur! Elle me demandait de l’aider lorsqu’elle recevait beaucoup de commandes, surtout aux périodes des Fêtes. »

Panine a passé son primaire à l’école publique géré par une congrégation religieuse, les frères du Sacré-Cœur. Au secondaire, il allait dans une école privée à Port-au-Prince, la capitale d’Haïti, aussi gérée par les frères du Sacré-Cœur. « Lorsque j’ai eu six ans et jusqu’à mes treize ans, je vivais d’octobre à juin à Port-au-Prince avec ma mère pour aller à l’école. Le reste de l’année, j’étais à notre deuxième maison à Paillant. Nous avions la chance d’avoir un assez grand terrain avec des arbres fruitiers comme des manguiers et des bananiers. Il n’y avait pas de jardin de légumes, mais ma mère avait sa pharmacie de plantes médicinales pour soigner la famille. »

Choisir le Québec

Le départ de M. Jean-Baptiste a été guidé par l’amour. Tout cela grâce à une Québécoise, amie de son frère, qui a su lui vendre le Québec. « Mon petit frère a participé à un séminaire qui se tenait à Montréal. C’est là qu’il a croisé Christiane Jalbert, la mère de ma fille. Il l’a invitée à venir nous visiter en Haïti. En 1987, elle est venue passer deux semaines dans ma famille et ce fut le coup de foudre entre elle et moi. Quand elle est repartie au Québec, on a correspondu par courrier. Elle est revenue en Haïti pendant un mois en 1988. On a alors décidé de se marier pour qu’elle me parraine. Quelques mois et quelques papiers plus tard, j’allais la rejoindre à Hochelaga, au Québec. »

Les deux étaient étudiants, lui en histoire de l’art et elle comme travailleuse sociale. M. Jean-Baptiste hésitait à tout quitter, mais la situation politique s’est mise à se détériorer en Haïti. « J’étais bien content, au final, de quitter le pays lorsque j’ai pu partir. Il commençait à y avoir moins de liberté, on surveillait nos déplacements même si ne faisait rien de mal, etc. J’ai des copains qui se sont fait bastonner pour rien. Il fallait toujours être prudent. En fin de compte, le moment était bien choisi. »

À l’époque, le Québécois, qui parrainait une personne de l’extérieur, s’y engageait pour dix ans. Vers les années 1994-95, le temps a été réduit à cinq ans. De nos jours, c’est maintenant pour trois ans. Aussi, après trois ans de résidence permanente, il est possible de demander sa citoyenneté canadienne, à la suite d’un examen et en prêtant serment devant un juge.

 
Panine et sa fille Catherine | Photo Collection personnelle

Un deuxième amour

Après trois ans de vie commune, la venue d’une fille adorable, nommée Catherine, et une séparation qui gardera des racines amicales, M. Jean-Baptiste se retrouvera devant différentes voies pour son avenir. « Mon rêve, c’était de retourner vivre en Haïti à la campagne. Avec mon travail chez Chantiers Jeunesse, un organisme à but non lucratif québécois qui réalise des projets de volontariat au Québec et à l’étranger, j’ai découvert le Québec en dehors de Montréal et j’ai réalisé qu’il y avait de très belles régions ici aussi. J’ai donné mon nom pour travailler chez Katimavik, un organisme à but non lucratif canadien voué à l’autonomisation et au développement des jeunes de diverses communautés, et j’ai demandé à travailler soit en Estrie ou en Chaudière-Appalaches. Je voulais une région montagneuse et le moins de bibites piquantes possible! »

Panine déménage donc à Sherbrooke et découvre les environs. À travers Chantiers Jeunesse, il fait alors la rencontre de Jocelyne Doren, sa conjointe d’aujourd’hui, qui habitait à ce moment-là à Montréal. Celle-ci avait une amie résidant à Martinville. En 2002, le couple décide d’y emménager ensemble. Quelques années plus tard, en 2008, ils trouveront leur chez-soi dans la campagne de Compton. « J’ai la chance d’être dans une municipalité très agréable avec de beaux paysages. J’y ai trouvé la campagne que j’ai toujours voulue. »

