Et s’il existait un modèle entrepreneurial qui réponde à des valeurs sociales et durables ?

Joannie Bournival, La Gazette de la Mauricie, Trois-Rivières, novembre 2023

La pandémie a été un vecteur de changement et si vous ne le ressentez pas encore, ce n’est qu’une question de temps. En plus de mettre en lumière des problèmes sociaux de plus en plus criants, comme la crise du logement, la destruction de l’environnement et la sécurité alimentaire, elle a amorcé une transformation du marché du travail et de nos relations humaines.

Dans ce contexte, on peut se demander si les modèles actuels tiendront la route, et si on souhaite qu’ils le fassent. Et s’il existait un modèle entrepreneurial qui réponde à des valeurs sociales, qui place l’humain avant le profit et qui permette un développement économique durable en réponse aux besoins des communautés ?

Oui, ce modèle existe et il ne s’agit pas d’une utopie. On parle ici de l’économie sociale, un modèle entrepreneurial qui allie finalité sociale et viabilité économique. En Mauricie, on compte près de 430 de ces entreprises – OBNL, coopératives ou mutuelles – et elles représentent près de 6 000 emplois et 627 millions de dollars de revenus. Des chiffres qui parlent aux économistes, certes, mais qui ont aussi un réel effet dans la collectivité.

De fait, puisque ces entreprises d’économie sociale naissent d’un besoin, elles jouent un rôle essentiel dans la dynamisation des milieux, dans la prise en charge des communautés et même dans la capacité de celles-ci à agir sur les problématiques actuelles. D’ailleurs, elles façonnent le Québec depuis toujours. Pensons aux centres de la petite enfance (CPE), aux services d’aide à domicile (Aide chez soi) ou aux coopératives d’habitation.

Les entreprises collectives sont présentes dans tous les secteurs d’activités : de l’alimentation aux aînés, en passant par le tourisme, la culture, la santé et même les finances. À Trois-Rivières, on peut penser à l’Atelier des vielles forges, qui offre une panoplie de services à l’entreprise grâce à l’insertion au travail de personnes qui en sont éloignées par des limitations physiques. Il y a également la Coop ETC à la Tuque, experte de l’économie circulaire, qui revalorise objets, matériaux et textiles, tout en soutenant la réinsertion à l’emploi. Mentionnons aussi Aux berges du lac Castor, dans Maskinongé, un site d’hébergement tout à fait charmant où s’amalgament nature, plein-air et culture, parfait pour y passer ses vacances. Et ce n’est que la pointe de l’iceberg !

Les entreprises d’économie sociale sont portées par et pour nous puisqu’elles s’appuient sur des principes de gouvernance démocratique et que ses membres ont tous un même pouvoir d’influence sur ses orientations. C’est ce qui en fait des entreprises durables dans le temps, qui sont agiles et résilientes, et qui survivent à des crises comme la récente pandémie en adaptant constamment leurs produits et services en fonction du besoin de leur communauté et en réinvestissant leurs surplus dans leur mission. L’ancrage qu’elles ont au sein de la population et auprès de leurs membres constitue leur plus grande force.

Je baigne dans ce milieu depuis maintenant deux ans et je peux affirmer qu’en économie sociale, l’expression « Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin » prend tout son sens. J’ai toujours admiré les entrepreneurs, car il faut du cran pour se lancer dans le vide. Mais aujourd’hui, j’admire encore plus les entrepreneurs collectifs. Ces personnes passionnées qui, malgré la rapidité du quotidien et des obligations, trouvent le temps de réellement travailler ensemble, de mobiliser leur communauté, d’écouter les besoins, de modifier leur plan selon la réalité du terrain à laquelle ils sont confrontés, qui évaluent et réévaluent en continu, tout ça, parce que pour eux, c’est l’humain avant le profit. Ces hommes et femmes entrepreneurs qui replacent l’économie là où elle doit être… au service des gens.

Alors, un modèle entrepreneurial qui répond à des valeurs sociales et durables, j’y crois plus que jamais et j’ai l’intime conviction qu’il peut réaliser des miracles dans notre société en changement. Qu’il peut être la bougie d’allumage d’une société plus juste, inclusive, et respectueuse.