Sébastien Michon, Le Val-Ouest, Valcourt, mai 2024
Neuf adolescents vont entreprendre une marche de 43 kilomètres entre Sherbrooke et Valcourt le samedi 25 mai prochain. Leur objectif : amasser des sous pour la Fondation Jeunes en tête vouée à la prévention de la détresse psychologique chez les adolescents de 11 à 18 ans.
« Ça a débuté par une blague entre amis »
Ces jeunes hommes, élèves de secondaire 5 de l’école Mitchell-Montcalm de Sherbrooke, ont voulu se donner une mission ambitieuse. « Ça a débuté par une blague entre amis. Nous nous sommes dits : marchons jusque chez notre ami Antoine, qui habite à Valcourt. On riait bien de cette idée impossible. Quelques mois plus tard, nous avons décidé de nous donner un défi et de le faire pour vrai. Ma mère m’a donné l’idée d’associer notre marche à une fondation et ç’a été le point de départ », explique Samuel Landry, organisateur principal de la marche.
« La santé mentale nous interpelle »
Pourquoi avoir choisi de recueillir des fonds pour la Fondation Jeunes en tête? « J’avais dressé une liste de différentes fondations en Estrie et de l’extérieur. Nous voulions en trouver une dont le sujet nous tenait à cœur. La santé mentale des jeunes nous interpelle, entre autres parce que nous faisons partie de l’âge visé », répond-il.
« Nous avons tous eu nos moments difficiles pendant notre secondaire. Pour certains, c’est du stress de performance. Pour d’autres, de l’anxiété en lien avec le travail et les études. Ça a un lien avec notre vécu », ajoute de son côté Charles Gagnon, co-organisateur de ce défi.
« Un projet mobilisateur qui envoie un message de solidarité »
Une initiative qui réjouit évidemment les responsables de la Fondation. «Nous sommes reconnaissants et choyés de voir des jeunes qui se mobilisent comme ça pour nous. Je trouve que cette marche est une très belle initiative. Nous parlons beaucoup, dans les écoles, de l’importance de bouger, d’aller dehors et de faire quelque chose qui nous fait sentir bien. Ce défi est un exemple d’un projet mobilisateur qui envoie un message de solidarité », exprime Antoine Beaudoin-Gentes, directeur des programmes à la Fondation Jeunes en tête.
« Nous sommes reconnaissants et choyés de voir des jeunes qui se mobilisent comme ça pour nous. Ce défi est un exemple d’un projet mobilisateur qui envoie un message de solidarité », exprime Antoine Beaudoin-Gentes, directeur des programmes à la Fondation Jeunes en tête. (crédit photo : © Marc-Antoine Charlebois)
La principale action de cette fondation est d’offrir des ateliers gratuits de sensibilisation et de promotion d’une santé mentale positive dans les classes du secondaire. Pour ce faire, une équipe d’animation de 16 personnes parcourt le Québec pendant l’année scolaire pour aller rencontrer les jeunes dans les écoles.
Hygiène de vie et santé mentale
« Dans un atelier offert pour le premier cycle, nous abordons des concepts qui permettent aux jeunes de développer une bonne hygiène de vie et une santé mentale positive à travers des pratiques comme la méditation et la pleine conscience. Des moyens de prendre une pause et un pas de recul lorsqu’on vit des émotions plus difficiles », explique Antoine Beaudoin-Gentes.
Un second atelier, destiné aux jeunes du deuxième cycle, aborde ce qu’est une dépression et la détresse psychologique « Pour que les jeunes puissent rapidement aller chercher l’aide nécessaire. Soit directement à l’école ou dans la communauté. »
1,3 millions de jeunes sensibilisés
Cette Fondation est née en 2017 de la fusion entre la Fondation des maladies mentales du Québec et Québec Jeunes, une organisation qui levait des fonds pour financer des initiatives jeunesse. « Depuis 1998, année où la Fondation des maladies mentales du Québec a commencé à offrir des ateliers de sensibilisation, nous avons vu plus de 1,3 millions de jeunes », précise Antoine Beaudoin-Gentes.
La santé psychologique s’est détériorée
La santé psychologique des jeunes de 12 à 25 ans s’est détériorée depuis la pandémie. La Dre Mélissa Généreux, médecin-conseil à la Direction Santé publique et professeure à la Faculté de médecine de l’Université de Sherbrooke étudie de près cette question. La Direction de Santé publique publie chaque année, depuis 2020, une enquête réalisée auprès de plus de 17 000 jeunes.
Dans l’enquête de 2023, on apprenait que la santé mentale de ce groupe d’âge demeure toujours moins bonne qu’avant la pandémie. Plus du tiers (37%) des jeunes du secondaire et plus de la moitié (52 %) des jeunes du cégep ou de l’université rapportent des symptômes modérés à sévères d’anxiété ou de dépression.