Les paysages et les ressources d’Haïti

Pays caribéen situé sur l’île d’Hispaniola, voisin de la République dominicaine, Haïti dévoile principalement des vallées et des plaines côtières à travers son relief montagneux. « On raconte que lorsque Christophe Colomb est retourné en Espagne, après être venu en Haïti, on lui a demandé de décrire le territoire. Il aurait froissé une feuille de papier pour montrer que c’est très montagneux! »

Né dans un village qui s’appelle Paillant, situé dans une montagne près de la mer, M. Jean-Baptiste y a vu plusieurs changements au cours des années. « Quand j’étais jeune, le principal employeur de mon village était Reynolds Metals qui y a exploité la bauxite pour en faire de l’aluminium de 1957 à 1982. Mes deux frères y ont travaillé comme mécaniciens. Ça a causé un désastre environnemental énorme, dont beaucoup de déboisement. Je me souviens, quand j’étais enfant, il y avait beaucoup plus d’arbres. Souvent, d’épais brouillards se formaient. On ne voit plus cela de nos jours vu le manque d’humidité causé par la déforestation. Il faut aussi dire que le bois et le charbon de bois constituent les principales sources d’énergie en Haïti. C’est ce qui amène petit à petit une baisse du couvert végétal. »

De juin à novembre, il y a aussi la période des ouragans qui amène de grandes dépressions. Il peut alors tomber de fortes pluies pendant plusieurs jours. Ce qui n’est pas très pratique pour ceux qui utilisent des panneaux solaires. La principale source d’électricité demeure donc les génératrices au diesel.

Catholicisme et vaudou

La religion officielle d’Haïti a longtemps été le catholicisme. De nos jours, un peu comme au Québec, il s’agit plutôt d’un pan de leur culture. Différents cultes réformés ont pris beaucoup de place dans la vie religieuse des Haïtiens. « Ma mère était très religieuse. Quand j’étais enfant, nous pratiquions le catholicisme. Chaque dimanche, nous allions à la messe et, chaque samedi, à partir de l’année où j’ai fait ma première communion, je devais aller à la confession. J’avais dix ans et je ne comprenais pas tout, alors j’avais tendance à inventer des péchés, car il fallait en dire. J’ajoutais celui du mensonge, alors je me faisais pardonner tout cela en même temps! »

De plus, d’origine africaine, principalement de la région du Bénin, une autre religion importante pratiquée en Haïti est le vaudou haïtien. « Nous ne le pratiquions pas dans ma famille, mais quelques membres du côté de ma mère le pratiquaient. Le vaudou, c’est un culte des ancêtres. Chaque famille vénère un ancêtre en particulier. Il y a différents esprits qu’on appelle des Loas ou Lwas qui peuvent descendre, lors d’une cérémonie, et prendre possession d’une personne pour parler à travers elle. Chaque esprit a sa couleur et son vèvè (symboles dessinés au sol avec de la semoule de maïs pour l’accueillir) qui lui est associé. »

Interdit durant le temps de l’esclavage par les colons, cette religion a subsisté grâce au syncrétisme religieux, donc en créant un mélange entre le catholicisme et le vaudou. « Des Lwas ont été associés à des saints catholiques. Comme Ogon, le dieu de la guerre, était représenté lors des cérémonies par Saint-Jacques majeur. La vierge Marie symbolisait Erzulie, la déesse de l’amour. C’est de cette façon qu’une partie de cette culture a pu survivre à travers le colonialisme. »

Fêtes et histoire

Au fil de l’année, plusieurs dates sont importantes pour les Haïtiens. La première est sans aucun doute le 1er janvier. Alors qu’au Québec, il s’agit du nouvel an, cette journée représente plutôt la Fête de l’indépendance en Haïti. « Le 1er janvier 1804, Haïti devient la première république noire au monde et le deuxième État indépendant en Amérique, après les États-Unis. En fait, c’est le premier état dans le monde où les esclaves se sont révoltés et ont créé un état libre. À cette date, on fête aussi la Saint-Sylvestre et on reçoit ou donne des étrennes (cadeaux). C’est le Noël haïtien en quelque sorte. La nuit du 31 décembre au 1er janvier, quand j’étais jeune, c’était une journée où on était libre de se promener. On allait à la messe de minuit. Le lendemain, on cuisinait la soupe joumou, à base de bœuf, de courge giraumon, de légumes-racines et de chou. »

