Photo : Anne-Sofie Bathalon

Redéfinir la durabilité

Anne-Sofie Bathalon, La Gazette de la Mauricie, mars 2024

À 23 ans tout juste, les implications de Philippe Dorion touchent à des domaines aussi variés que l’entrepreneuriat, la justice sociale, les micro-organismes, l’implication citoyenne, la lutte au changement climatique et la politique, rendant impossible une énumération exhaustive. Le jeune homme explique avoir toujours été fasciné par ce qu’offre la nature. Il confie en riant « quand j’étais plus jeune, tous mes amis faisaient du vélo […], et moi je m’arrêtais souvent pour aller chasser des écrevisses, des sauterelles, des grenouilles. J’ai toujours eu une affinité avec le vivant. » En vieillissant, il s’est intéressé davantage aux organismes vivants invisibles, notamment en développant une réelle passion pour le compost. Depuis cinq ans, il tente de développer un OBNL, au nom d’Atlas, qui pourrait récupérer les déchets alimentaires des restaurants pour faire du compost et le redistribuer gratuitement à la communauté. En plus d’être scientifique, il s’intéresse énormément à la politique et tente, à sa façon, de remédier aux injustices sociales.

Qui est Philippe Dorion ?

Originaire de la région de Gatineau, il est présentement en fin de parcours au baccalauréat en biochimie à l’UQTR en plus d’être auxiliaire de recherche. Il occupe présentement le poste de coordonnateur des affaires sociopolitiques à l’Association générale étudiante (AGE), qui, elle, représente plus de 10 000 étudiants membres. Son présent mandat l’amène à développer des campagnes sur des enjeux environnementaux et sociaux. Bien connu de la population étudiante uqutérienne, il s’implique activement dans plusieurs autres associations et mouvements depuis plus de trois ans.

Philippe Dorion ne s’est pas toujours autant investi activement dans la lutte contre les changements climatiques. « Oui, au cégep je participais aux manifestations et je développais tranquillement Atlas, mais c’est vraiment à l’uni que j’ai développé cet aspect, le fait de oui participer, mais aussi de m’impliquer activement » ajoute-t-il. En effet, c’est pendant son cheminement universitaire qu’il s’est joint à l’association étudiante environnementale de l’UQTR, UniVert. À cette époque, il s’était présenté comme président et il fut élu à grande majorité. Depuis, il a occupé plusieurs postes au sein de l’association, mais occupe depuis trois ans le poste de secrétaire. Il explique que la pandémie a également été un défi pour UniVert, puisqu’aucun étudiant ou presque n’était présent sur le campus.

Univert possède un jardin collectif sur le campus, adjacent au pavillon étudiant. Philippe Dorion est également le responsable de celui-ci depuis plusieurs années, et qui devrait bientôt être agrandi. Tout juste à côté, on peut apercevoir quatre composteurs également supervisés par Philippe Dorion. Ainsi, l’association étudiante est autonome dans la production de compost et l’utilise pour leur jardin. L’année dernière, le secrétaire a développé une entente avec le bistro Chasse-Galerie afin de valoriser leurs restes alimentaires. Ceux-ci sont donc déposés dans les composteurs.

Philippe Dorion explique que cette autonomie est essentielle, « il y a un article qui est sorti récemment qui montrait que l’impact environnemental du jardin était supérieur à celui de la nourriture agricole qu’on fait pousser. C’est justement parce que le monde achète beaucoup, par exemple de la tourbe, de la sphaigne. Je veux dire, ça tu l’as récolté quelque part, ça a pollué. Aussi, son potentiel de captation de carbone n’est plus là. Tandis que nourrir ton sol avec du compost, des déchets alimentaires, il n’y a aucun impact environnemental. Ben, en fait, ça en a un, mais il est positif [rire] ! »

La fibre entreprenariale

Les ami-es de Philippe Dorion le qualifient affectueusement de « maniaque du compost ». En fait, ce qui le passionne, ce sont les micro-organismes qui font partie du processus. « J’aime comprendre la base », dit-il.

Lors de son parcours collégial, une idée d’entreprise qui distribue gratuitement du compost a germé en lui. « Je trouvais triste et c’est ça que je voulais changer. Le compostage c’est extrêmement facile. En fait, tu as presque rien à faire, c’est nous qui avons mis des barrières. […] J’ai vu l’accroissement de l’utilisation de pesticides et d’engrais chimique, et ça c’est quelque chose qui m’inquiète. J’ai la connaissance en autre de l’impact sur les micro-organismes, sur le sol, sur l’eau, sur les insectes. Ce qui en découle, c’est la chaîne trophique qui en souffre. Tandis que le compost, c’est supérieur et facile à faire. » explique-t-il.

Conséquemment, durant la pandémie, il a approché plusieurs restaurants du centre-ville de Trois-Rivières afin de récupérer leur déchets alimentaires et ultimement produire et distribuer du compost gratuitement. Malheureusement, la pandémie et la fermeture des restaurants ont fait en sorte que le projet n’a pu aboutir. Toutefois, Philippe Dorion persévère, il est actuellement en discussion avec UniVert UQTR afin de faire un partenariat.

Repenser le système

Selon l’étudiant, il ne faut plus prôner le développement durable, mais plutôt la décroissance. « Moi je vois beaucoup de problèmes avec le capitalisme. C’est une machine qui mène à la destruction de l’environnement. Justement, la décroissance ou juste simplement l’abandon du modèle capitaliste est vraiment ce qu’on pourrait faire de mieux [pour l’environnement] » avance-t-il. Il apporte quelques pistes de solutions, par exemple « contrôler ce qui se produit et les gains qu’on fait » ou encore « la centralisation des ressources naturelles au gouvernement ». Il ajoute : « moi ce qui m’inquiète, c’est la privatisation. En ce moment, c’est le capital qui décide, c’est à nous de décider. Les monopoles naturels ou nécessaires (énergies, médical, etc.) devraient être à la responsabilité du gouvernement et les industries devraient être sous la charge des travailleurs ou des personnes dans la communauté. Il est important que le tout se fasse de façon démocratique et avec la représentation des minorités. Au final, une économie est au service de la société, ça devrait être la société qui décide tout au long du processus. »