« Ces symptômes sont importants puisque le quart des jeunes, peu importe leur niveau de scolarité, a eu des idées noires au cours des deux dernières semaines avant l’enquête », rapporte la Dre Généreux.
Selon une enquête menée par la Dre Mélissa Généreux, plus du tiers (37 %) des jeunes du secondaire et plus de la moitié (52 %) des jeunes du cégep ou de l’université rapportent des symptômes modérés à sévères d’anxiété ou de dépression. (crédit photo : Michel Caron – UdeS)
Des séquelles de la pandémie encore présentes
Un fait confirmé par Antoine Beaudoin-Gentes. Bien que la pandémie semble loin derrière, il rapporte que les séquelles sont encore bien présentes. « Il y a beaucoup de jeunes qui ont souffert d’isolement et ont eu de la difficulté à retourner et socialiser avec leurs collègues de classe. Il y a vraiment beaucoup de souffrance et de troubles de santé mentale avec lesquels les jeunes doivent composer aujourd’hui. »
Les deux jeunes co-organisateurs de la marche sont eux aussi d’accord. «Pendant la pandémie de COVID, nous étions en secondaire 1. Notre année fut assez brève. On s’est tous ramassés à la maison et on se voyait seulement en classe par Zoom. Alors qu’on est habitué de se fréquenter tous les jours de notre vie », rapporte Samuel Landry.
« Le retour de la pandémie a été difficile pour moi », témoigne de son côté Charles Gagnon. « Je suis en musique et les spectacles revenaient. Je me suis fait offrir plein de choses. Tout le monde était content de rejouer. Je faisais cinq ensembles par semaine. J’étais tanné de ne rien faire, alors je me suis lancé à pieds joins dans toutes les activités que je pouvais. Ça m’a joué des tours. »
Un défi de taille : une marche de 12 h
Le défi que ce sont lancés ces neuf jeunes est de taille. Ils prévoient débuter leur marche à leur école secondaire vers 7 h pour terminer leur parcours à Valcourt aux environs de 19 h. « On a déjà commencé à s’entrainer pour être prêts. Nous regardons où nous arrêterons sur le parcours pour prendre des pauses. Il y aura aussi une van qui va nous suivre en cas de besoin, si jamais c’est vraiment trop », précise Samuel Landry.
Apprendre à organiser un événement
En plus du défi physique, cette marche offre à ces jeunes l’occasion d’apprendre à organiser un événement. « Je suis un peu infographiste et j’aime travailler sur un ordinateur. J’ai créé des affiches avec les codes de couleurs et les polices de caractère suggérés par la Fondation. Notre groupe d’amis s’est aussi réuni pour savoir quelles étaient les meilleures plateformes à utiliser pour faire connaître notre marche, comme Facebook ou Instagram », raconte Samuel Landry.
des outils promotionnels réalisés pour faire connaître la marche entre Sherbrooke et Valcourt. (image : Facebook)
Tournage d’un documentaire
Antoine Dumont, leur ami de Valcourt qui participe à la marche, sera quant à lui responsable du tournage d’un documentaire. Un projet vidéo qui sera présentée dans le cadre d’un cours de son programme Art, communication et technologie.
L’établissement scolaire n’est pas officiellement rattaché au projet, car il s’agit d’une initiative personnelle des jeunes. « Mais l’école nous soutient », assure Charles Gagnon.
À l’arrivée : accueil de la communauté
La marche suivra en grande partie le tracé de la route 222. Parcourant les municipalités de la région dont Saint-Denis-de-Brompton, Racine et le Canton de Valcourt. Leur point d’arrivée à Valcourt reste encore à définir. Des résidents et organismes de Valcourt font actuellement des démarches pour appuyer les jeunes là-dessus. La communauté sera invitée à se rendre sur place pour les accueillir.
Itinéraire de la marche à partir de l’école secondaire Mitchell-Montcalm à Sherbrooke jusqu’à Valcourt.
« C’est incroyable tout ce qu’on a amassé »
Au moment de l’entrevue, les jeunes se disaient impressionnés d’avoir recueilli plus de la moitié de leur objectif de 3000 $. « Au début, nous nous étions donnés un objectif de 300 $. Mais on s’est rendu compte qu’on allait rapidement le dépasser. Alors, on l’a fixé à 3000 $. Peu importe le montant que nous allons récolter, nous allons être contents. Parce que le but était d’embarquer dans cette aventure. Mais c’est quand même incroyable tout ce qu’on a amassé jusqu’à maintenant. Ça me rend super content. On va ajouter des messages de remerciements dans notre documentaire, c’est certain! », se réjouit Samuel Landry.