D’autres dates importantes au calendrier haïtien sont le 1er novembre avec la Toussaint et le 2 novembre avec le rite de Gede (le Culte des morts) pour la Fête des morts. « La Fête des morts dure plutôt pendant une période et non une seule journée. Les gens vont dans le cimetière de leur famille, nettoient les caveaux et repeinturent les tombes en blanc et bleu ou en blanc et vert. À l’entrée du cimetière, il y a une croix qui est le reposoir de Baron Samedi, le Lwa responsable des morts et des chemins qui se croisent. »

Pays de montagnes, pays de manifestations, pays de rencontres, pays de cultures, Haïti découle aussi de notre propre histoire. Ce milieu s’est forgé au fil des années et se transformera encore comme notre Québec.

Dans nos ressemblances comme dans nos différences, ne suffit-il pas au final d’accueillir son prochain pour que chacun y trouve son port d’attache?

Quelques mots en créole haïtien (le « e » se prononce « é » et le « w » se prononce « ou »)

Bonjour! Bonjou!
Bon appétit! Bon apeti!
Comment vas-tu? Kouman ou ye?
On se maintient. Nou la.
Pas pire. Nou pa pi mal.
Où habites-tu? Ki kote w rete?
Qu’est-ce que tu fais? Sa w ap fè la a?
Merci! Mèsi!

« En Haïti, on utilise plutôt l’oignon vert, mais je ne le trouve pas assez goûteux, alors j’utilise l’oignon jaune ou l’échalote française. Quand j’étais jeune, c’est mon père qui avait le privilège de manger le riz collé au fond qui a le plus de saveur. Maintenant, je peux le déguster avec plaisir à mon tour! »

Un bon plat typique! | Photo : Jordane MassonRecette de riz collé

  • 1 tasse d’haricots rouges non cuits
  • 2 tasses de riz au jasmin
  • 4 tasses d’eau (incluant eau de cuisson)
  • 1 gros oignon jaune (ou 2-3 échalotes françaises) haché
  • 1 grosse tête d’ail (4-5 gousses) hachée ou broyée
  • 2 c. à thé de sel
  • 2/3 c. à thé de poivre
  • 1/2 c. à thé de clou de girofle moulu
  • 1/3 tasse de persil frais haché
  • 3 c. à soupe d’huile d’olive pour la cuisson
  1. Faire tremper les haricots trois à quatre heures pour réduire le temps de cuisson. Jeter l’eau de trempage, puis les rincer. Ajouter environ quatre tasses d’eau, pour bien les recouvrir, et porter à ébullition.
  2. Laisser mijoter à feu moyen de 30 à 45 minutes ou jusqu’à ce que les haricots soient al dente. Ajouter de l’eau au besoin. Mettre de côté.
  3. Dans un plus grand chaudron, chauffer à feu moyen-élevé trois à quatre cuillères à soupe d’huile d’olive. Faire revenir l’oignon une minute, puis ajouter l’ail et faire revenir deux minutes de plus.
  4. Ajouter les haricots, faire revenir une ou deux minutes, puis ajouter l’eau de cuisson filtré (ajouter de l’eau pour obtenir quatre tasses d’eau en tout).
  5. Rincé le riz, puis l’ajouter au mélange en ébullition. Ajouter toutes les épices.
  6. Cuire environ dix minutes en brassant à l’occasion.
  7. Baisser le feu au minium, couvrir et mijoter 10-15 minutes jusqu’à ce qu’il ne reste presque plus d’eau et que le riz colle au fond.
  8. Retirer du feu, laisser reposer à couvert environ cinq minutes. Dégustez!