Anne-Sofie Bathalon, La Gazette de la Mauricie, Trois-Rivières, novembre 2023
C’est dans une ambiance bienveillante que le 20 octobre dernier tous étaient accueillis sur la 5e rue de la Pointe, en plein centre-ville de Shawinigan pour la Nuit des sans-abris, un mouvement qui a débuté en 1989 et qui, à chaque troisième vendredi du mois d’octobre, traverse le Québec. Cette soirée a pour but de sensibiliser à la situation d’itinérance, de pauvreté et de désaffiliation sociale. Au menu de cette 34e édition, on retrouvait un sympathique duo de musiciens, une dizaine d’organismes ainsi que des collations autour d’un feu. Parmi les organismes, on pouvait discuter avec des intervenants du Phénix, de Tandem Mauricie, de la Corporation de développement communautaire à Shawinigan (CDC), de la Maison Eureka, d’Infos Logis ainsi que du Centre d’entraide aux rayons de soleil. Bien entendu, il y avait aussi les deux organismes qui organisaient la soirée, le TrÀsh et le Centre Roland-Bertrand. Pendant que le premier répondait aux différentes questions, par exemple sur les femmes en situation d’itinérance, le second offrait des croissants ainsi que des boissons chaudes en accueillant les gens sur le site.
Pauvreté et désaffiliation
Cette soirée visait à sensibiliser à la situation d’itinérance, de pauvreté et de désaffiliation sociale. Le sociologue français Robert Castel disait dans une publication de la revue Cahiers de recherches sociologiques que la désaffiliation sociale était essentiellement le « couplage perte de travail-isolement relationnel ». En termes plus simples, c’est de ne pas avoir un emploi, ou du moins, une certaine fonction, et de n’avoir de relations profondes ou de confiance avec personne. Les causes sont multiples et souvent difficiles à déterminer sans analyse profonde. D’ailleurs on peut dire que, depuis la pandémie, un lien de confiance semble s’être effrité entre les institutions, les citoyens et les personnes vulnérables. L’essence de la Nuit des sans-abris est donc, dans un second temps, « de donner une voix à ces personnes, pour démystifier les réalités autour de l’itinérance, mais aussi pour déconstruire les préjugés et créer un espace de mixité sociale » peut-on lire sur le site de l’événement.
L’après pandémie
La Gazette de la Mauricie a également fait le tour de la presque totalité des kiosques présents lors de la soirée. La même question fut posée : est-ce réellement pire depuis la pandémie ? La réponse fut univoque; oui. Marie-Pier Drouin, directrice générale de la CDC Shawinigan disait ressentir un appel à l’aide de la part de ses organismes membres. Elle ajoute que les demandes de référencement ont également été à la hausse depuis la COVID. La directrice clinique du Centre Roland-Bertrand, Marie-Hélène Trudel confiait elle aussi que les demandes de services avaient augmenté de manière significative.
Tous veulent plus
Selon Marie-Hélène Trudel, tous les partis impliqués dans cette crise veulent de meilleures conditions pour les personnes sans domicile fixe. En effet, elle indique que des tables de concertation entre la ville de Shawinigan et les différents organismes partenaires ont été créées afin de trouver des solutions. Malheureusement, elle ajoute que des solutions miracles, il n’en existe pas. « Oui de l’argent, oui des conditions décentes pour nos employés, mais il faut plus de logements sociaux ou supervisés. Construire des immeubles c’est un énorme projet, qui demande beaucoup de ressources et qui fait peur à bien du monde », ajoute-elle.
La Mauricie – pire qu’ailleurs ?
Effectivement, comme dans beaucoup de villes au Québec, la situation de l’itinérance est beaucoup plus visible depuis quelques mois à Shawinigan. On apprend, dans un rapport produit en 2020 par le Centre de recherche de Montréal sur les inégalités sociales, les discriminations et les pratiques alternatives de citoyenneté (CREMIS), que la Mauricie et le Centre-du-Québec est un territoire avec ses propres particularités qui sont des facteurs de risques en matière d’itinérance. Par exemple, ce territoire est mal desservi par les transports en commun, ce qui peut empêcher certaines personnes vulnérables d’avoir accès à des services adaptés. Aussi, il y a plusieurs centres carcéraux provinciaux ou fédéraux et lors des sorties de ceux-ci, il peut s’agir d’un moment à partir duquel une situation prend différentes tournures.